Streets of Rage 4 prend place dix ans après l’ultime défaite de M. X. La ville est à nouveau dans la tourmente. Les enfants de X, les jumeaux Y, ont la mainmise sur la pègre comme sur la police. Parce que c’est dans les vieilles peaux qu’ont fait les meilleures soupes, Axel Stone et Blaze Fielding, toujours d’attaque, sillonnent les rues pour faire parler leurs poings. Ils sont rejoints par les petits nouveaux Cherry Hunter, fille d’Adam et guitariste, et Floyd Iraia, disciple du Dr Zan aux bras d’acier. La mafia a beau avoir recruté du monde depuis la dernière fois, ça va dégager sévère à Wood Oak City…
Un quart de siècle. Ça fait un quart de siècle depuis Streets of Rage 3. Pas la peine de dire que ç’avait intérêt à être bon. Depuis le temps, divers projets ont émergé et avorté pour donner suite à la trilogie phare de la Megadrive de Sega. Un Streets of Rage 4 en 3D sur Dreamcast, et un autre, projet de fan, partageant des similitudes avec le présent titre. Finalement, pour calmer notre soif, on n’avait que Streets of Rage Remake, un opus officieux réalisé par des fans. Mais officiellement, nada pendant 25 ans. Jusqu’à l’année dernière, avec l’annonce du jeu. Et l’insupportable attente jusqu’à aujourd’hui, pour savoir si, enfin, la saga était de retour, fidèle à elle-même. La réponse est : « oui, tant mieux !».
Streets of Rage 4 change la donne
Le gameplay est assez simple : tu avances, tu sautes, tu tapes, tu mélanges les trois, et puis voilà. Mais Streets of Rage 4 est aussi classique dans son gameplay qu’il est stratégique. C’est un formidable beat them all, un jeu vidéo d’arcade « à l’ancienne », dans le sens où il est simple à prendre en main pour les néophytes, et gratifiant pour les gamers chevronnés.
Dans la lignée des précédents opus, certaines choses sont restées les mêmes, d’autres ont changé. Ceux qui s’attendaient à un prolongement du 3 et de ses avancées de l’époque seront déconfits pendant leur premier run. La jauge dédiée aux coups spéciaux a disparu, et il n’y a plus que Cherry qui puisse courir, comme son petit frère Skate dans Streets of Rage 2 (ça doit être de famille). A priori, on est donc moins mobile, et on peut se sentir frustré face à des petits saligauds aux patterns variés, qui ne se priveront pas pour nous coller une baffe à la première erreur.
Ce qui est génial avec Streets of Rage 4, c’est que son côté rétro ne l’empêche pas d’être « moderne », dans le sens où il injecte de réelles nouveautés, de nouvelles règles à ce que l’on connaît de la saga. Après 25 ans à rejouer aux mêmes opus, on a l’habitude de se prendre un peu trop pour un caïd. Les développeurs ont compris cela. D’une part, il faut accepter les limitations données, et d’autre part, il faut apprendre les habitudes des nouveaux venus, karatékas, motardes, flics et autres chimistes punks, parfois tous présents à la fois ! Même des boss revenus des précédents opus ont droit à de nouvelles techniques pour nous mener la vie dure.
“Grand upper !“
Pour profiter à fond de « l’expérience » Streets of Rage 4, il est vivement recommandé de jouer au mode Arcade. Le mode Histoire, aux Continus infinis, n’est qu’un tour de piste pour apprendre et progresser sans trop se chagriner. Mais en Arcade, fini de rire. Vous n’avez qu’une session et un seul personnage pour arriver au bout des douze niveaux qui jalonnent l’aventure : rues sordides, commissariat, égouts, métro, galerie d’art, etc. Il y a du kilométrage à faire.
En plus, chaque environnement propose, de-ci de-là, des éléments susceptibles de se retourner contre l’adversaire ou vous-même. Oui, on peut toujours balancer des ennemis dans un trou, mais on peut aussi les baigner dans des déchets radioactifs ou leur envoyer un boulet de chantier à la tronche. Quant aux armes à ramasser, elles sont un peu plus variées dans Streets of Rage 4 mais, comme dans le troisième opus, elles se briseront après avoir éclaté quelques nazes. Vous pouvez heureusement compter sur une palette de coups un peu plus grande (enchaîner deux coups de pieds sautés à la fois, déclencher un coup spécial aérien, etc.) et la possibilité de récupérer votre arme en plein vol, histoire d’enchaîner plus vite tout en ayant l’air classe.
