Avec l’arrivée officielle du remake du premier Dead Space, et puisque la Collection 120 nage en pleine SF depuis la sortie de Total Medley, l’occasion était trop belle pour ne pas reparler de la trilogie de jeux d’action/horreur développée par feu Visceral Games. Telle une étoile filante, la série s’était faite remarquer avec l’inattendu premier opus, avait brillé fort avec sa suite, puis s’était étiolée avec un troisième opus contesté.

Malgré sa qualité et une explosion de contenus dérivés (deux films d’animation, un puzzle game, un spinoff et quelques DLC), la saga avait disparu dans le ciel nocturne. Il est temps d’envoyer une sonde retrouver cet astre perdu, et de replonger dans l’horreur telle qu’on ne la fait plus.

Note : ce test rétro se concentre uniquement sur les trois opus principaux, et sur le spinoff Dead Space : Extraction se déroulant avant le premier épisode.

Dead Space (PS3 & Xbox 360, 2008)

Isaac Clarke (combinaison pas fortuite d’Isaac Asimov et Arthur C. Clarke) fait partie de l’équipage du Kelion, une petite navette de réparation envoyée dans l’orbite de la planète Aegis-VII. Ils sont venus répondre à l’appel de détresse du vaisseau USG Ishimura, qui ne donne plus signe de vie. Et pour cause !  À peine débarquée, la moitié de leur troupe est décimée par des monstres humanoïdes, mutations issues des corps morts de l’équipage. Ces « nécromorphes » séparent Isaac des deux seuls survivants. Il va falloir traverser l’Ishimura de la cale à la proue pour sortir de ce cauchemar. Ce n’est pas leur seul souci. La source de l’infection est un artefact extraterrestre retrouvé sur Aegis-VII, le monolithe. Il est capable de créer des monstres, mais aussi de jouer des tours à l’esprit humain…

Dead Space a été un énorme coup sur la citrouille. Catalogué à tort « survival horror », il s’agit d’un jeu d’action dans la lignée de Doom 3, mais dans la continuité de Resident Evil 4 (un TPS) et apportant ses propres innovations de gameplay. Dans le titre de Visceral, votre survie ne dépend pas tant de la gestion de l’inventaire. Il s’agit de bien viser et de faire usage de vos talents pour démembrer les nécromorphes. C’est le seul moyen d’arrêter ces saletés mortes-vivantes voulant à tout prix vous embrocher. Ou vous écrabouiller. Ou vous exploser. Après tout, il y a beaucoup de variantes, chacune avec son pattern.

Ça va couper !

Pour ce faire, vous avez à votre disposition un arsenal essentiellement porté sur la découpe. Les noms sont très évocateurs : cutter plasma, découpeur, trancheur, etc. Et ils viennent avec des tirs secondaires habilement complémentaires. Vous pouvez aussi frapper ou piétiner un ennemi trop câlin, mais c’est un dernier recours étant donné leur résistance.

Enfin, vous avez LE truc qui fait la différence : la stase. Ce joujou fixé à votre poignet envoie des ondes bleues. D’une part, elles peuvent ralentir les objets et les ennemis. De quoi vous laisser le temps d’agir et/ou de résoudre des puzzles à base de physique. D’autre part, elles permettent d’attirer des objets lointains à vous. C’est pratique pour dénicher les items hors de portée, même en combat, quand vous devez constamment cavaler pour ne pas vous faire choper. Vous pouvez même projeter l’objet pour déstabiliser quelques secondes vos poursuivants.

Isaac n’est pas agile ni causant comme Léon dans RE 4. Il est même un peu lourdaud, mais on ne lui en tient pas rigueur vu son armure. D’ailleurs, elle peut être améliorée comme l’arsenal et les compétences de base : barre de vie, de stase et d’oxygène. Oui, oxygène, car on est dans l’espace. Il fallait s’y attendre, on doit parfois sortir et faire des sauts de puce d’un bout à l’autre de la pièce en zéro gravité. Quand c’est en plein vide spatial, il faut veiller à ne pas épuiser son air, sinon, c’est l’asphyxie. D’ailleurs, à l’instar des derniers Tomb Raider, la mort est très diversifiée et graphique dans Dead Space. Chaque ennemi, chaque circonstance donne droit à une longue et humiliante scène de trépas. Alors priez pour ne pas en arriver là.

