Everything Everywhere All At Once

Evelyn Wang (Michelle Yeoh) tient une blanchisserie en compagnie de son gentil mari Waymond (Ke Huy Quan), sa fille Joy (Stephanie Hsu) et son irascible père (James Hong). Son quotidien pas formidable va basculer quand elle découvre que le multivers, c’est pas des blagues. Dans un autre monde, elle aurait pu devenir maître queux ou super star de films d’action, au lieu de s’enterrer dans cette vie à la c**. Encore pire, une entité maléfique aux pouvoirs absolus, Jobu Tupaki, traverse les univers à la recherche de « LA » Evelyn. Cette Evelyn hypothétique serait capable d’obtenir les mêmes capacités qu’elle, et de la contrecarrer avant qu’elle ne détruise le multivers. Guidée par une version de son mari venue d’ailleurs, Evelyn va apprendre à l’arrache comment voyager dans la peau de ses alter egos, ou leur piquer leurs dons au gré de rebondissements toujours plus rocambolesques…

Cette critique va être très courte. Impossible de parler de Everything Everywhere All At Once sans spoiler tout ce qui le rend extraordinaire, spectaculaire, fou, hilarant, touchant et bouleversant. Parfois, tout ça dans une même scène !

Tout, tout de suite et maintenant

Durant le visionnage de cet ovni, on ne peut que penser à d’autres métrages tarés devenus cultes avec le temps, comme au hasard Les aventures de Buckaroo Banzaï à travers la Huitième Dimension (trailer d’époque), ou celles de Jack Burton dans les griffes du Mandarin. Mais si l’esprit timbré est bien là, Everything Everywhere All At Once n’est pas que pour de rire. L’émotion atteint une tout autre ampleur dans le film de Dan Kwan et Daniel Scheinert.

Les péripéties de Buckaroo étaient sans queue ni tête. Jack Burton entretenait une distance permanente avec les élucubrations de cinéma hongkongais secouant le film de Carpenter. Ici, Evelyn est le cœur du récit, tantôt dur, tantôt tendre. Elle traverse une crise personnelle qui s’étend sur l’ensemble des univers. Elle a l’occasion de remettre en perspective sa vie, ses choix et leurs conséquences. (Quel a été l’impact de son mariage, son job, l’éducation de sa fille, l’influence de son père ?) Le tout dans un enchevêtrement de situations tout bonnement incroyables. Ajoutez-y un humour absurde lorgnant parfois sur le trash, sans franchir la limite. Fans de Rick et Morty, vous serez servis.

Everything Everywhere All At Once

Mais la cinéphilie des réalisateurs s’exprime aussi largement à travers des séquences entières. Les textures et les formats changent pour accompagner les sauts fréquents d’un univers à un autre. Quant auxdits univers, ils citent brillamment et pêle-mêle Matrix, les films de Pixar, le cinéma de Wong Kar-wai ou celui de Tarantino. Sans parler des comédies fantastiques citées plus haut.

C’est à tel point que la frontière entre fiction et réalité peut être remise en question. Evelyn ne délire-t-elle pas, tout simplement ? Est-ce qu’elle ne craque pas sous la pression d’une vie trop exigeante ? Ses “aventures” ne seraient influencées que par ses rêves brisés, nourris d’une overdose médiatique déformée par sa subjectivité (“Ratontouille” !). Exit, alors, l’imminence d’une destruction cosmique, et bonjour la camisole ! Qu’importe, à vrai dire. Réalité ou folie, cela ne change rien. Le spectacle est fun, la quête de l’héroïne est forte, et sa résolution émouvante.

Everything Everywhere All At Once : à voir absolument

Le casting compte aussi beaucoup dans cette réussite. Michelle Yeoh est tour à tour hilarante et touchante, dans un rôle pourtant si casse-gueule. Coincée entre un business en danger, un mari fatigué et sa fille frustrée, elle fait tout pour garder la tête hors de l’eau. Son drame familial ne se noie jamais dans les délires à base de multivers, mais leur sert au contraire de fil rouge.

Stéphanie Hsu n’est pas en reste, et il est impossible de ne pas se laisser gagner par la nostalgie, avec les retours de visages bien connus des amateurs de cinéma de genre (l’ancien membre des Goonies Ke Huy Quan, mais aussi James Hong et Jamie Lee Curtis). Everything Everywhere All At Once est une comédie fantastique zinzin autant qu’une tragédie qui fonctionne.

Que ce soit pour se marrer, pour être épaté ou pour être touché, Everything Everywhere All At Once vaut le coup d’être vu et vécu. Après la taylorisation et la vulgarisation du multivers par Marvel, ça fait du bien de voir un film ambitieux, maîtrisé et complètement fou… et en plus, produit pour dix fois moins cher.

LES + :

  • Dingue et cohérent à la fois. C’est trop rare pour ne pas le saluer.
  • Un humour efficace parfaitement assorti à son histoire, jamais bouffon ni trop trash.
  • Des têtes d’affiche qui s’éclatent, qui surprennent et/ou qui font plaisir à (re)voir.
  • Oui, oui, il y a bien de l’émotion dans ce foutoir.

LES – :

  • Cela reste un film très idiot dans sa forme, et partiellement idiot dans le fond, malgré sa sincérité. Les plus cartésiens risquent de râler.