le diamant du nil

Six mois après avoir trouvé le “diamant vert” du film précédent, Joan Wilder (Kathleen Turner), auteure de romans à l’eau de rose, et son compagnon Jack T. Colton (Michael Douglas) font le tour du monde en voilier. Malheureusement, le syndrome de la page blanche frappe la romancière tandis que son copain préfère la délaisser pour les roulettes des casinos. Arrive le séduisant Omar (Spiros Focas), leader d’un trou perdu d’Afrique désirant confier à Joan l’écriture de sa biographie. Sautant sur l’occasion de vivre une nouvelle aventure, la belle rompt provisoirement avec Jack et s’envole pour le désert. Problème : sur place, le charmant prince bien aimé s’avère un charmant dictateur détesté par son peuple. Pire : selon les autochtones, Omar se serait approprié un mystérieux “Joyau” grâce auquel, dans trois jours, il se fera proclamer empereur et pourra débuter une guerre d’invasion du continent. C’est compter sans l’intervention de Jack, mais également Ralph (Danny DeVito). L’escroc laissé sur la touche à la fin du premier film est décidé cette fois à empocher le magot, ou plutôt le “Joyau”…

Un vent d’aventure souffle sur la Collection 120, et tel un génie sorti de sa lampe, il a exaucé mes souhaits d’exotisme et de soleil brûlant en me rappelant l’existence du film du jour. Suite improbable du succès surprise que fut À la poursuite du Diamant Vert un an plus tôt, Le Diamant du Nil est une espèce d’ersatz d’Indiana Jones et de James Bond. Pourtant ici, il n’y a point d’archéologue intrépide ni d’agent secret incassable, mais un couple incongru : celui d’une romancière en panne d’inspiration avec son ex-gredin de petit ami, embarqués malgré eux dans le désert d’Afrique pour déjouer les plans d’un odieux tyran à moustache.

La citation qui tue

(Omar : ) J’ai oublié de vous le dire : Jack est mort.
(Joan : ) Vous dites des sottises. Jack ne mourra jamais sans me prévenir.

le diamant du nil

Au commencement

Pour parler comme il convient du film de Lewis Teague, il est impératif d’évoquer d’abord À la poursuite du Diamant Vert (Romancing the stone, en VO) de Robert Zemeckis, sur un scénario novateur de la regrettée Diane Thomas. Dans celui-ci, une romancière casanière et naïve devait un jour partir contre son gré en Colombie, pour sauver sa sœur des griffes de receleurs et de guérilleros. La belle vivait alors une expédition exotique mais sans glamour, s’amourachait d’un aventurier vaurien et déterrait un fabuleux trésor (en l’occurrence, une grosse émeraude le bien nommé diamant vert).

Trente ans après, le film emballe toujours autant par son rythme et son humour. Romancing the stone ne tournait jamais en dérision son intrigue pourtant absurde, mais savait constamment détourner ou retourner contre elle-même une situation type du film d’aventure, pour en faire un instant de comédie non parodique. Les fantasmes fleur-bleue de Joan la romancière se heurtaient à une dure réalité, celle de la vie de Jack Colton, qu’elle finissait par embrasser au propre comme au figuré. Le cocktail marcha si bien que, dans la folie caractéristique des années 80, Michael Douglas producteur et toute sa bande récidivèrent illico, avec une suite censée retrouver les protagonistes là où nous les avions laissés (bien que Kathleen Turner fut très réticente à l’idée de rempiler).

Du pastiche à la parodie

Si les têtes d’affiche pointent à nouveau, Zemeckis est parti tourner Retour vers le Futur et laisse sa place au moins inspiré Lewis Teague (réalisateur de Cujo, adapté de Stephen King). La musique énergique d’Alan Silvestri se fait quant à elle la malle, remplacée par les compositions de Fred Nitzsche, lequel, à l’oreille, fait penser au fils illégitime de Vladimir Cosma. Le malaise se fait sentir dès les premières minutes de cette suite, s’ouvrant comme son prédécesseur par un fantasme de l’écrivaine. On ressent surtout ce qui faisait la force du Diamant Vert et fait cruellement défaut à ce Diamant du Nil : la sensibilité de son réalisateur. 

