Vous connaissez ces jeux sur lesquels vous avez bavé petit et n’aviez pas pu jouer ? Il n’est jamais trop tard pour se rattraper. Aujourd’hui, on déterre la saga Killzone, initiée en 2004 sur Playstation 2, pour tomber dans l’oubli en 2013 après deux opus PS4 et PSVita. Mais c’est un peu normal, étant donné que Sony ne sort sa licence que pour les grandes occasions (ce test rétro fait l’impasse sur le seul titre non-FPS, Killzone Libération, sorti sur PSP en 2006, jeu de tir en 3D isométrique honnête mais sans plus).
La saga Killzone débute en 2357, et suit le conflit interplanétaire opposant les Vectans aux Hellghasts. Depuis que les humains ont quitté la Terre pour voir ailleurs s’ils y étaient, ils ont fini par coloniser deux planètes assez proches l’une de l’autre : Vecta (la Terre, à peu près) et Hellghan (l’Enfer, à peu près). Forcément, ce n’est pas très équitable, et l’atmosphère plutôt rude de Hellghan a forgé le caractère et le corps des locaux, au point de les changer en espèce de nazis peu fréquentables. Après des décennies de préparation, l’empereur Scolar Visari déclare une guerre ouverte, et il envoie tout ce qu’il a pour pilonner ses voisins. Vecta va devoir riposter du mieux qu’elle peut. Pas de bol : vous êtes vectan…
Killzone : le “hahaha” Halo killer
Quand Sony annonce Killzone pour la Playstation 2, Halo : Combat Evolved cartonne sur Xbox. Du coup, le géant nippon espère que le jeu de guerre futuriste par Guerilla Games sera le “Halo killer”, un jeu tellement trop bien qu’il fera pleurnicher tous les fans de Microsoft. Une pression énorme reposait alors sur les épaules des pauvres développeurs innocents qui n’avaient rien demandé. Evidemment, quand Killzone sortit en 2004, le soufflé retomba. Il n’avait pas de quoi détrôner son rival (dont Halo 2 sortait la même année), mais en plus, le titre souffrait de lourds défauts. Des défauts parfois intentionnels et pas insurmontables, mais qui éloignent le jeu autant que possible de la liberté et de la maniabilité de Halo 1 & 2.
Parce que, au lieu de copier Halo, les créateurs de Killzone ont suivi une piste bien à eux : retranscrire la guerre, la vraie, mais dans un futur lointain. L’esthétique et les environnements du jeu s’inspirent donc énormément des deux Guerres mondiales (combats de tranchées, assaut sur une plage, etc.). Et si les Hellghasts ressemblent autant aux troupes du Troisième Reich, ce n’est pas anodin, tout comme l’intro puissante où Visari galvanise ses troupes tel un Hitler du futur. Dans Killzone, le rendu comme les ennemis ont de la gueule. Mais…
Vous êtes louuuuurd
Si vous faisiez la guerre, la vraie, vous feriez moins le malin que dans la peau du Master Chief. Vous auriez sur vous plus de ferraille qu’on en trouve dans une quincaillerie. Alors courir comme un élan ou juste sauter, vous oubliez. Vous ne rechargeriez pas votre arme en un claquement de doigts. Ça prendrait du temps, et vous regarderiez forcément ce que vous faites. Et bien sûr, vous ne seriez pas Robocop, alors pas question de one-shoter la tête d’un Hellghast à cinq cents mètres.
Killzone vous met dans la peau d’un “vrai” soldat, et vous êtes louuuuuurd. Vous rechargez vos armes en baissant les yeux, et chaque bond par-dessus un obstacle (ou frag au corps-à-corps) requiert une animation contextuelle lente à exécuter. Quant aux armes, elles sont souvent cool mais souffrent d’une imprécision ou d’une maniabilité rebutante (c’est quoi ce fusil sniper ?!). Le jeu tient heureusement compte de ces limitations dans la majeure partie de son level design.
Mais parfois, ça devient quand même louuuuuurd. Surtout que les Hellghasts sont les héritiers des pires FPS des années 2000 : ils sont super précis au tir, même en plein brouillard, même à trois cent mètres, même à travers un trou de souris. Dieu merci, ils sont très, très idiots pour compenser, fonçant parfois sur vous en file indienne pour vous faciliter le travail.
Si les environnements sont bien rendus, ils sont quand même aliasés (PS2 oblige) et ternes (“réalisme” oblige). Ils sont parfois même copiés-collés sur plusieurs kilomètres, ce qui est affreusement fainéant (cf. le niveau sur les docks). Enfin, Killzone est un jeu à 300 % linéaire, une succession de couloirs et d’arènes évidents et sans objectifs annexes, loin de la grandeur et de l’impression de liberté de Halo.
