Carter (Joo Won) se réveille amnésique près d’une mare de sang, dans une chambre d’hôtel en Corée du Sud. Il est braqué par un escadron de la CIA, il a une bombe dans la bouche, un implant dans la tête, et il est nu ! En plus, les deux Corée se font des doigts, suite à l’irruption d’un virus “à la 28 jours plus tard” menaçant de sortir de Corée du Nord. Il s’avère que Carter a pour mission de ramener la seule fillette immunisée du monde. Son papa, un scientifique hébergé chez les Nord-coréens, a créé un vaccin. Et si Carter ne la ramène pas dans 24h, sa propre fille va succomber du virus (lui dit-on). Forcément, il y a du monde sur le chemin. Dommage pour eux, en plus d’être contrarié, il se bat comme John Wick s’il avait fait un stage à l’IMF…

Carter est un truc de malade. Ce film n’a pas froid aux yeux. Jamais. Dès son point de départ, d’ailleurs. Croiser Jason Bourne et Mission Impossible avec World War Z, il fallait oser. En plus, en y injectant un petit peu de critique politique sur la stabilité des deux Corée et l’ingérence des USA. Le tout, en filmant entièrement en (faux) plan séquence. Ce pari technique fait écho aussi bien à des blockbusters d’auteur (Gravity d’Alfonso Cuaron) qu’à des trips sous acide comme Hardcore Henry. Sans parler de l’influence forte des jeux vidéo, auxquels Carter emprunte à 150 % les procédés et tics de narration. Mais est-ce que ce cocktail fonctionne ?

Carter : une vraie journée en enfer

Le film est réalisé par Jeong Byeong-gil, coupable notamment de Confession of Murder, mais surtout de The Villainess, qui partage davantage la patate et les délires de Carter. Mais le nouveau long-métrage de Jéjé va plus loin. On bat ici des records en matière d’action débridée.

Sans en dévoiler trop, on a droit au charcutage d’une armée de mafieux dans des bains-douches, à moult sauts depuis des fenêtres ou des toits, à une course entre motos à faire pleurer Tom Cruise, et à une séquence aérienne, puis deux, puis trois courses poursuites rappelant furieusement les morceaux de bravoure d’Indiana Jones et d’Uncharted ! Enfin, imaginez lesdites scènes si leurs créateurs avaient fumé le papier peint fraîchement collé dans leur salon, une fois arrivés à court de détergent à sniffer. Oui, c’est grave à ce point-là.

En fait, sur le plan de l’inventivité et de la niaque, Carter est le film d’action le plus frais et décoiffant que j’aie vu depuis le début de l’année. Et pourtant, c’est ma troisième séquence aérienne dégénérant dans des proportions épiques, après celles d’Uncharted et The Gray Man. Sur le papier, Carter est le film d’action ultime. Vraiment. En tant que pur concentré de testostérone et de bastos, il file droit et donne tout ce qu’il a. Mais il donne aussi sa chemise et les clés de sa bagnole, et après ça, il ne lui reste plus rien pour financer les effets spéciaux.

C’est môche

Je ne savais pas comment le dire autrement. Si les SFX n’étaient pas impeccables, on comprendrait. Mais là, ce n’est même pas passable. Un souci qu’on devine imputable à deux choses.

La première, Carter est TROP généreux. Le film fait tout de même 2h15. Il pourrait facilement se passer de deux, voire trois morceaux de bravoure, tellement il y en a. Mais à force d’enchaîner les massacres et les explosions, avec une caméra sans cesse virevoltante, le spectateur a la tête qui tourne, ou le cœur qui lâche, ou l’attention qui dérive. Moi, c’était les trois. J’avoue que son intrigue d’espionnage politique sous amphétamines m’a maintenu impliqué jusqu’au bout, et que sa réjouissante séquence finale m’a fait sautiller de plaisir. Mais trop, c’est trop.

La seconde raison, c’est bien la gageure de faire un film d’action bourrin de 2h15 en plan séquence. Carter n’avait pas besoin de ça pour épater. Ses scènes d’action spectaculaires et ses rebondissements suffisaient amplement. Mais puisque de tels délires coûtent une blinde, que le film en compte une dizaine, et qu’il dure plus de 120 mn, une partie du budget effets spéciaux (presque tout ?) sert à masquer les coupes et collages entre deux séquences tournées séparément.

Un film à é-Carter ?

Du coup, Carter devient hideux. Les transitions sont visibles comme des pastèques, la faute à des effets numériques qui auraient déjà eu l’air cheap dans un DTV de 2010. Et plus les scènes d’action cherchent à en faire (ce qui arrive quasiment tout le temps), plus elles ont l’air misérable. Mention spéciale à une chute libre aussi laide que bordélique. Certes, la caméra est 100 % free, mais à quel prix ? Moi, c’était celui de me sortir trop souvent du film.

Carter

Dire que je crachais sur les destructions numériques de Fast and Furious 9 et The Gray Man ! Je ne vais pas changer d’avis pour autant. Trop de numérique voyant tue bel et bien le spectacle. Avec Carter, c’est d’autant plus flagrant. C’est aussi d’autant plus dommage. Avec le budget des derniers Mission : Impossible et une réalisation plus posée, Carter aurait été le film d’action de l’année.

LES + :

  • Un scénario prétexte, mais dont les twists et les trahisons réussissent à nous intriguer jusqu’à la fin.
  • Des scènes d’action qui reprennent le codes des films et jeux vidéo les plus efficaces dans le genre. Carter est complètement fou, et il ne se retient au nom de rien.

LES – :

  • Un film d’action spectaculaire et sans temps mort de 2h15 tourné en plan séquence n’est même pas une fausse bonne idée. C’est une très mauvaise idée.
  • Carter en fait trop, au point qu’il ne lui reste pas une cacahuète pour des effets spéciaux décents. Cela impacte ses deux arguments principaux: ses scènes d’action démesurées et la tenue de son faux plan séquence. Du coup, il échoue sur ces deux points. C’est dommage, sans le plan séquence, les scènes d’action auraient sûrement été bien meilleures.