Bienvenue sur l’USG Ishimura

Impossible de ne pas parler du rythme, de l’ambiance et du déroulement de Dead Space. Si la peur naît de l’inconnu et de l’isolement, on n’est pas mieux servi qu’à bord de l’USG Ishimura. On pourrait croire qu’un jeu se déroulant dans le futur à bord d’un vaisseau spatial se permettrait tous les écarts. Surtout quand ledit vaisseau est une sorte de brise-glace du futur, pouvant soulever un morceau de planète comme un bouchon de champagne ! Que nenni.

De bout en bout, l’Ishimura est crédible. Bien que l’aventure soit linéaire et découpée en chapitres, on visite le vaisseau une section après l’autre. Aile médicale, pont, fermes hydroponiques, etc. Toujours avec une profusion de détails consolidant l’univers. Il y a eu une vie à bord avant Dead Space et on y croit.

Le son est au diapason. Le vaisseau sent la mort mais on redoute la vie entre ses cloisons. Claquements de métal, cris ou râles lointains, crépitements de câbles électriques… Sachant que les nécromorphes ont tendance à surgir des ventilations et qu’il y en a BEAUCOUP sur le chemin, on reste constamment sur le qui-vive. D’autant que Dead Space ne lâche JAMAIS votre avatar, sauf quand vous empruntez le tram pour changer de zone. Tous les menus sont contextuels. Jauge de vie, de stase et d’oxygène sont visibles en hologramme, tout comme les munitions restantes. Idem quand vous regardez votre inventaire ou accédez à une boutique. Le jeu ne cède jamais la moindre « coupe au montage ». En 2016, God of War se vantait d’être en plan séquence, mais la promesse s’envolait à l’ouverture des menus. Visceral Games avait déjà de l’avance en 2008.

Même si Dead Space est un jeu d’action linéaire, on se sent réellement perdu et prisonnier d’un environnement qui veut notre mort. Ajoutez à cela le mystère (et les maigres révélations) entourant la menace, et la peur qu’on ressent est justifiée. Il n’y a pas de virus T, mais pas non plus de « simple » invasion alien. À la fois nouveau et inconnu, Dead Space est la première pierre d’un univers perturbant et fascinant. Un univers qui ne demande qu’à s’ouvrir à nous, pour notre plus grande frayeur.

Dead Space : Extraction (Wii & PS3, 2009)

Extraction est un excellent spinoff faisant également office de prequel à Dead Space. Vous êtes un mineur bossant sur Aegis-VII lorsque le monolithe est déterré et son influence commence à tout dévaster. Il va falloir vous battre à la surface de la planète, puis rejoindre l’Ishimura dans l’espoir, évidemment vain, que vous serez en sécurité là-bas.

D’abord sorti sur Wii puis sur PS3, Extraction est un jeu de tir à la première personne profitant des wii mote de la première et des PS move de la seconde. Bien que la console de Nintendo limite les possibilités techniques, le soft ne fait pas tâche comparé au premier jeu. Et comme ce dernier apportait sa petite touche au gameplay « à la RE 4 », Extraction innove un peu dans le département rail shooter.

L’univers mis en place par Dead Space se marie admirablement bien avec une vue à la première personne. Le tir est nerveux et précis, et bien sûr, démembrer vos ennemis est la meilleure façon de vous en débarrasser (et ils vont vous faire stresser tant ils sont énervés). Vous êtes plus libre que dans un jeu classique du genre, puisque Extraction permet de vous déplacer et tourner le long des rails invisibles sur votre chemin. La stase vous sert à déverrouiller des mécanismes et à attirer des items vers vous. Vous pouvez résoudre des puzzles en temp réel (bonjour, le stress). Vous devez agiter vos sticks pour recharger votre lampe torche, et frapper comme avec une hache pour donner des attaques au corps-à-corps.