Et pourtant, la sauce prend
Killzone a des défauts, pourtant, je l’ai fini d’une traite. Malgré son contexte épique capable de concurrencer Halo, l’histoire ne dépasse pas la grosse série B à la Commando. Les répliques sont faciles et les personnages taillés à la serpe, mais ça fait sourire et c’est efficace (le méchant est une star à lui seul).
Au fil de l’aventure, vous débloquez puis pouvez choisir entre quatre personnages. On a l’impression que leurs différences se limitent aux armes, mais elles sont plus subtiles. En vérité, vous jouissez de petites compétences que le jeu ne précise pas.
Vous commencez avec Templar, le troufion de base sans attribut particulier. Par contre, arrivent plus tard :
- Lugar, l’assassin furtive, plus rapide mais perdant plus vite de la vie. Elle commence avec un seul fusil, mais très précis et puissant. Elle peut emprunter des conduits d’aération ou grimper à la corde.
- Rico, un bœuf bien beauf armé d’une grosse péteuse. Il est plus lent, mais aussi plus résistant aux tirs.
- Enfin, Hakah est un espion mi-vectan, mi-hellghast, pouvant traverser incognito les lasers ennemis. Et il vise plus précisément avec les armes hellghannes, vraiment dispersives autrement.
Killzone est l’inverse de Halo : fun dans les fusillades à moyenne et courte portée, et frustrant à ciel ouvert, où vous êtes une proie facile. Par contre, ils participent au concours du pire final. Halo avait cette horrible course-poursuite en jeep ? Killzone vous rote à la figure tous les ennemis possibles dans une situation très désavantageuse.
Pourtant, je n’ai jamais voulu arrêter de jouer. Après une heure, on s’habitue et tout devient plus agréable. Killzone propose un mode coop en écran splitté, si tant est que vous trouviez un cobaye pour jouer avec vous. Le jeu est ressorti en HD sur PS3 en 2012.
Killzone 2 : la guerre, c’est fantastique
Au tour de Vecta de pilonner Hellghan avec tout ce qu’elle a. Vous êtes Sevchenko (et personne d’autre, cette fois), envoyé avec l’Alpha squad pour marcher sur la capitale et capturer l’empereur Visari. Mais le colonel Radec dispose d’un armement plus avancé que le vôtre. Avant de gagner, vous allez en baver.
Killzone 2 sortit en 2009 sur PS3, cinq ans après le premier. C’est la revanche de Guerilla games, mais aussi celle de Sony. Plus question de rigoler. Le jeu est un blockbuster qui impressionne toujours onze ans plus tard.
Le gameplay n’a pas tellement évolué, succession de couloirs et d’arènes où vous devez avancer et tirer. Mais c’est plus agréable à manier et vous pouvez sauter, même si c’est surtout pour le principe. Vous pouvez piloter des tanks, mais aussi des méchas plutôt cool. Vous pouvez armer des explosifs à l’aide du sixaxis (pourquoi pas), et vous disposez dorénavant d’un cover system pas parfait, mais auquel on se fait rapidement. Il faut dire qu’on en a besoin pour stabiliser notre visée et nous planquer, car les Hellghasts ont mangé du lion. Surtout dans la dernière ligne droite où, encore une fois, vous vous faites violer dans tous les sens par l’armée locale. Heureusement que le reste du jeu n’est pas comme ça.
Par contre, vous ne pouvez plus porter que deux armes, dont votre pistolet, ce qui est dommage car on trouve peu de remplacements en chemin. Entre le fusil à pompe (glorieux) ou le lance-flammes (mémorable), je ne veux pas choisir. Mais on s’y fait, surtout que le magnum de base prouve vite son efficacité.
Killzone 2 est une claque pour les yeux et les oreilles. PS3 oblige, il n’arrive pas à cacher ses temps de chargement (ça freeze parfois plus de deux secondes). Mais les équipes artistiques ont usé de beaucoup d’effets, cache-misères ou non, pour donner du cachet au titre. Killzone échouait à nous plonger dans un conflit réaliste. Ici, l’immersion est la clé. Ça commence avec une intro dantesque à la musique puissante, puis poussière, bruit et fureur vous assaillent sans répit pendant une campagne de six heures environ. C’est peu, mais les sensations sont là. Killzone 2 est une exclu qui mérite d’être parcourue.
Killzone 3 : c’est beau, mais…
Après la foirade concluant Killzone 2, Sevchenko et sa clique sont en cavale. Pendant ce temps, les politicards hellgastes se chamaillent, l’autarque Orlock et le conseiller Stahl en tête. Ces querelles vont vite devenir votre problème, quand les manigances de Stahl mettent en péril la race humaine.
Il a fallu cinq ans pour voir arriver Killzone 2, et seulement deux pour Killzone 3, sorti en 2011. Sony a le vent en poupe et ne veut pas gâcher une exclusivité ayant su brillamment ressusciter. Sauf que voilà, il y a un problème.
