Fast and Furious 9

Dans Fast and Furious 9, la bande à Dominic Toretto (Babar Vin Diesel) part en mission en Amérique centrale, pour voler un McGuffin techno-débile. Hélas, ils se font doubler par Jakob (John Cena), le frère de Dom, qui s’était enfui il y a longtemps suite à un drame familial. Évidemment, la série ne peut pas revenir en arrière depuis ses exagérations à la Mission : Impossible. Jakob n’est pas devenu chef de gang et champion de tuning en Seine Saint-Denis, mais le plus grand agent secret de la planète. Et il a très envie de bouleverser l’ordre mondial sitôt qu’il aura réuni toutes les pièces d’Arès, le fameux McGuffin (si l’Œil de Dieu du septième opus voyait tout, ce machin contrôle tout, ce qui est encore mieux). Est-ce que l’esprit de famille l’emportera sur la rancœur de Jakob envers son frère ? (bâillement)

C’est assez rare, une saga qui arrive au neuvième film et au-delà. À part Star Wars, James Bond, Zatoïchi, Star Trek, Godzilla, Saw ou encore Vendredi 13 (!), je ne vois pas trop. C’est encore plus surprenant quand c’est une franchise de films d’action, qui a gagné en spectaculaire et en popularité ce qu’elle a perdu en intelligence (et à ce niveau, on a commencé bien bas). Fast and Furious 9 est donc là, et avec lui la promesse que la c#nnerie atteint littéralement la stratosphère. Pari gagné, malheureusement.

Pitié, arrêtez !

Ma relation avec Fast and Furious évolue en dents de scie. Pas fan au début, le virage amorcé avec le cinquième m’a plu. Comme un bon actioner débile des années 80, l’équipe y croyait à fond, faisait le taf avec talent et ne se prenait pas la tête. Le 6ème opus réitérait avec un petit effort, les dealers pétés de thunes cédant la place à des mercenaires tunés, pour des scènes d’action inventives et réjouissantes.

Par contre, malgré le carton du septième, difficile de se réjouir du doigt d’honneur fait aux spectateurs comme à la cohérence, même sous couvert de cool attitude (plus de détails ici). Pourtant, ç’a tellement bien marché que le 8 a poursuivi la tendance, avec plus de constance cette fois. La série est tellement populaire aujourd’hui qu’elle génère des spin-off et programme des suites en rafale (FF 10 et 11). Mais après Hobbs & Shaw, je vais dorénavant à reculons découvrir les prochaines bêtises de Toto et sa bande.

Certes, on peut apprécier ces aventures en posant son cerveau. Mais même un réalisateur encensé dans l’action (David Leitch, responsable d’Atomic Blonde et John Wick) et des acteurs charismatiques ne peuvent sauver Hobbs & Shaw, une campagne de pub à la formule 100 % recyclée. Cela pourrait s’appeler Fast and Furious, The Rock : le film animé. Il n’y en a que pour l’ex-catcheur bandant les muscles sur fond de CGI, tandis que lui et son pote chauve s’envoient des vannes pas drôles à la poursuite d’un nouveau joujou technologique. Et bien sûr, ces deux asociaux badass ont maintenant une famille et feraient tout pour elle, même vomir des dialogues lourdingues. Attention, Vin Diesel ! Je crois qu’on t’a piqué ton goûter !

Le même, mais en neuf

On va commencer par ce que Fast and Furious 9 fait d’intéressant. Une part du film est consacrée à des flashbacks justifiant l’existence de Jakob alors qu’il n’en a jamais été fait mention. Un exercice périlleux qu’on a déjà vu faire avant (par exemple, le jeu vidéo Uncharted 4). Force est de reconnaître que ce nouveau drame familial est acceptable. Il serait même vecteur d’émotions s’il n’y avait pas deux soucis.

Même si les acteurs prêtant leurs traits aux jeunes Dom et Jakob sont bons, il faut déjà passer outre le peu de ressemblance avec Diesel (on peut péter le budget pour Paul Walker dans FF 7, mais visiblement pas ici). Et les retours au présent nous rappellent constamment que le sérieux n’est pas de mise quand ledit Jakob est devenu John Cena, super agent secret à la recherche d’un énième outil pour contrôler le monde. Dommage.

Pour ceux qui ne se déplacent que pour tout voir péter, ces flashbacks ralentissent le film. Pourtant, c’était la seule chose intéressante depuis longtemps dans la saga. Il faut avouer que même John Cena dégage une classe et une retenue qui font du bien, après que la franchise ait subi l’écrasante personnalité de The Rock.

Ce serait « nouveau » s’il ne s’agissait pas d’un truc assez commun et efficace, que les scénaristes hollywoodiens ont simplement bazardé depuis longtemps : le développement d’un univers et de ses personnages. Il ne suffit pas de (r)amener plus de monde comme dans les films précédents, il faut aussi le faire bien. On y était presque, mais la relation entre Dom et Jakob fait tapisserie, toute l’attention revenant à cette intrigue autour d’Arès.

