J’ai enfin vu John Wick 4 un mois après sa sortie, pile pour découvrir du même coup la suite des films d’horreur/comédies slapstick cultes de Sam Raimi, Evil Dead Rise. À chaque fois, je fus victime d’un certain agacement, doublé d’un ennui profond. Suis-je devenu un vieux c** ? Peut-être. Est-ce que les responsables de ces films, malgré leurs moyens et leur savoir-faire, ne se sont pas foulés ? Certainement. En tout cas, pour moi, c’est mort.

John Wick 4 : le meilleur n’était pas pour la fin

John Wick 4

John Wick (Keanu Reeves) est retapé et décidé à se venger de la Grande Table. Après avoir tué le grand patron, il est cependant traqué par tout le monde (encore), notamment le Marquis, un dandy pétochard et tête-à-claque auquel on a donné carte blanche. John va devoir se battre contre tout le monde (encore) enchaîner les clés de bras et les headshot (encore) et survivre à moult chutes et carambolages improbables (encore). Mmmmm… « Déjà-vu », comme dirait l’Elu.

Après deux films bien réglés, mais à l’action répétitive, la bande avait enfin pété un câble avec John Wick 3. Ils dynamisaient la formule en y intégrant avec succès des mécaniques de pur jeu vidéo. Chaque scène d’action se renouvelait avec une idée (des chevaux, des couteaux, des motos, des chiens, des boss blindés, etc.). Le tout dans un univers idiot entièrement peuplé de mafieux, les personnes normales n’étant plus que des PNJ aveugles. C’était con, mais très bon, un volet délirant et énergique plaçant la barre très haut. Le réal, sa star et ses cascadeurs ne semblaient plus s’imposer de limite.

Hélas, John Wick 4 se perd dans sa fausse générosité, avec presque trois heures au compteur et des scènes d’action étirées ad nauseam. La surenchère plutôt que le renouvellement, la sécurité plutôt que l’audace. C’est le drame Mission : Impossible 6 qui recommence. Le film rejoue un air déjà connu, mais plus long que précédemment. Déjà, dans l’exposition et les états d’âme de personnages fonctions, autour d’enjeux fumeux (dont le Marquis, jamais menaçant). Mais surtout, c’est plus grave, dans l’action.

John Weak

John Wick 4 revient à la formule « clé de bras, headshot, rebelote », que le troisième opus avait brillamment contournée. Le spectateur n’est surpris ou excité qu’à de rares occasions, à condition de ne pas cligner des yeux (John démonte un pistolet en pleine rixe pour faire des pièces un poignard de fortune, John défouraille au shotgun à balles incendiaires dans une scène en mode « arcade shooter »).

Certes, on a un casting de kickers 4 étoiles, dont Donnie Yen (toujours classe) et Scott Adkins (absolument génial), et les cascades sont toujours plus burlesques. Le héros survit à encore plus de maltraitances que ceux de Scream 6, et c’est dire ! Mais rien n’y fait. Mon cerveau a fini par s’assoupir devant des scènes d’action interminables, constamment construites de la même manière que dans les premiers films (quitte à les reproduire, comme la fusillade du Continental Tokyo, « refaisage » de celle concluant John Wick 3). Pire, elles sont toutes bâties sur la même intensité. Oubliez la notion de climax. Votre électroencéphalogramme n’oscillera presque jamais, en particulier à la fin du métrage.

Convaincus qu’ils ne peuvent pas se surpasser, le réalisateur et son équipe se focalisent sur le mélodrame et le suspense. Hélas, ils n’en maîtrisent pas les nuances. Du coup, les moments les plus mémorables ne le sont pas pour de bonnes raisons. Une partie de poker truquée fait monter la tension pour n’aboutir qu’à des combats routiniers et compartimentés. John Wick et son ennemi font un tirage au sort attablés en plein Trocadéro, pour le coup vidé de touristes (mais bien sûr). L’intrigue se résout avec un duel à l’ancienne qui n’en finit plus. Etc.

La mort de l’envie

La franchise s’achève à l’image du dernier tiers du film, avec ce Paris complètement vidé de gens normaux, et tourné sur les fonds verts les plus laids vus depuis 20 ans. On n’y croit plus. Peut-être que l’équipe et ses stars font tous les efforts du monde pour partir en beauté. Pourtant, on sent un peu, quelque part, qu’ils ne savent plus quoi faire, et qu’ils ont envie de passer à autre chose. Du coup, nous aussi.

Ce n’est pas le cas des producteurs, qui pensent déjà en termes d’univers étendu avec une scène post-générique, un spin-off déjà prévu (Ballerina, situé entre John Wick 3 & 4) et, qui sait, un éventuel John Wick 5. Ajoutez Fast & Furious qui n’en finit plus de faire nawak, et Tom Cruise bien décidé à ne pas lâcher l’affaire Mission Impossible, avec le 7 et le 8 tournés coup sur coup. On n’a pas fini de soupirer.

