Tomb Raider 2018Dans Tomb Raider, Lara Croft (Alicia Vikander), 21 ans, pleure la disparition de son richissime père depuis maintenant 7 ans. Refusant d’admettre sa mort, elle tente d’oublier sa misère en faisant du kickboxing et des livraisons à vélo (elle pourrait à la place hériter de son argent et de sa puissante compagnie, ce qui serait pratique pour le retrouver vivant ou mort, et ainsi avoir la paix, mais bon). Un jour, un notaire empoté lui lègue la clé du bureau secret de son padre. Ce dernier a laissé un message à sa fille lui demandant de ne pas aller sur une île japonaise perdue, dont il croyait s’agir du tombeau de la reine/sorcière Himiko. Evidemment, la fille pas lourde va s’y rendre seule, en naviguant sur une coque de noix commandée par un ivrogne. La suite, on la connaît : naufrage, mercenaires armés et épreuves à la Koh-Lanta n’attendent que la demoiselle pour lui prouver que, malgré son jeune âge, elle a tout d’un mec, euh, d’une grande…

Ça fait du bien d’être de retour ! C’est probablement aussi ce que doit penser Lara Croft, après les quinze ans de silence radio ayant suivi les rigolades menées par Angelina Jolie (Lara Croft : Tomb Raider et LCTR : The Cradle of Life). Deux reboot de pixels plus tard, la franchise est suffisamment fraîche pour faire comme tous ses confrères vidéoludiques à succès : détruire toute crédibilité grâce à une adaptation ciné. Oui mais…

Tomb Raider : un film avant d’être une adaptation

Le trailer inquiétant augurait d’un copier-coller du jeu de 2013 et de ses cascades improbables. Et là, surprise : Tomb Raider est la première adaptation d’un jeu vidéo pouvant se vanter d’être… un vrai film, qui malgré ses défauts se regarde et se comprend comme tel. Il s’avère même parfois agréable sans que jamais l’incongruité d’une reprise (de scènes ou d’objets du jeu) ne saute aux yeux du profane.

On est loin du carnaval sans queue ni tête orchestré par Paul W.S. Anderson sur ses Resident Evil, ou du sibyllin Assassin’s Creed de Justin Kurzel. Ces films réarrangeaient n’importe comment les éléments de leurs jeux respectifs sans jamais parvenir à être artistiquement défendables (les premiers) ni divertissant (le second). Et dans les deux cas, ils n’étaient jamais compréhensibles. Bref, il fallait connaître les jeux pour les aimer ou (surtout) les détester.


Le méchant de Tomb Raider. Profitez-en bien, vous ne le verrez pas beaucoup.

C’est bon car c’est con

Mais là, t’embête pas, Papa ! Tomb Raider 2018 n’est qu’un blockbuster bis, produit pour pas trop cher et sans prise de risque. Un sous-Indiana Jones rappelant les productions glorieuses de la Cannon lors des années 80. Un film d’exploitation ni mémorable ni médiocre, qui méprise l’intelligence des spectateurs dans le seul but de ratisser large.

Le film choisissant de réécrire le reboot de 2013, il le fait en moins grandiloquent, budget oblige. Si tout ce qu’on voit à l’écran découle complètement du jeu, rien ne s’y déroule donc de la même manière. Les puristes vont râler comme d’habitude et c’était couru d’avance. D’autant que la relation père-fille est ici exploitée grossièrement ou honteusement, au choix (Papa réserve une “surprise” à mi-chemin dont on se serait bien passé).

Cela ne veut pas dire que le métrage fait mal à voir. Roar Uthaug (le réalisateur) évite beaucoup les excès de style et le fan service appuyé. Si la bande-annonce faisait peur, il faut reconnaître que tout est emballé comme un film plutôt qu’un jeu. Même les sauts au ralenti de Lara, hyperboliques dans le trailer, sont moins ridicules et plus appropriés une fois remis dans leur contexte.


