Coccinelle (Brad Pitt) est un voleur à la tire. On l’a engagé pour monter à bord du Shinkansen, le bullet train japonais reliant Tokyo à Osaka, et dérober une mallette pleine de flouze. Le pauvre traverse déjà une crise existentielle, mais le trajet va carrément lui faire regretter d’être né. Il y a plus d’un tueur à bord du train, chacun avec une mission précise. Que ce soient les jumeaux Citron et Clémentine (Aaron Taylor-Johnson et Brian Tyree Henry), le mystérieux Frelon, le Loup (Bad Bunny), ou encore la gamine qui se surnomme Le Prince (Joey King), ce joli monde va constamment se croiser, se doubler et s’étriper. Mais tout ceci arrive-t-il vraiment par hasard ?
Bullet Train est un blockbuster parfaitement équilibré entre les bons côtés et les mauvais. Ou disons plutôt qu’il fait très bien tout ce qu’il y a de mal chez les autres gros films d’action du XXIème siècle. Mais au moins, il compense par une énergie et de l’humour qui fonctionnent souvent. Explications.
La « bullet » de Leitch
Il s’en est fallu de peu que BulletTrain ressemble à Uncharted, à savoir lisse et fade, sans être « mauvais » à proprement parler. Heureusement, David Leitch n’est pas Ruben Fleischer. Sauf qu’après Deadpool 2, puis Hobbs & Shaw, on a compris où se situe le bonhomme. On n’a pas affaire au nouveau pape du film d’action, ni même à son comparse Chad Stahelski (auteur du très fun John Wick 3). Il s’agit plutôt du successeur de Robert Rodriguez (Desperado, Une Nuit en Enfer, Spy Kids, Alita). Il se croit cool, aime les films cons et en fait des caisses, mais ça lui suffit.
La bonne nouvelle, c’est que le coupable d’Atomic Blonde a cette fois un casting plus doué, plus divers et moins égocentrique que sur le spinoff de Fast and Furious. Il peut aussi compter sur un scénario hystérique mais efficace. S’il ne révolutionne pas vraiment le genre, on a ponctuellement droit à une bonne dose de peps et d’incongruité. Entre les états d’âmes de Coccinelle et la courte vie d’une bouteille d’eau, Bullet Train nous sort des fois de nulle part de vraies surprises bienvenues.
Là où ça déraille
Les vraies faiblesses de Bullet Train se situent à deux niveaux : son réalisateur et les influences qu’il subit.
Déjà, David Leitch n’est ni Chad Stahelski (pour une action inventive) ni John McTiernan (pour se repérer dans l’espace). Heureusement qu’un train est un décor linéaire avec des « niveaux » facilement identifiables. Mais quand il s’agit de s’y retrouver ou de s’y taper au corps-à-corps, caméra et monteur se mettent ensemble pour nous paumer complètement. Et lorsque c’est lisible, c’est souvent au détriment d’un concept pourtant excitant. Comme, par exemple, une baston dans une voiture où le silence est exigé. La discrétion devrait être l’enjeu premier, mais ça, le chorégraphe et le sound designer s’en fichent complètement.
L’occasion de glisser un petit mot sur le montage. Bullet Train, malgré sa violence, veut être un spectacle enfantin (et infantile). On a ainsi droit à des tonnes de flashbacks, et même des flashbacks dans des flashbacks, pour illustrer ce qu’a dit untel ou ce dont se souvient machin. Tantôt, ça sert à des fins de comédie, tantôt, c’est pour nous prendre par la main. Si vous décrochez à un moment ou à un autre, c’est pas grave. Un petit rappel vous ramènera aussitôt dans la course. Le procédé n’est pas honteux, mais parfois, c’est bien de ne pas en abuser autant. Il faut faire confiance à son public, des fois…
Mes yeux !
L’autre problème, ce sont les influences. David Leitch est un sale môme. Difficile de dire s’il fait ce qu’il aime ou ce qu’on lui dit de faire. Esthétiquement parlant, Bullet Train sent le néon et les CGI à tous les étages, à peu près comme 80 % des films d’action depuis John Wick. On a donc droit à moult travellings rapides en images de synthèse tape-à-l’œil, et plus d’un exploit sur fond vert tellement abusés qu’ils en sont cartoonesques.
Le film garde évidemment le « meilleur » pour son climax, un bordel général à bord du train, où tous nos repères se brouillent. Il se conclut par une bouillie de CGI qui, à ce stade, est aussi réaliste que le crash d’Air Force One dans le film éponyme (pour voir combien je suis méchant, cliquez ici).
Et pourtant, Bullet Train file droit
Pourtant, hélas, Bullet Train assure le service… comme une œuvre de Robert Rodriguez. C’est un film bouffon, bouffi et facile, s’autorisant par ailleurs plus d’un caméo de la part de stars copines avec le réal. Toutefois, tout ceci repose sur des bases solides.
Son scénario est carré et réserve son lot de surprises, malgré des dialogues confondant parfois génie comique et bêtise profonde. Le casting fait plaisir, et la sympathie qu’on éprouve déjà pour telle ou telle tête permet de mieux apprécier les caricateuuuh, les personnages qu’ils incarnent (l’interprète de la Mort Blanche était une vraie bonne surprise, pour moi). Enfin, on a tout de même un artisan qui assure le taf, même si ça fait déjà quelques films qu’il préfère tourner des cartoons live plutôt que de nous ancrer dans une action un tantinet crédible. Dommage. À cause de ça, Bullet Train nous amuse, alors qu’il aurait pu nous décoiffer.
Ce que j’essaie de dire, c’est qu’en définitive, Bullet Train est marrant. J’ai passé un bon moment, et honnêtement, c’est déjà important. Mais c’est peut-être pour tout un tas de mauvaises raisons. À vous de juger. :-p
LES + :
- Tour à tour intriguant, décapant et amusant. Parfois les trois en même temps.
- Un casting qui inspire la sympathie.
LES – :
- David Leitch prouve un peu plus qu’il tient davantage de Robert Rodriguez que d’un maître du film d’action.
- Le scénario fournit des pistes ou des idées ludiques que la mise en scène et le montage (même le montage son) n’exploitent presque jamais.
- Aïe ! Mes yeux ! Les couleurs criardes ! Les CGI dégueu ! Ça brûle ! Y en a partout !