58 Minutes pour Vivre, Die Hard 2 se passe la veille de Noël. Washington et sa région subissent un blizzard sans précédent. Pas de chance pour John McClane (Bruce Willis), c’est le jour où il vient accueillir sa femme à l’aéroport. Puisque Dieu le déteste vraiment, au même moment, des soldats renégats piratent à distance la tour de contrôle, prenant en otage les appareils en vol. Les centaines de passagers n’auront le droit d’atterrir qu’en échange de la libération du général Esperanza (Franco Nero), baron de la drogue censé arriver dans cinquante-huit minutes. Les contrôleurs du ciel sont incapacités, le chef de la police incapable, et la tempête fait rage. McClane va donc tenter de débusquer lui-même les terroristes, avant que l’avion de sa femme ne s’écrase…
58 Minutes pour Vivre, Die Hard 2 est considéré par beaucoup comme le moins bon des quatre films. (Le cinquième, Belle Journée pour Mourir, est si mauvais qu’il n’existe pas.) Quand on voit le quatrième, faut pas déconner, mais admettons… Pourtant, avec du recul, ce second opus opportuniste, au parfum trop évident de redite, est cohérent artistiquement et scénaristiquement. Il est autant une extension des thèmes du film original qu’un contrepoids parfait à ses intentions. Enfin, oubliez la théorie contestée comme quoi Piège de Cristal serait ou non un film de Noël. Le prix revient sans conteste à sa suite.
La citation qui tue
(Général Esperanza, quittant son avion d’un air triomphal : ) Liberté !
(McClane, surgi de nulle part pour lui coller un marron : ) Pas encore !
58 Minutes pour Vivre… et pour écrire la suite
Quand donc est né 58 Minutes pour Vivre, Die Hard 2 ? Dès les résultats du premier weekend d’exploitation de Piège de Cristal. Voyant le succès du film, le producteur Lawrence Gordon commande un scénario pour une suite, en secret. Il sent que les costards-cravates vont demander à poursuivre la franchise. Il sera prêt à lancer la machine.
Un scénariste débutant, Doug Richardson, a pour instruction d’adapter comme une suite le roman 58 Minutes de Walter Wager. Seuls les noms des personnages changeront, le temps que le projet devienne officiellement Die Hard 2. Sa copie sera révisée par Steven de Souza, déjà à l’œuvre sur le premier, et habitué de l’écurie Silver (Commando).
Dans le roman, le policier Frank Malone pourchassait un maître-chanteur ayant déréglé les instruments de l’aéroport JFK de New York, un soir de tempête de neige. Ce sociopathe exigeait la libération de prisonniers en échange des appareils bloqués en vol. Malone devait réussir en moins de cinquante-huit minutes, avant que l’avion de sa fille ne s’écrase, à court de carburant.
58 Minutes pour Vivre, Die hard 2 ne conserve que l’aéroport sous la neige et les avions en sursis (ainsi que l’échéance donnant son titre au livre, ici anecdotique). Blockbuster oblige, il y aura plus de méchants, de cascades et d’explosions. Hélas, John McTiernan ne put revenir derrière la caméra, occupé par À la poursuite d’Octobre Rouge. C’est au finlandais Renny Harlin de prendre la relève, quittant le projet Alien 3 pour la suite des aventures de McClane.
Une suite plus grande
Harlin n’est pas manchot, mais pas un intello non plus. Il n’y a qu’à voir ses plus grandes réussites (Prison et Freddy 4 avant, Cliffhanger après). Elles tirent leur efficacité d’une réalisation et d’un découpage « cash », mais aussi dans les tripes et le sang. Puisqu’une partie de l’équipe technique rempile, il est moins distrait par l’esthétique générale.