L’histoire n’est pas juste un prétexte, mais un bon complément à celle de Dead Space. Elle permet de mettre en lumière certains évènements et de retrouver quelques têtes du jeu original. Bref, comme le premier opus, Extraction est aussi inattendu que solide.

Dead Space 2 (PS3 & Xbox 360, 2011)

Trois ans après Dead Space, Isaac Clarke se réveille amnésique et en camisole, dans un asile en pleine invasion de nécromorphes. Il s’échappe et apprend qu’il se trouve sur la Méduse, une installation de Titan, une lune de Saturne. Le hic, c’est qu’un nouveau monolithe se trouve sur la station, que le gouvernement a fait joujou avec, et que tout recommence comme sur l’Ishimura. Mais la Méduse étant une véritable mégapole, le carnage est d’une tout autre envergure. Ne pouvant fuir ses responsabilités ni se fier à grand monde, Isaac va se mettre en quête du monolithe, espérant détruire pour de bon la menace…

Pour beaucoup, Dead Space 2 est au premier jeu ce qu’Aliens était au film de Ridley Scott. Visceral Games pousse les potards à fond dans tous les domaines. Plus d’ampleur, plus d’action, plus d’horreur, plus de moments spectaculaires, etc. Dead Space 2 est presque deux fois plus beau que son prédécesseur, avec des panoramas sur la Méduse et au-delà qui impressionnent encore.

Désormais rompu à l’exercice, Isaac est devenu un vrai gladiateur de l’espace. Il est plus agile et plus rapide. Il jouit d’un arsenal un peu plus fourni et fendard (le lance-pieu est devenu un classique). Notre ami peut aussi fréquemment se payer de nouvelles tenues pour booster son inventaire et gagner en élégance.

La stase permet maintenant de récupérer des javelots ou les membres coupants des ennemis morts pour empaler les nécromorphes. Quant aux zones en zéro G, on a droit à un vrai déplacement en trois dimensions, ce qui autorise plus d’innovations, comme une scène en chute libre devenue culte. Mon seul reproche : le lance-flammes fonctionne dans le vide stellaire. Mais bien sûr…

Le rade de la Méduse

La Méduse étant une ville, on ne peut pas la visiter entièrement (vous imaginez la taille du jeu, sinon ?!). Dead Space donnait encore l’illusion d’un survival horror en nous faisant faire des allers-retours sur l’Ishimura. Mais Dead Space 2 assume sans honte sa linéarité, ponctuée çà et là de moments scriptés, épiques, dignes d’un Uncharted.

Qu’à cela ne tienne. Visceral a bossé sur le rythme de l’aventure. Le joueur passe du répit au massacre et d’un décor à un autre avec une régularité bluffante. Les combats sont plus stratégiques et les arènes souvent mieux pensées. Il faut bien ça pour affronter un bestiaire deux fois plus varié qu’avant (mention spéciale à des espèces de raptors jouant à cache-cache). Et contrairement à Resident Evil, on n’a pas peur ici de nous jeter en pâture des enfants et même des bébés nécromorphes. Quant aux environnements, ils sont tous crédibles, souvent lugubres (l’école, les quartiers résidentiels) et parfois franchement magnifiques, à l’instar de l’église d’unitologie (la religion du futur) et de la station solaire.

Pour finir, qu’en est-il de la mythologie Dead Space ? Est-ce qu’on en apprend plus sur le monolithe ? Oui et non. Dead Space 2 préfère s’apesantir sur Isaac affrontant ses démons et surmontant sa culpabilité. Les révélations sur l’artefact alien s’enchaînent surtout dans la dernière ligne droite. Mais l’aventure n’est pas avare en textes étoffant le lore. On y aborde l’histoire de la conquête spatiale, la création de la Méduse, la fondation de l’unitologie…

Le ride vaut le détour, malgré la part d’ombre planant encore sur ce satané monolithe. Heureusement, niveau histoire, Visceral a gardé le meilleur pour la fin avec Dead Space 3. Dommage que ce dernier volet ait été vivement critiqué pour ses profonds changements de gameplay.

