Chaque semaine jusqu’au 31 octobre, j’ai décidé de revenir sur cinq adaptations en films de jeux vidéo d’horreur. Les JV et le cinéma entretiennent une vieille relation d’amour-haine, marquée par bien plus de ratés que de réussites (House of the Dead, Far Cry, Postal, etc.). Pourtant, même une adaptation calamiteuse peut se révéler intéressante, si on la regarde sous le bon angle.
Depuis Super Mario Bros et Street Fighter il y a plus de trente ans, les jeux vidéo au cinéma n’ont pas vraiment évolué, toujours plus proches du produit dérivé que du vrai film ciné. Mais gardons espoir. Il y a toujours quelque chose à retenir d’un faux pas, si l’on veut réussir un jour. Transposition, émulation, réappropriation ou simple prolongement, certains jeux d’horreur particuliers sont arrivés sur grand écran tant bien que mal, mais pas sans mérite.
Aujourd’hui, retour sur Doom d’Andrzej Bartkowiak, sorti en 2005, l’équivalent au cinéma de ce que l’émulation est aux jeux vidéo. Comme le Doom original de 1993, que les geeks s’amusent à faire tourner sur n’importe quoi (un test de grossesse, une calculette, etc.), le réalisateur essaie de porter Doom 3 sur grand écran, en croisant les doigts pour que ça passe. Précédé d’une réputation de navet, le film est-il pour autant un mauvais port ?

On se casse sur Mars
2046. Quelque chose de méchant s’est échappé des laboratoires de la base d’Olduvai, sur Mars. Sarge (Dwayne « The Rock » Johnson) et sa team d’élite sont téléportés là-bas pour faire le ménage. Du ménage, il va y en avoir quand les marines vont commencer à dégager un à un, décimés comme des blaireaux par une présence alien furax…
Doom n’est pas un portage satisfaisant de Doom 3, le jeu de tir à la première personne dont il s’inspire. Cause principale : bye-bye l’invasion démoniaque, contrastant superbement avec le cadre de SF. Elle a été troquée contre un virus bateau, idée déjà vue vingt fois. Quant à l’action solo, tendue, suffocante et gore, elle est remplacée par un ersatz bisseux d’Aliens, soit un film d’escouade où le suspense peine.
Les soldats passent leur temps à arpenter des couloirs vides avec les genoux qui tremblent, avant de se faire éclater au compte-gouttes par des monstres visqueux. Dieu merci, dans le dernier quart, les choses s’emballent enfin. En attendant, on peut compter sur l’interprétation intense de The Rock, sur le fil entre menace et comédie involontaire.

Doom a une tête d'émule
La réussite de Doom n’est pas l’adaptation, mais l’émulation. Le design général, l’ambiance sonore et les couloirs archi sombres ont l’air issus de Doom 3. Idem pour les zombies et les monstres, sortis des studios de Stan Winston (Terminator, Jurassic Park). Même la BO de Marco Beltrami et Clint Mansell se met au diapason. L’arsenal ne reprend que le BFG et la mitrailleuse lourde, mais l’Arche et le « nanomur » sont un clin d’œil aux téléporteurs et aux passages secrets des jeux classiques.
Le plus bel exemple d’émulation, mettant d’autant mieux en lumière l’impasse créative du film, c’est l’impressionnante séquence en FPS. Une idée de merde, puisque sa seule justification est de faire « comme le jeu ». Mais contrairement à Silent Hill, cette séquence ne dure que 5 mn, et sur grand écran, elle valait bien n’importe quel train fantôme. Avec le recul, elle était même précurseure. Vingt ans plus tard, beaucoup regardent des vidéos de gameplay sur Youtube au lieu de vraiment tâter du pad.

Arriver « à bon port », l'idéal inaccessible ?
Déjà à l’époque, le jeu Doom de 1993 avait connu des ports officiels sur consoles. Ces versions s’avérèrent moins puissantes, et pas avares en problèmes (graphismes moins fins, framerate minable, niveaux refaits ou manquants). Notamment, les portages SEGA 32X et Super Nes furent critiqués pour leur qualité moindre. Il faut dire que ces machines étaient en deçà des capacités d’un pc de l’époque, et qu’il fallait faire des concessions.
Doom, le film, c’est finalement l’histoire qui se répète. L’adaptation de Doom 3 a lieu sur grand écran plutôt que sur console, mais le résultat, fatalement, ne fait que décevoir. Si le décor est reproduit, la formule ne suit pas. Le 7e art s’avère un support moins puissant, moins permissif et moins immersif que si c’était une quête vidéoludique.
Ce n’est plus nous qui nous projetons dans les godasses d’un bidasse, avançant avec appréhension dans des couloirs mal éclairés. Ce sont des soldats sans épaisseur qui sont projetés sur la toile, à la merci d’un scénario bidon. Nous les suivons sans grand intérêt, réconfortés par un récit familier et conscients d’être à l’abri derrière un écran.

En résumé
Doom photocopie parfaitement le look du FPS ayant servi de modèle, avec autant d’application que Silent Hill. Toutefois, il a le bon sens de ne pas être à la première personne du début à la fin (Hardcore Henry a prouvé les limites du procédé) et de vouloir faire un « vrai » film. Un premier pas dans la bonne direction, mais un vrai film, ça peut aussi être raté.
Doom voudrait être Aliens, mais ne parvient qu’à être une série B sans grande ambition, l’équivalent à 65 millions de dollars des bis d’exploitation italiens des eighties (Contamination, La Galaxie de la Terreur). Ce n’est pas grand chose, mais les fans ont quand même été mieux servis que ceux de Uncharted.
La semaine prochaine, on retourne sur Terre en 1998…
Doom est disponible en DVD, Bluray et Bluray 4K chez Universal.