Appuyez rapidement sur triangle…”

Reprises surprises

Conscient de ne pas être le film de l’année, Tomb Raider n’essaie jamais d’être ce qu’il n’est pas, et ça c’est bien. Ce n’est pas un rouleau compresseur saisonnier (face à Marvel, faut pas rêver) et ce n’est pas un pseudo film d’auteur (coucou, Assassin’s Creed). Ce n’est pas non plus un portage fidèle du jeu d’origine ni le nouvel Indiana Jones. En revanche, en bon film d’exploitation, il repompe tout ce qu’il peut de ce dernier, notamment avec ses esclaves utilisés pour des travaux miniers, et des dialogues père-fille entièrement référentiels.

Carton rouge par contre pour les “nouvelles origines” de Himiko. Si elles s’inscrivent tout à fait dans l’esprit bisseux du film, elles ont par contre totalement été piquées sur un épisode de la série… Uncharted. Soit un autre mètre étalon du genre, grand concurrent de Tomb Raider et arlésienne au cinéma depuis 10 ans. Quelle ironie, tout de même.

Sans surprise, les références qui passent le plus mal sont les plus flagrantes et poussives. Elles surgissent surtout dans les dernières minutes, avec la mention de l’organisation Trinity et le caméo de Nick Frost. La première est gratuite et trop appuyée, et le second (à qui Lara achète ses célèbres flingues) sort de et mène nulle part.

Tomb Raider 2018
“J’en prends deux !” (soupir…)

Des faux défauts ?

Les défauts de ce nouveau Tomb Raider ne proviennent pas pour une fois d’un matériau mal adapté. Ils viennent plutôt des canons datés du genre “action-aventure” et du desiderata d’une production trop peureuse de se planter.

Sans cela, il est certain qu’on aurait évité une introduction “pour les nuls”. Parce que reconstituer les morceaux, c’est trop chaud pour votre cerveau, cette dernière explique Himiko et sa légende en deux minutes, voix off et fondus sur cartes anciennes à l’appui. Vous saurez ainsi déjà tout BIEN AVANT Lara elle-même. La tension et l’intérêt retombent derechef à zéro. Fléau des films d’aventures modernes, apparemment (le reboot de La Momie y avait lourdement recours), ce procédé vole d’entrée tout mystère ou plaisir de découverte. Vexant.

Ne parlons pas du coup du méchant derrière le méchant. Quand on a l’excellent Walton Goggins, charismatique et humain dès ses premières secondes, on ne le fait pas avouer trois minutes après qu’il n’est qu’un sous-fifre qui ne veut pas être là, et qu’il n’obéit qu’à une voix au téléphone. Du coup, pas de rencontre marquante ou fondatrice pour Lara, non. On nous glisse à la place des références éparses à Trinity, le groupe obscur apparu dans Rise of the Tomb Raider, promettant de manière bien pratique moult ennuis (et suites) pour la belle.

En définitive

Malheureusement, à cause de tout cela, l’attention du spectateur dégringole rapidement. Quand arrive le final ni honteux ni trippant dans le fameux tombeau de la reine japonaise, résolutions de puzzle et pièges mortels ne parviennent pas à surprendre ni à remonter l’intérêt. Dommage.


“Un naufrage, des mercenaires, la jungle, le bagne… Je te jure, si un zombie déboule au prochain tournant, je… !

– Euh, Lara… comment dire…”

Rien à dire enfin concernant Alicia Vikander, sinon que caster une actrice fraîchement oscarisée, c’est opportuniste. Mais qu’on se rassure, son personnage ne sera jamais sexualisé, ni sa féminité ou sa fragilité mise en avant. Pas de quoi râler au sexisme, donc, on est sauvés ! Lara n’est pas ici une jeune femme sympathique : c’est seulement un personnage sympathique. C’est peut-être là la seule chose que les producteurs n’ont pas pu exhumer du siècle passé…

LES + :

  • Pour une fois, c’est un vrai film, peu ou pas handicapé par son origine vidéoludique.
  • Après tout ce qu’on a vécu, un tel résultat est honorable.

LES – :

  • C’est un film aux erreurs difficiles à pardonner quand même (reprises faciles, méchant et enjeux réduits à zéro à la vitesse de l’éclair).
  • Tout ça n’a rien d’original ni de mémorable.

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