Ce n’est pas visuellement, car tout est somptueux. Un peu trop, peut-être, les environnements de Hellghan étant curieusement plus colorés et lumineux que dans l’opus précédent (on est plus proche de Gears of War que de Killzone 2). Ce n’est pas le son, car encore une fois, la musique et les bruitages dépotent comme il faut. Enfin, ce ne sont pas les ambitions, car le jeu est extrêmement généreux. Entre deux pétarades, vous pilotez un mécha, un blindé des neiges, un jetpack, etc. Une vraie fête foraine ! En plus, vous avez le droit de porter trois armes, maintenant. Oui, trois ! Yahou !
Mais Killzone 3 a un gros souci de level design. Les moments rageants des jeux précédents sont dorénavant monnaie courante. Vous vous faites constamment cirer les fesses par des troupes enragés automatiquement verrouillées sur vous, dans des niveaux mal pensés, que ce soit à ciel ouvert ou en huis-clos. Vos coéquipiers peuvent heureusement vous ranimer, mais pas quinze fois d’affilée, or, vous allez crever à la chaîne. Quant aux phases en véhicules, ce sont souvent des invitations au suicide.
Enfin, histoire de mieux masquer les chargements, les cinématiques sont plus fréquentes… pour ne pas dire envahissantes, quand la suivante arrive après cinq petites minutes de jeu seulement. Bref, Killzone 3 est jouable, oui, mais presque toujours frustrant, la faute au level design sans inspiration et à une difficulté très artificielle.
Killzone Mercenary : la guerre, ça paie
Vous êtes Arran Danner, un mercenaire prenant part dans l’ombre aux événements des autres jeux. Peu importe qui paie, Vectans ou Hellghasts, suivant l’avancée de la guerre, vous allez faire du dégât dans un camp comme dans l’autre.
Avec Killzone Mercenary, sorti en 2013 sur PSVita, on a sans doute affaire au meilleur FPS sur portable (hors catalogue Switch). Alors que Resistance : Burning Skies, autre exclu Sony, était un bon petit jeu, Killzone Mercenary est un bon jeu tout court, indépendamment du support. Il est à l’image de Uncharted : Golden abyss ou Resistance : BS, c’est un Killzone en petit, mais un vrai Killzone à part entière. Il faut s’habituer à la maniabilité à base d’écran tactile (pour courir, ramasser, activer), mais on apprend à jouer plus vite que sur Killzone PS2.
Pas d’étonnement : graphismes, son et musique sont fabuleux. Ils ont toujours été des points forts de la franchise, et Killzone Mercenary est une vitrine technologique pour la PSVita. Mais si Guerilla a soigné l’enrobage, ils ont aussi, comme l’avait fait Uncharted, adapté leur formule à l’ambition “portable” du titre.
Les prémices de l’histoire sont assez ambiguës pour apporter un éclairage nouveau sur la guerre, mais ça s’arrête là. Le jeu est moins une histoire qu’une succession de missions assez courtes, et pas moins linéaires que les campagnes des jeux principaux. Les développeurs ont aussi ajouté un radar de proximité bien pratique, pour éviter de trop galérer face à vos ennemis.
La nouveauté, c’est que vous gagnez des points d’expérience en éliminant vos proies, furtivement ou non, et en obtenant des renseignements (vous pouvez aussi interroger des officiers, ce qui est sympa). Vous pouvez ensuite les dépenser entre les niveaux ou à des coffres, pour acheter du matériel au marché noir. Killzone se modernise et ça fait du bien. Malheureusement, c’est la dernière fois que la franchise le fait correctement.
Killzone, Shadow Fall : la guerre a changé
Après avoir perdu, les Hellghasts survivants ont été invités à s’installer sur Vecta. Forcément, c’était pas une bonne idée, la moitié étant des soldats l’ayant encore en travers de la gorge. Puisque tout le monde est un peu nerveux, on a bâti un gros mur entre les deux populations. Résultat : trente ans plus tard, on nage en pleine Guerre froide. Lucas Kellan, un Shadow marshall, doit infiltrer la moitié hellghaste de Vecta pour enquêter sur une conspiration risquant de relancer la guerre.
Comme Killzone 2 sur PS3 et Mercenary sur PSVita, Killzone : Shadow Fall sert à prouver ce que la PS4 a dans le ventre. C’est réussi : pour un jeu de 2013, il est encore bluffant aujourd’hui. Mais malgré cette claque, le titre déçoit, surtout en enchaînant tous les Killzone à la suite. Pour sa défense, le soft tente vraiment de renouveler la formule, à commencer par le contexte. Guerilla games continue à s’inspirer de la réalité historique, et la Guerre froide était un prolongement logique, quoiqu’un peu tiré par les cheveux (« Bien sûr, les nazis qui nous avez déjà menti deux fois sur vos intentions de paix ! Installez-vous chez nous ! Pas de problème ! »). La guerre étant finie, le contexte est plus tendu que bourrin, et le gameplay se rafraîchit avec de petites idées sympas.