L’ouverture du premier volet était un pastiche (et non une parodie) de western spaghetti façon Sergio Leone, avec un sens de la mise en scène et une photographie démontrant la cinéphilie de Zemeckis. S’il s’agissait d’une farce, elle était néanmoins sérieusement racontée et respectueuse du genre détourné. Pour ce nouveau volet, Joan nous plonge cette fois-ci dans l’univers des pirates. Différences de taille : un second degré permanent, des décors en carton et des déguisements dignes d’un cosplay.

On pourrait tenter d’assimiler cela à la perte d’inspiration de l’héroïne, ou encore se dire que l’équipe du film, après le western, s’est mise en tête de rendre hommage aux swashbucklers (films de pirates de l’âge d’or). Malheureusement, le reste du film continuera sur cette lancée de spectacle bon marché et jamais inspiré visuellement, le réalisateur se contentant d’enchaîner ses scènes comme des perles en sucre sur un collier.

Un diamant du Nil brut, hélas mal dégrossi

Tout ceci confère une patte “téléfilm” plutôt fatale au métrage. C’est dommage, car sur le papier, Le Diamant du Nil a très peu de choses à se reprocher malgré sa genèse éclair. Cet opus deux se paie le luxe de poursuivre et clore la romance vécue par ses héros, tout en proposant une intrigue sans redite aucune et un twist mignon sur la véritable nature du “Joyau”.

Plus fort, il ose le retour du personnage de Danny DeVito, sorte de clown chanceux/malchanceux totalement inutile à l’intrigue (autant que dans le Diamant Vert), et qui amuse pourtant plus qu’un Joe Pesci dans l’Arme Fatale 3 & 4 réunis. Enfin, on peut saluer l’intelligence des scénaristes. Après avoir tiré Joan Wilder de ses fantaisies sirupeuses pour la jeter dans les mares d’eau boueuses d’Amérique du Sud, ils imposent cette fois-ci en bad guy Omar Sharif Khalifa, charmeur en turban sorti tout droit d’un conte de fée avec ses palais, ses chameaux et ses oasis. Cette fois, Joan ne vit pas une épopée à mille lieux de ses bouquins. Elle est carrément plongée dedans.

Dommage que la réalité ne rattrape jamais les protagonistes comme dans le film de Zemeckis. La faute en incombe à la platitude de la réalisation, et à une photographie et des décors dignes d’une carte postale, loin de la Colombie sordide du premier volet. Paradoxalement, tout ceci rend le film mignon puisque, pour le coup, nous sommes bien dans une pelloche d’aventures à l’eau de rose. Le Diamant du Nil est un spectacle familial à l’humour gentil, soutenu par un prophète à l’innocence enfantine, un DeVito déchaîné, et des acrobates en costumes en guise de rebelles. Enfin, nous devons à ce film cette BO mythique. Eh oui, c’était tout ça à la fois, les eighties.

La scène à voir

Pourtant, il existe au beau milieu du Diamant du Nil une scène d’évasion incroyable de dinguerie, dans l’esprit festif dont se réclamait cette suite bigger than life. Après avoir trouvé Ralph dans une benne à ordures, Jack Colton se rend à la pseudo Agrabah demander des comptes à Omar. Il y croise sa bien-aimée ainsi qu’un nouveau compagnon jovial, puis tous les trois fuient les sbires du tyran à bord du moins pratique des moyens de transport : un F-16. Bien qu’il n’y connaisse rien, Jack saisit le manche. Ce qui suit n’est qu’un minuscule extrait du carnage…

Une scène truculente portée par une paire de héros sympathiques. De quoi regretter que les producteurs n’aient pas tempéré leurs ardeurs et attendu une ou deux années de plus. Avec davantage de préparation et un artisan de la trempe de Robert Zemeckis, nul doute que Le Diamant du Nil aurait pu installer une franchise de films d’aventures parmi les références du genre. Mais dans un genre où les références sont finalement peu nombreuses, un bon divertissement fait toujours du bien (cf. Sahara, autre plaisir injustement oublié, ou Veines rouges, qui essaie de retrouver cet esprit léger).

Le Diamant du Nil est disponible sur Disney+, en DVD et Blu-ray chez Fox vidéo, et en pack 2 films Blu-ray avec À la poursuite du Diamant Vert.

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