Renny ne cherche jamais non plus à singer la réalisation de McTiernan. Pas bête, il a conscience de réaliser une commande, un actioner américain, blockbuster d’exploitation, de surcroît. Il porte donc un regard « extérieur » sur ce que le divertissement yankee a fait de mieux avant son arrivée… et celle de Piège de Cristal. Il s’applique en bon élève, réalisant un film d’action typique de sa patrie d’accueil, empruntant même quelques ralentis au cinéma hongkongais.
Le scénario lui donne matière dans ce sens. McClane n’affronte plus quelques eurofripouilles classes et cultivées, mais une armée de militaires bas du front. 58 Minutes pour Vivre, Die Hard 2 abandonne le huis-clos vertical pour une course-poursuite dans des espaces horizontaux, où la neige est un personnage à part entière. Enfin, gros budget aidant, il jouit de décors et maquettes d’une démesure incroyable. Il suffit de voir l’intérieur de la tour de contrôle, ou l’explosion finale, parfaitement réglée et mise en scène.
« Et en plus, c’est Noël ! » pour citer le héros dès sa première minute à l’écran. Du coup, est-ce qu’on n’en fait pas un peu trop ?
Une suite abusée ?
Des terroristes, un lieu délimité, Noël… « Comment la même chose peut-elle m’arriver deux fois ? » s’interroge notre anti-héros. Effectivement, c’est gros. Le marketing se focalise donc sur l’invraisemblance de la situation. Elle est adressée frontalement dans les bandes annonces et les dialogues du film. C’est en partie ce qui vaut au métrage sa réputation de remake, de copier-coller honteux. Rien n’est plus faux. Dans les faits, 58 Minutes pour Vivre suit un scénario original servi dans le même écrin que Die Hard, sur un budget assurant le spectacle.
En revanche, cette modernité de façade cache une formule datée depuis son prédécesseur. Piège de Cristal ouvrait l’avenir du genre, presque tous les films d’action des années 90 adaptant son idée à leur sauce (Mort Subite, Piège à Grande Vitesse, etc.). Sa suite fait deux pas en arrière, préférant faire le bilan d’une ère fraîchement passée. Cette fois, l’originalité se limite à s’enfermer de nouveau dans un lieu spécifique. Le reste recycle les codes et les travers du film d’action musclé des années 80.
John McClane, « l’homme normal » du premier film, devient un macho à grande gueule, rentre-dedans et parfois odieux. Les facilités au nom de l’efficacité sont légion, et pour les besoins du scénario, l’aéroport ressemble à un parc d’attractions. Le terrain de jeu est exploité à fond, même en dépit du bon sens, du moment que les morts et les explosions se renouvellent. McClane en visite les moindres recoins, dont certains qui n’existent pas. À ce titre, il use de raccourcis dignes d’un jeu vidéo, permettant de traverser des kilomètres en quelques minutes.
L’art de la bêtise intelligente
58 Minutes pour Vivre, Die Hard 2 est un film bête. Toutefois, contrairement aux suites des années 2000 ou aux derniers Fast and Furious, c’est un film bête conçu intelligemment. On l’a vu, toute l’équipe, du scénariste au réalisateur, sait ce qu’elle doit livrer et comment. Le savoir-faire est évident.
Surtout, toutes les absurdités et entorses à la réalité sont justifiées dans la diégèse. « Des warp zones dignes de Super Mario ? Un siège éjectable sur un C-130 ?! Des avions qui ne peuvent atterrir qu’à Dulles, alors qu’ils sont à portée d’une dizaine d’autres sur toute la côte ?!? » Pourquoi pas, s’il y a toujours une ligne de dialogue ou un plan de coupe pour expliquer ce qui doit l’être.
Quant aux erreurs factuelles, elles se pardonnent aisément avec l’époque de sortie. En 1990, Google n’existait pas. Un aéroport était encore un lieu fascinant et mystérieux. Puisqu’on n’en connaissait pas facilement les rouages, il était plus ouvert à l’imagination. La suspension d’incrédulité est relativement préservée. L’aérogare et ses avions deviennent un microcosme et des outils, dont la réalité se tord au service du film. Du moment que cet “autre espace-temps” est explicité d’une façon ou d’une autre.