Dead Space 3 (PS3 & Xbox 360, 2013)

Isaac se cache depuis Dead Space 2. Malheureusement, les unitologues, convaincus que les monolithes et les nécromorphes sont la prochaine étape de l’évolution, prennent les armes et renversent le gouvernement. Leur but : activer tous les monolithes de la galaxie. Accessoirement, buter Clarke, étant donné qu’il a une fâcheuse tendance à les détruire. Sauvé par « le dernier bataillon armé du gouvernement », Isaac s’envole pour Tau Volantis. Cette planète très lointaine est soupçonnée d’être le berceau des monolithes. La troupe espère y trouver le moyen d’enrayer l’épidémie pour de bon, mais les unitologues sont sur leurs talons. Évidemment, l’endroit est infesté de saletés. Pire encore, Tau Volantis renferme un secret plus effroyable que ce qu’on pouvait imaginer…

Le meilleur et le pire de Dead Space 3 sont mis bout à bout dès ses trente premières minutes. Après un rapide prologue situé 200 ans plus tôt, mystérieux à souhait et fichtrement emballant, on se retrouve à jouer Isaac dans un mini remake d’Uncharted sur la Lune. On peut maintenant s’accroupir derrière des rambardes, rouler-bouler, flinguer des unitologues armés et survivre à des catastrophes en chaîne. Heureusement qu’on en sort vite pour s’envoler vers Tau Volantis. Là, les choses sérieuses commencent, autant l’histoire que le gameplay.

Open space

Dead Space puis sa suite jouissaient d’un rythme réglé comme du papier à musique. Leur linéarité permettait d’enchaîner les zones et les arènes de combat avec régularité, sans que la découverte d’un environnement ne s’éternise trop. Mais là, dès l’arrivée en orbite autour de Tau Volantis, le joueur est lâché dans un faux open world avec possibilité de fouiller 3-4 vaisseaux abandonnés. Ne mentons pas, c’est assez cool, et la vibe Dead Space est là. Mais tout le monde n’adhère pas, surtout ceux qui avaient aimé l’action soutenue et burnée du précédent volet.

L’exploration, c’est bien (personnellement, j’ai adoré), mais ça ralentit le rythme global. Et cela ne s’arrête pas là, puisqu’une fois le pied sur la terre ferme, on a la possibilité d’explorer des bunkers et installations facultatifs, à l’architecture redondante. Dans Dead Space 3, on n’est plus pris dans un tourbillon d’action et d’horreur sur lequel on n’a aucun contrôle. On peut décider d’accomplir ou non telle ou telle mission secondaire, avec à la clé des ressources pour booster nos compétences et, surtout, nos armes. Hélas, on en a cruellement besoin, ce qui conduit au deuxième point polémique.

Recherche et développement

Dead Space 2 est aussi génial qu’il s’est planté financièrement à sa sortie. Electronic Arts, qui distribuait la licence, a donc flippé et, vraisemblablement, décidé de faire de l’œil au maximum de joueurs. Dead Space 3 amène ainsi énormément de nouveautés piquées aux jeux à succès de l’époque. Certaines sont bonnes dans l’esprit, même si discutables dans leur exécution. D’autres sont véritablement à vomir.

On commence par ce qui rend malade, à savoir, l’envie de vendre du contenu téléchargeable à la pelle. On parle d’Electronic Arts, après tout. Pourquoi ne pas estropier le jeu en limitant l’accès à des armes et à des ressources pendant toute la première moitié de l’aventure (pendant un premier run, il faut du temps avant de pouvoir se faire autre chose qu’un cutter plasma) ? Allez hop, proposons pour dix balles pièce des pack d’armes et costumes aux joueurs impatients !