Fast and Furious 9, l’édition des champions

On retient surtout des Fast and Furious leurs scènes d’action pensées pour se marrer et impressionner. Qu’il s’agisse d’un avion au décollage sur la plus longue piste du monde (FF 6), un double saut en longueur à travers une série de gratte-ciel (FF 7), ou une course-poursuite avec un sous-marin sur la banquise (FF 8), difficile de dire qu’à un moment, on n’est pas surpris. Du moins, c’était le cas avant Hobbs & Shaw, et maintenant, Fast and Furious 9.

Il faut saluer le réalisateur Justin Lin, de retour, capable de belles idées de mise en scène comme de réinventer la poursuite motorisée. Après les voitures armées d’un harpon ou d’une IEM dans FF 8, Fast and Furious 9 utilise des aimants surpuissants. Avec moult conséquences absurdes, mais ils renouvellent réellement l’action. Dommage qu’ils soient réutilisés ad nauseam comme si l’inspiration s’arrêtait là. Pire, les scénaristes tiennent parole en envoyant leurs protagonistes… dans l’espace. Déjà, sur un prétexte fumeux, mais en plus, aussi bien protégés qu’un hamster dans un gant de cuisine avant de le plonger dans ma baignoire (il va bien, merci).

Du Vin, du bœuf et du Vin

Producteur sur la franchise, Vin Diesel n’a plus personne pour lui faire de l’ombre. Paul Walker nous a quittés, The Rock l’envoie bouler et Statham s’en bat les tétés. Après Fast and Furious 8, l’épisode 9 est une nouvelle occasion de centrer (soi-disant) l’intrigue sur Dom. Pour ceux qui aiment se moquer, l’interprète de Riddick et Xxx leur donne du grain à moudre : un physique d’andouillette loin du prédateur de Pitch Black, des dialogues toujours aussi insipides sur la famille, des moments d’introspection quasi parodiques, et des cascades bouffies aux CGI où le bonhomme accomplit des exploits dignes d’un Avenger (il casse du béton à mains nues !).

Hobbs & Shaw était à la gloire du Rocher ? Fast and Furious sert l’ego de Vin Diesel. Mâle alpha, Toretto ne donne que peu de temps ou d’utilité à son supporting cast. Toujours avec ce besoin absurde de continuité, le héros de Tokyo Drift fabrique dorénavant des roquettes, davantage parce que ça tombe bien que parce que c’est logique. Les méchants sont franchement inexistants. Quant au « retour du pote mort » de cet épisode, Han, c’est gratuit et sans bonne explication car les scénaristes n’en ont pas. Ne parlons pas du casting féminin, très bien fourni en talents (Rodriguez, Mirren, Emmanuel), mais que personne n’a le temps ni l’occasion de montrer, sauf dans les clichés.

Assaisonnez d’une histoire copiée sur les deux derniers films, un final mollasson et prévisible, et enfin, surtout, hélas, Tyrese Gibson. Déjà lourd et pas drôle avant, il a maintenant droit à quelques répliques solennelles se voulant méta, mais finalement sans gravité et embarrassantes.

Bilan furieux

Il faut arrêter. Fast and Furious 9 roule sur les vapeurs d’une saga qui s’est réinventée il y a déjà 10 ans avec le cinquième film. Depuis, elle a roulé inlassablement dans la même direction. Fast and Furious 10 et 11 semblant prendre la même voie, il est trop tard pour freiner. Le mur ou le gouffre n’est plus très loin. Ils sont déterminés à s’y jeter coûte que coûte avec ce qu’il leur reste.

Bien sûr, comme tout ce qui rapporte un milliard au box office, on ne vas pas changer la formule. Pourtant, fatigue et absence de direction ont tué d’autres franchises plus emblématiques (Star Wars et Terminator sont des victimes récentes). La saga s’enlise entre suites et univers étendu. Elle refait la même chose à défaut de vraiment s’étendre et ouvrir de nouvelles voies. Dommage.

Mais on connaît le vide créatif abyssal d’Hollywood. Dans vingt ans, quand tout le monde l’aura oublié, Dominic reviendra. Il sera peut-être vieux, barbu et grincheux. Et à bord de sa Charger, il se lancera dans un road trip sauvage et réellement personnel. Cette renaissance sera alors plus proche de Mad Max, et loin des pitreries d’espionnage focalisant l’attention aujourd’hui. En attendant, il reste encore deux films à subir.

Cours, Tyrese, parce que si je t’attrape…

LES + :

  • Le film offre encore un ou deux beaux moments, avec des poursuites inventives et dingues (surtout à base d’aimants).
  • On explore invente un peu plus du passé de la franchise, et ce n’est pas si raté que ça.
  • La série va encore plus servir de réservoir à mèmes, et j’ai hâte de voir le résultat.

LES – :

  • On recycle les mêmes choses depuis Fast and Furious 7.
  • Tellement de CGI qu’on ne s’inquiète pour personne, qu’on n’y croit plus, et que ça ressemble au dernier dessin animé Dreamworks.
  • Vin Diesel, qu’est-ce qui t’est arrivé ? Tu étais vraiment cool avant de faire semblant.
  • Tyrese Gibson…

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