Nathan Drake (Tom Holland) est un jeune filou qui gagne sa vie en préparant des cocktails, et occasionnellement, en tirant en douce les bracelets des clientes fortunées croisant son chemin. Il est repéré par Sullivan (Mark Whalberg) qui lui propose une alliance. Il doit l’aider à dérober une croix en or censée permettre de remonter la piste de Magellan jusqu’à son fabuleux trésor. Les choses se compliquent quand Chloé Frazer (Sophia Ali), le richissime Moncada (le Chat botté Antonio Banderas) et la mercenaire Braddock (Tati Gabrielle) se révèlent tous intéressés. La ronde des coups de couteau dans le dos peut commencer. Nate va apprendre que la vie de chasseur de trésor, ce n’est pas de la rigolade…
Alors qu’en fait, si. Uncharted, le film prend tout à la rigolade. La licence dont il s’inspire, la cinématographie, la caractérisation des personnages et la physique élémentaire vont gentiment aller se faire voir dans ce qui est, finalement, un bien curieux résultat. Le film se regarde sans honte ni déplaisir, mais les jeux et les talents les ayant créés se font gentiment insulter.
Un projet fainéant
Tout le monde peut voir Uncharted et apprécier le spectacle sans se prendre la tête. Mais vous savez qui d’autre ne s’est pas pris la tête ? Les gens derrière cette adaptation.
Pour leur défense, il y avait de quoi être fatigué par l’arlésienne Uncharted, projet qui stagnait depuis 15 ans. Ce n’était pas pour rien. Si le premier jeu avait de quoi faire un super film d’action-aventure, ses suites ont toujours fait mieux, que ce soit dans le spectacle comme dans l’écriture. Au point que la saga de Naughty Dog a fini par faire du divertissement cinématographique mieux que l’actuel cinéma, englué dans une redite et une flemme qui resteront dans l’Histoire. Une fainéantise tant artistique que créative, avec des suites à rallonge et des réalisations de plus en plus formatées pour une diffusion à la télé.
On pouvait peut-être faire un meilleur film que ne l’était Uncharted : Drake’s Fortune en 2007. Mais aujourd’hui, il y a Uncharted 4 et Lost Legacy. Aussi, les projets cross media se multiplient et les talents font la navette d’une industrie à une autre. Rivaliser devient compliqué. Sauf que pour Hollywood et les producteurs en général, la leçon ne passe toujours pas. Les joueurs sont des consommateurs et ils sont traités comme tels. Pas besoin d’un travail d’artisan quand on peut leur refourguer un produit générique tout droit sorti de l’usine. Mais pour sortir du lot, il faut les talents et l’envie, et c’est ce qui fait défaut à Uncharted en 2022.
Ruben Fleischer a peut-être réalisé Bienvenue à Zombieland, mais il a prouvé depuis qu’il était un faiseur heureux et dénué d’imagination (Venom, Zombieland 2). Les derniers scénaristes amenés sur le projet ont surtout bossé pour Marvel, Transformers et MIB International, soit le bas de gamme en matière d’écriture de blockbusters. En plus, ils ont eu la tâche ingrate de seulement copier-coller les intrigues et moments les plus mémorables des jeux, qu’on retrouve depuis des années sur Youtube.
Un reboot cupide
Enfin, il y avait l’idée géniale, évidemment une fausse piste, de raconter une période pre-games de la vie de Drake. Cela aurait dû être une invitation à inventer, une occasion de prolonger l’expérience des jeux sans la singer, de modifier la formule, avec Nathan et son frère jeunes ouvrant la voie à des aventures moins violentes et plus familiales. Les fans du jeu auraient eu du neuf, et les néophytes, une porte d’entrée sur le lore. Oui, là, je pense comme un producteur. Mais ce qui est curieux, c’est que des producteurs n’aient pas raisonné comme ça.
Uncharted 2022 est un reboot. Comme ça, les acteurs engagés dans des rôles connus de longue date auront l’excuse de le faire à leur sauce. Il faut juste faire son deuil du fantasme habituel de voir son jeu favori adapté. Tom Holland fait son numéro, idem pour Mark Whalberg, dont il fallait au moins la moustache pour croire qu’il s’agit de Sully. Je les adore, y compris ici, et leurs échanges sont amusants. Mais ce n’est pas le Uncharted qu’on a connu et aimé. Même pas en refaisant si grossièrement la chasse au trésor pirate d’Uncharted 4, réécrite et aseptisée, dans laquelle ledit trésor ne fascine personne, ni sur l’écran ni dans la salle. Un comble.