Et pourquoi ne pas rendre certaines zones carrément inaccessibles à moins de jouer en coop en ligne ? Oui, en coop et seulement en ligne. La difficulté du jeu s’en trouve réhaussée parce que, mazette, il est prévu pour deux même quand vous jouez seul ! Les nécromorphes sont ici plus rapides et nombreux que jamais, et avec vos armes de départ, bon courage. Le game design ne fait d’ailleurs aucun effort pour masquer l’évidence. Les puzzles et accessoires sont toujours prévus pour deux personnages au lieu d’un.

Toutefois, si l’on fait fi de la pratique commerciale honteuse et d’une première moitié pouvant se montrer lente et fastidieuse, Dead Space 3 finit par révéler son potentiel et se montrer digne de la série.

La peine en vaut la peine

D’accord, on peut désormais jouer à deux. Oui, les munitions sont maintenant universelles et peuvent servir pour toutes les armes. Et on trouve des kits de soin à la pelle, ce qui rend la peur de mourir un peu moins essentielle à l’expérience. Mais ce serait mentir de dire que Dead Space 3 n’est pas fun. Déjà, parce qu’il est généreux et aime récompenser le joueur par-ci par-là d’une idée ou d’un décor qui font plaisir : les boosters de stase, les « énigmes » plus diversifiées, les séquences en varappe, etc. Mais surtout, cet ultime opus excelle dans le département « armes et destruction ». Ici, on n’a plus de joujoux prêts à l’emploi (pas lors de la première expérience). On nous donne à la place la possibilité de crafter à l’envie armes principales et modules secondaires.

Vous voulez un lance-pieu couplé à un lance-flammes ? Banco. Un fusil sniper avec découpeur en tir secondaire ? Deal. Ajouter un module pour des balles incendiaires, chargées en stase, électrifiées ou acides ? Oh ouais ! Et n’oubliez pas de mutiplier les dégâts et la taille de votre chargeur par deux, par trois, et même plus ! Ça va faire mal. Il faut malheureusement s’en passer pendant huit heures de jeu au moins. Mais quand, enfin, vous avez le nécessaire, crafter devient un art, et vous venger de vos adversaires, un régal. De quoi vouloir lancer tout de suite une « Nouvelle partie + » pour les éclater dès le début.

Et il faut reconnaître qu’à deux, c’est vraiment mieux. Rappelons que le jeu est prévu pour qu’un autre joueur vous couvre et réciproquement. C’est dommage et paradoxal. En hommage à ce que fut Dead Space, on est tenté de jouer seul pour suivre correctement le récit, et pour s’imprégner de ces moments d’ambiance et de peur claustrophobe. Mais en duo, on bénéficie de pans d’histoire coupés du jeu solo. Celui qui incarne le binôme, Carver, a ainsi droit à un brin de développement personnel et à des mindf#ck provoqués par le monolithe, rappelant ce qu’Isaac a vécu dans les opus précédents. Bref, jouez solo la première fois, sachant que vous risquez de la frustration. Mais Dead Space 3 se joue à fond à deux, et ce serait bête de manquer ça.

Les bonnes choses ont une fin

Sans surprise, Dead Space 3 est autant un plaisir pour les yeux que pour les oreilles. La colonie lunaire puis Tau Volantis sont sublimes, cette dernière avec une ambiance glaciale héritée de The Thing de Carpenter (1981). La musique est la plus orchestrale de la série et accompagne magnifiquement les moments de tension, d’action et de suspense. Et au niveau du son, évidemment, c’est un sans faute du côté des nécromorphes, de vos armes customisées et de l’environnement (ah, le craquement de la glace et du métal).