Qu’importe si McClane débouche le réservoir d’un Boeing à mains nues, et si le kérosène s’enflamme plus vite que Dwayne Johnson sur Twitter. Dans la vraie vie, c’est impossible, comme beaucoup d’autres choses au cinéma. Dans le film, c’est la fin la plus spectaculaire et logique, l’un des moments les plus mémorables de la franchise, et l’occasion de sacraliser la célèbre catchphrase : « Yippee-ki-yay ».
Si c’est pas logique, c’est logique
Par contre, il faut éviter de trop réfléchir au plan des terroristes, de peur de mettre en lumière ses absurdités logistiques. Tous s’installent à l’hôtel de l’aéroport, alors que leur QG se trouve en banlieue. Ils planquent des micros dans la tour, mais l’enregistreur en zone de fret. Ils tendent une embuscade pour empêcher qu’on atteigne une antenne, qu’ils ont de toute façon prévu de saboter. Etc. Et puis, évidemment, rien ne serait possible si le transfert du général n’avait pas lieu pendant la tempête du siècle. Mais tout est bon pour justifier l’action.
Les méchants font une chose et son contraire dans le seul but d’entraîner un rebondissement ou une fusillade. Curieusement, c’est une belle analogie au film justifiant son existence. Non seulement en tant que suite au métrage qui a révolutionné le genre à l’époque, mais également comme jalon du genre en question.
58 Minutes pour Vivre, Die Hard 2 est une suite décevante. Pourtant, suivant des standards pas si vieux que ça, c’est vraiment un bon film. Il suffit de le prendre pour ce qu’il est : le chant du cygne de l’actioner bovin des années 80. Piège de Cristal annonçait ce qui allait suivre. Avec un pied-de-nez formidable, sa suite, justement, fait le bilan de ce qui a précédé : c’est violent, excessif et tire toutes les ficelles pour garantir le spectacle.
Dans un monde normal, le rejeton ultime de L’Arme Fatale et Rambo aurait dû sortir avant Piège de Cristal, pour ensuite permettre la révolution. Mais comme personne n’attendait ce dernier, John McTiernan a pu le tourner avec une relative liberté et offrir quelque chose de neuf. Le succès étant ce qu’il est, une suite commerciale et plus convenue a vu le jour. Pourtant, elle ressemble toujours au premier et en conserve des ingrédients. C’est juste une autre recette.
Un vrai film de Noël
Piège de Cristal est-il un film de réveillon ? À vous de voir. Mais 58 Minutes pour Vivre l’est assurément, un beau cadeau autant qu’un conte de Noël. Non, ce n’est pas une blague.
Déjà, il y a la générosité de cette suite. C’est normal, quand on dispose d’un plus gros budget, d’enjeux plus importants et d’un terrain de chasse ouvert aux possibilités. Ensuite, il y a le contexte. Qu’on aime ou non, c’est re-Noël, et en plus, sous la neige ! Cette fois, on est davantage dans le ton des fêtes de fin d’année que sous la moiteur californienne. Par ailleurs, ce climat polaire n’est pas purement gratuit. C’est un élément clé de l’intrigue, paralysant l’aéroport et permettant le chantage des terroristes.
Enfin, volontairement ou non, 58 Minutes pour Vivre, Die Hard 2 offre à son personnage central un arc d’évolution/rédemption. Ici, McClane débute sans gêne, frimeur et méprisant, croisement bâtard de Scrooge avec l’inspecteur Harry. On est plus proche de Bruce Willis, mais loin de l’homme normal du précédent film. Cela ne fait qu’un an depuis la prise d’otages au Nakatomi Plaza, et ses « quinze minutes de gloire » ne sont pas encore oubliées. Du coup, Johnny surfe sur une notoriété qui lui est montée à la tête. Il ne se prend pas pour de la m***, prend tout le monde de haut, et vanne à tour de bras ceux ayant l’audace de lui répondre.