Sully, Chloé, Moncada, tout le monde a des dollars dans les yeux comme Sony, à défaut d’avoir des rêves plein la tête. Indiana Jones bavait sur l’arche d’alliance, même Benjamin Gates rêvait de mettre la main sur le magot des Templiers… Ici, tout le monde veut le trésor par principe. Sauf Nate qui cherche son frère, mais on sait très bien ce que le studio veut faire de cette quête : un appât à suite.
Des débuts pires que modestes
Ruben Fleischer, ses scénaristes et Sony font ce qu’il faut pour ne froisser personne. Au final, le film met tout le monde d’accord. S’il n’est pas vraiment mauvais, il n’est nullement mémorable. Les fans du jeu le trouvent anecdotique, puisque tout ce qui arrive a déjà eu lieu en mieux sur Playstation. Les néophytes ne le trouvent pas meilleur que le tout-venant du film d’aventure avec jeu de piste comme Benjamin Gates et Da Vinci Code. Et mon vieux, ça vole pas haut.
La fainéantise et l’absence TOTALE de créativité donnent envie de cogner. Il faut en plus composer avec un sens du spectaculaire hérité de Marvel. Ici, il est tout à fait possible de tailler le bout de gras en restant accroupi sur une caisse en chute libre, sans stress, ou de jouer aux pirates dans un décor en apesanteur hérité d’une attraction Disney.
Enfin, impossible de ne pas grincer des dents devant un caméo facile, une ou deux répliques in-the-nose, la version pimp de la carte de vol d’Indiana Jones, un flashback d’ouverture aux dialogues embarrassants de platitude, et deux scènes post-générique. Parce que ma grande, il faut la vendre, cette future franchise au cinéma ! Mettre la charrue avant les bœufs avait tellement bien marché en 2017 avec La Momie et son Dark Universe, n’est-ce pas ?
Dans la Collection 120, on aime Uncharted et on ne se prive pas pour le montrer (cf. Max Force ou Veines Rouges). Mais les professionnels de la profession ne font aucun effort d’imagination malgré le trésor qu’ils avaient dans les mains. On se demande où va le monde.
Uncharted, un film juste correct
Pourtant (malheureusement ?), Uncharted est un film correct. Il tient son unique véritable promesse, qui est de passer un moment amusant. Holland et Whalberg font souvent des étincelles. Un ou deux rebondissements font leur petit effet. Les morceaux de bravoure sont bien réglés, à défaut de ménager la suspension d’incrédulité. L’action constitue le vrai spectacle ici, la chasse au trésor étant téléphonée et sans inspiration. Aberrant quand on pense que chaque nouveau jeu parvenait à renouveler cet aspect avec intelligence. Enfin, le film fait un peu mieux que la dernière adaptation de Tomb Raider, qui se sabordait toute seule.
Uncharted sur Playstation avait réussi à rendre Nathan Drake, personnage de pixels, plus vivant que jamais. Uncharted, le film, fait de son Drake un action hero post-Marvel assez lunatique et anecdotique. Que retenir, au final ? Que c’est un pur produit calibré pour la future distribution sur disques et en streaming. C’est triste de se dire que s’il était directement passé par cette case, on aurait pu se montrer moins regardant. D’ailleurs, un budget de 120M$ hors frais marketing, ce n’est plus ce qu’on appelle un blockbuster à notre époque d’exagération constante.
Cela explique peut-être pourquoi Uncharted ressemble à un petit joueur se donnant de grands airs, juste parce qu’il a hérité du nom prestigieux de son Papa… Alors que ses cousins éloignés, même s’ils sont vieux et on ne les appelle plus très souvent (comme À la poursuite du Diamant Vert ou Sahara) sont restés élégants, se la pètent moins et demeurent plus fréquentables.
LES + :
- Ce n’est pas vraiment un mauvais film.
- Holland et Wahlberg sont amusants ensemble.
- Certains choix de casting font mouche.
- Il y au moins un ou deux trucs originaux ou surprenants (un rebondissement, une idée). Mais bon, ils ne mènent pas vraiment quelque part, ni ne sont exploités à fond.
LES – :
- Ce n’est pas vraiment Uncharted au cinéma.
- Antonio Banderas s’ennuie et on comprend pourquoi (surtout arrivé aux deux tiers du film).
- Si cette chronique a fait l’impasse sur l’exotisme, c’est parce qu’il n’y en pratiquement pas de tout le film.
- Tu aimes le fan service facile et embarrassant ? T’inquiète pas, tu vas en bouffer.
- Quand on voit le résultat, on a l’impression qu’hormis les acteurs, personne ne semblait vraiment y croire.
- Même le mythique thème musical d’Uncharted se fait petit dans ce reboot. C’est dire.