Un Shadow marshall est un agent Splinter Cell du futur, toute proportion gardée. Vous pouvez donc contourner vos ennemis et les assassiner furtivement, même en leur sautant dessus. Et vous êtes équipé d’un Owl, un drone volant que vous pouvez envoyer pour mitrailler, aveugler, générer un bouclier, lancer une tyrolienne et enfin hacker. Pour finir, vous disposez d’un sonar permettant de repérer les ennemis alentour. Classique, mais classe. De quoi se la jouer et s’amuser, non ? Euh, en fait…
Killzone fait une chute
Killzone : Shadow Fall m’a écœuré. Pourtant, son premier niveau est sympa. Vous infiltrez le mur en mode tutoriel pour goûter aux mécaniques furtives. Une fois votre Owl retrouvé, vous traversez une large zone dotée d’avant-postes, patrouilles et parois à escalader dignes d’un mini-Far Cry. On se rend vite compte que rester furtif est difficile, et que notre drone va surtout servir à nous défendre et contourner l’ennemi avec stratégie. Le Owl est chouette (haha) et les combats s’annoncent fun pour la suite, même si cette fois, vous ne pouvez porter que deux armes, dont une ne vous quitte plus de tout le jeu.
Le deuxième niveau est plus linéaire, exploration d’un laboratoire en orbite autour d’un soleil. C’est beau comme Halo, avec une ou deux idées sympas (comme de flinguer des volets pour que les rayons solaires crament vos ennemis). Mais on a hâte de revenir à des combats plus ouverts comme au début.
Hélas, Shadow Fall s’enfonce dans une routine frustrante. Un coup, le niveau consiste à avancer plus ou moins furtivement, en suivant les indications d’un allié ou la linéarité du level design. La fois d’après, vous vous retrouvez, ô surprise, dans une killbox charriant des vagues entières de salopards furax (pire que Killzone 3). Il y a bien ici et là des phases originales (en chute libre ou en apesanteur), et des moments voulus discrets. Mais les mécaniques sont si rudimentaires que ça finit par rater, ou alors, vous devez résister à un interminable assaut scripté.
Les nouveautés étaient bienvenues, mais elles sont là pour faire joli, à l’image des graphismes. En réalité, plus on avance et plus on souffre, pas seulement en combat. Je pense à cette séquence en wingsuit, dantesque mais rageante, qui finit par ressembler à Un Jour sans fin tellement on y meurt. Ou à ce passage ennuyeux à en pleurer, où vous devez désactiver quatre fois d’affilée des tours-drones de surveillance.
Killzone m’a tué
Que retenir de la série Killzone en fin de compte ? Ce que je peux dire, c’est qu’elle m’a agréablement surpris où je ne l’attendais pas, et inversement. Tous les Killzone recourent plus ou moins au même stratagème à un moment : vous envoyer des guirlandes de gus énervés. C’est juste que certains opus le font bien, et d’autres si mal que j’ai cru que j’allais mourir d’une rupture d’anévrisme.
Avec les casseroles que traînait l’épisode original sur PS2, je m’attendais à un chemin de croix. Or, je m’y suis vite habitué et j’ai pris (majoritairement) du plaisir à y jouer. Arrivé vers la fin, Killzone 3 et surtout Shadow Fall se sont révélés affreusement dépassés. Le premier ressemble à un Gears of War simplet à la première personne, et le second, bien que magnifique et bourré de bonnes idées, ne réalise jamais son plein potentiel (ni bon jeu furtif, ni bon FPS).
Entre les deux, il y a Killzone 2 et Killzone Mercenary. Le premier est toujours aussi impressionnant techniquement, reste très, très immersif et jouit d’une difficulté tolérable. Quant au second, il s’agit d’une excellente déclinaison portable, apportant son lot de nouveautés bien employées.
Personnellement, je recommanderais de les essayer tous, puisqu’ils sont jouables sur le Playstation Now. Et sinon, leur prix chez les revendeurs contrebalance leurs défauts. Mais si vous ne deviez jouer qu’à un seul, ce serait certainement Killzone 2.
Reste la grande question : Killzone 5 arrivera-t-il un jour ? Pourquoi pas. La PS5 n’est pas loin, et la série a toujours accompagné les nouvelles itérations de la machine de Sony. Et comme Killzone 2 avait corrigé les problèmes de son prédécesseur, peut-être qu’un nouveau titre parviendrait à transformer l’essai qu’avait été Shadow Fall. Qui vivra verra.