Evil Dead Rise : le même en moins

Ellie (Alyssa Sutherland), une mère célibataire, vit avec ses trois mouflets dans les étages d’un immeuble de banlieue miteux. Sa sœur (Lily Sullivan) débarque à l’improviste, enceinte, pour chercher conseil. Manque de bol, le même soir, le fils d’Ellie découvre le Livre des Morts dans les sous-sols du parking, suite à un tremblement de terre. On s’en doute, les incantations maudites sont lues rapidement, réveillant des démons vicieux et sadiques. Ils prennent possession d’Ellie et le cauchemar commence…

Evil Dead Rise a les mêmes défauts que John Wick 4. Même si la franchise est ici bien plus ancienne, sa dernière itération ne se distingue par aucune vraie direction ni inspiration qui lui soit propre. Le film se veut dans la continuité du remake de 2013, déjà contesté par une partie des fans de la franchise originale. Sauf qu’il n’en reproduit pas la déviance ni le jusqu’au-boutisme malsain faisant, sinon son intérêt, au moins sa singularité.

Evil Dead Naze

Evil Dead Rise est à l’image de son abomination finale, même pas si impressionnante que ça. C’est un patchwork, un amalgame, une tentative bâtarde de séduire les blancs-becs dont ce serait le premier film d’horreur, et les fans faciles à flatter, qui ne jurent que par la redite et les easter eggs.

Du coup, on peut cracher sur :

  • Un concept, et une promesse sous-jacente, pas du tout exploré. Passer d’une cabane isolée à un immeuble de quartier aurait dû entraîner (enfin) un carnage d’une autre ampleur. Sauf qu’on reste évidemment enfermé dans les limites d’un seul appart, le couloir adjacent et les sous-sols du building.
  • Corollaire du premier point, le scénario est une belle redite des premiers films. Des thématiques intéressantes (peur de la maternité, douleur de l’enfantement) et deux-trois bidouilles scénaristiques ne suffisent pas à le masquer. Oui, ce n’est pas le même Necronomicon. Mais bon, il fait la même chose et contient les mêmes incantations. Elles ne sont plus enregistrées non plus sur une bande, mais sur disque vinyle. Mais le procédé et le résultat sont les mêmes.
  • Des références en veux-tu, en voilà (la shaky cam, « Come get some ! », Henrietta, le gag de l’œil volant, etc.).
  • Des violences augmentées par des CGI souvent visibles, ce qui tue la nature organique des sévices subis.

Enfin, l’intro et la conclusion sont inutiles. Elles n’existent que pour citer le décor des films précédents, comme si on ne pouvait décidément pas s’en passer.

Un exploit, mais pas celui qu’on croit

Il faut reconnaître qu’Alyssa Sutherland en deadite est réussie, et que les interprétations du casting principal sont généralement bonnes.

Mais comme les vomissements excessifs de ses héros possédés, Evil Dead Rise est une régurgitation totale. Déjà, de tout ce que la franchise a fait avant, mais en moins. Moins d’excès, moins de peur, moins d’idées, moins d’audace, etc. Ensuite, il ressemble visuellement à tous les remakes de films d’horreur des 15 dernières années. Photographie, cadrages et CGI ne choqueront pas ceux qui ont déjà vu Les Griffes de la Nuit, Vendredi 13 ou Child’s Play, pour ne citer qu’eux.

Evil Dead Rise réalise une sacrée prouesse. La trilogie originale est devenue culte, sa suite canonique en série télé était bien accueillie et dans le ton, et le remake était peut-être inutile, mais pas fainéant. Aujourd’hui, l’effort du réalisateur Lee Cronin est un film d’horreur générique, exsangue de toute créativité, qui accomplit l’exploit de tuer une saga fondée sur les cadavres ambulants et l’absence de limites. Bravo, coco !

En conclusion, c’est mort

Qu’il s’agisse d’une franchise récente (John Wick) ou bien plus ancienne et vivace (Evil Dead), le problème aujourd’hui semble double. D’une part, l’évolution des mentalités, à une époque où la référence évidente et la répétition de motifs ad nauseam satisfont tout le monde, public et créateurs.

D’autre part, la perte d’un savoir-faire, de véritable recul sur le résultat final et son impact. On a tout de même un film d’action qui finit par ennuyer, et un film d’horreur qui ne choque pas ni ne fait peur. Chad Stahelski sur John Wick 4 semble convaincu que savoir régler ses cascades et en faire des caisses suffit à produire toujours le même effet. Même chose dans Evil Dead Rise, dans lequel Lee Cronin a l’air de penser qu’en empilant les jumpscares et les reprises, il a toutes les clés en main pour satisfaire son audience.

Peut-être aussi parce qu’avec les services de streaming et l’explosion de contenus, on s’imagine que le public ne regarde plus que d’un œil distrait les productions qu’on lui soumet. Il n’y a plus qu’à souhaiter à ces personnages et à leurs univers de finalement reposer en paix. Si ça se trouve, de leurs cadavres en décomposition naîtraient véritablement de nouvelles icônes, ainsi que l’envie de bien faire des personnes aux commandes.

LES + :

  • Cela donne envie de revoir les films précédents, ou de les conseiller à qui ne les a pas vus.

LES – :

  • S’ennuyer devant un film d’action, et soupirer devant un film d’horreur, c’est tout de même un comble !