Il aurait pu continuer comme ça… Si son ingérence n’avait pas, malgré sa bonne foi, provoqué le crash d’un avion en représailles. À partir de ce moment charnière, notre héros redevient fragile, est choqué et pleure face à son impuissance. Il ouvre alors les yeux sur son arrogance. Sa conduite ne change pas, mais sa motivation à trouver les coupables prend un nouveau sens. Il ne s’agit plus seulement de sauver sa femme, et encore moins de se faire mousser. Il a quelque chose à se reprocher, et il est prêt à tout pour se racheter. On a eu chaud. Remis à sa place, le personnage a abandonné cette nonchalance toxique, qui ressurgira vingt ans plus tard dans Belle Journée pour Mourir (sans rédemption, cette fois).
La magie des fêtes
Dans 58 Minutes pour Vivre, Die Hard 2, magie du cinéma et magie de Noël se confondent vraiment, de la façon la plus saugrenue qui soit. Exit Al Powell en tant que soutien moral par radio. Cette fois, John est aidé en personne par Marvin le concierge (Tom Bower). Il rencontre le bonhomme dans les sous-sols de l’aéroport, où il crèche manifestement, ce qui est même clairement dit dans une scène coupée.
Mais puisque la vie est bien faite, Marvin assiste le héros de façon providentielle. Il connaît tous les raccourcis à travers l’aéroport (logique ?), et il a même trouvé une radio égarée par un méchant (pratique !). Ajoutons qu’il est aussi sympa que zélé, et qu’il a l’esprit clairement resté prisonnier du passé, en l’occurrence, la guerre du Pacifique.
Si l’on résume bien, on a un autochtone zinzin rencontré dans un monde souterrain, que le bon Dieu a placé sur le chemin du héros pour l’aider dans sa quête, avec des conseils et des artefacts. C’est pas un lutin du Père Noël, mais cette rencontre a tout de même quelque chose de magique.
Pour enfoncer le clou, les cinq dernières minutes sont complètement miraculeuses, absurdement commodes et extrêmement joyeuses. La superbe explosion du 747 au décollage est digne d’une étoile de Noël. Les avions atterrissent à la queue-leu-leu en suivant sa lumière (sans se rentrer dedans !). Puis, tout le casting se retrouve sur les pistes pour les embrassades et sourires de rigueur. Le générique de fin défile alors, accompagné de l’inévitable chanson de fête. « Let it snow, let it snow, let it snoooow… »
Joyeux Noël !
Ils ont raison de se réjouir. Il vaut mieux ne pas penser aux trois cents personnes tuées, ni aux dizaines de millions de dollars de dégâts. On va surtout faire l’impasse sur le procès à rallonge que le gouvernement intentera sûrement à John McClane. Il a tout de même éparpillé un prisonnier politique et ses barbouzes dans le ciel de Washington, la capitale du pays des droits et de la liberté. Pas d’inquiétude, l’esprit de Noël va tout effacer.
Si Piège de Cristal a révolutionné le cinéma d’action, il n’est pas réellement le film idéal pour les célébrations de fin d’année. En revanche, sa suite enneigée est un actioner nostalgique et généreux, dont le contexte et les facilités renvoient beaucoup plus au merveilleux d’un conte de Noël. Un conte R-rated, gore, explosif et sans concessions.
Davantage qu’avec les épisodes suivants, le diptyque Die Hard/Die Hard 2 constitue les deux faces d’une même pièce. L’une n’existerait pas sans l’autre. Alors arrêtons d’hésiter. Quitte à se caler dans son fauteuil, autant mater les deux d’affilée.
Ho – Ho – Ho ! Joyeux Noël à tous !
58 Minutes pour vivre, Die Hard 2 est disponible en dvd et bluray chez 20th Century Studios.