Explorer l’orbite puis la surface de Tau Volantis réserve un lot considérable de surprises sur le lore de la franchise, sur le monolithe (enfin !), mais aussi sur la tragédie s’étant déroulée sur ce troublant morceau de glace. Et autant dire que c’est l’escalade. On peut raisonnablement dire qu’à la fin de Dead Space 3, on a appris et vu des choses qui donnent le vertige et rassasient tout fan de (bonne) SF qui se respecte.

Petit bémol, toutefois, on gagne en mythologie ce qu’on perd en subtilité. Les rapports entre personnages sont souvent écrits au burin. Le triangle amoureux Isaac-Ellie-Norton donne évidemment le mauvais rôle à ce dernier. Le méchant chef des unitologues est aussi intéressant dans l’esprit qu’il est ridicule en sosie d’Elton John. On côtoie trois fois plus de monde que dans les jeux précédents, mais avec l’intention évidente de tuer fréquemment quelqu’un. Heureusement, « cliché » ne veut pas dire « hors propos ». Ces dérives sont acceptables. L’intérêt principal se trouve dans l’univers et ses développements, et Dead Space 3 ne déçoit pas. Exploration, découverte, révélations, désillusions et surtout conclusion, on trouve tout cela dans l’aventure finale d’Isaac Clarke.

Une série aux influences parfaitement digérées

La trilogie Dead Space (et son spinoff à la première personne) vaut le coup d’œil. Elle n’avait clairement pas besoin d’un remake aussi tôt, mais pas non plus d’une suite après les événements presque terminaux du dernier opus. La saga lancée par Visceral Games n’a certes rien inventé, mais elle a tout transcendé.

Le gameplay nerveux d’un Resident Evil 4 a été adapté et étoffé grâce à des gimmicks propres (la stase, les armes, le principe du démembrement). La mise en scène apprend efficacement d’Uncharted sans jamais singer la licence de Naughty Dog. L’univers a beau s’inspirer d’Alien et de 2001 : l’Odyssée de l’espace, l’horreur dans Dead Space à son je-ne-sais-quoi d’unique. S’y mêlent à la fois abstrait et concret, religion et science, certitudes et confusion, visions de terreur et vues de l’esprit.

La menace est d’origine et de nature incertaines. Elle est capable à la fois de jouer avec nos nerfs comme avec l’esprit de notre avatar (narrativement, le premier jeu n’est pas loin de Silent Hill 2, une autre référence du genre). Et sur le plan de la science-fiction en général, Dead Space 2 puis 3 explorent des pistes riches. Si riches qu’elles font de la saga une véritable œuvre somme.

“Make us whole.”

Malgré tout ce qu’on apprend sur le monolithe au fil des épisodes, arrivé à la fin, on réalise qu’il y a des choses qu’on ne comprendra jamais. Pas forcément parce que les créateurs des jeux n’en savent rien eux-mêmes. Mais la crainte naissant du mystère, et l’espace étant infini, ils préfèrent sans doute laisser les joueurs interdits. Remarquez, cela vaut mieux que de démystifier leur saga comme d’autres avant elle. Dans Resident Evil, on sait depuis longtemps et inévitablement que la menace est un virus, et basta. Dans Silent Hill, les derniers opus troquent l’ambiguïté psychologique pour un traitement de foire et l’abus de motifs reconnaissables. Même au cinéma, on se dit que, finalement, révéler les origines du monstre terrifiant d’Alien (dans Alien : Covenant) lui retire ce qu’il avait encore de fascinant.

À moins de changer la donne dans le remake de Dead Space et ses possibles suites, le monolithe restera une énigme. Une menace d’un autre univers, aux desseins trop grands et terrifiants pour que l’Homme les comprenne un jour. Mais assez parlé. Si vous voulez frissonner, vous défouler, vous extasier et, éventuellement, un peu cogiter sur l’immensité de l’univers et l’insignifiance de l’existence (si, si), la trilogie Dead Space est un must.

De toute façon, même si vous y échappez, tout recommencera bientôt avec le remake. Décidément, le monolithe est un cauchemar dont on ne parvient jamais à se débarrasser.

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