Ne croyez pas qu’après avoir vaincu le mode Difficile, vous serez un cador. Les modes Très Difficile et Mania sont là pour vous rappeler que vous êtes un simple mortel. Si le jeu veut vous briser, il le fera, multipliant les ennemis et leur vitesse de frappe. Heureusement, l’option « Choix du niveau » permet de prendre votre revanche au dernier palier atteint (j’en suis au niveau 9 du mode Très Difficile, et ça fait mal). Vos capacités et votre endurance décideront du vainqueur. Plus longtemps vous enchaînez les combos, moins vous laissez de temps aux ennemis de vous attaquer. Si vous en ratez un, il ne vous loupera pas.
Les coups et les douleurs
On a parlé de nouveautés avec Streets of Rage 4, et elles sont utiles et méritantes. Tout d’abord, vous pouvez toujours envoyer un coup spécial, unique à votre perso. Il draine toujours votre jauge de vie, mais vous pouvez récupérer ce que vous avez perdu, à condition de pouvoir frapper assez de raclures sans vous faire toucher. Sinon, vous perdez définitivement la vie consommée. Vous avez aussi un système d’étoiles, qui sont vos méga-coups spéciaux. Une étoile vaut un coup, mais avec ça, même un boss s’envolera dans le décor. À utiliser avec parcimonie et stratégie, d’autant que plus vous aurez gardé d’étoiles à la fin d’un niveau, plus vous gagnerez de points. De toute façon, à chaque niveau suivant, vous revenez à une mise de départ d’une seule étoile.
Les ennemis aussi ont droit à un upgrade. Lorsqu’un gus clignote en blanc pendant quelques secondes, vous ne pouvez pas le déstabiliser en le frappant. Et lorsqu’il clignote en rouge, ça veut dire qu’il va foncer vers vous pour vous attraper. Quand c’est un boss qui fait ça, mieux vaut courir vite. Même les petites frappes vont vous donner du fil à retordre, surtout parmi les nouvelles têtes. On pense aux karatékas, dont il vaut mieux ne pas se retrouver devant, ou à ces pouffes de motardes, qui se prennent pour un buffle et vous foncent dessus depuis l’autre bout de l’écran. Si vous en avez marre de dérouiller, relax : vous pouvez jouer jusqu’à 4, et même vous savater entre potes en mode Duel.
On connaît la musique
Jeu de baston oblige, le son de Streets of Rage 4 ne déçoit pas. Les coups ont la patate, et la musique accompagne chaque tableau sans temps mort ni décalage. Les morceaux s’enchaînent dynamiquement, passant avec fluidité des compositions de Yuzo Koshiro à celles d’Olivier Derivière (et quelques autres invités de marque). Si je reste fan éternel de la BO de Streets of Rage 2, il y a assez de mélodies trippantes pour apprécier ce maelstrom de coups et de couleurs. Mais si vous êtes vraiment, vraiment nostalgique des 90s, le menu principal permet d’enclencher les musiques des premiers jeux, ou de modifier l’affichage pour un aspect plus « cathodique ». Ah oui ! Et si vous « tasez » une borne d’arcade, vous aurez le plaisir de tataner quelques invités surprises de plus…
Visuellement, Streets of Rage 4 est un régal. Les sprites sont d’une finesse qui ravit l’œil, et les décors sont remplis de détails et d’easter eggs, non seulement à la franchise, mais aussi à d’autres licences de Sega. D’ailleurs, cerise sur le gâteau : plus vous jouez, plus vous débloquez les persos des volets précédents, dans leur version originale. Et ce n’est pas qu’un simple gadget surfant sur la nostalgie des joueurs, comme les skins de Lara Croft ou des héros de Resident Evil dans leurs dernières aventures.
Vous jouez avec leurs compétences et jouabilité d’époque. Avec Axel, Blaze ou Adam de Streets of Rage 1, vous avez une force et une vitesse de frappe supérieures, compensant l’absence de coups spéciaux. Max de Streets of Rage 2 est une locomotive qui fera rapidement de la place dans les niveaux. Avec les persos de Streets of Rage 3, vous pouvez courir et effectuer des roulades. Etc. Au total, Streets of Rage 4 propose douze personnages jouables. Si vous ne trouvez pas votre bonheur, on ne peut plus rien pour vous.
La rage dedans
Streets of Rage 4 est un hommage réussi et une vraie évolution de la saga. Peut-on réellement être insatisfait ou pinailleur ? Le jeu est simple d’accès et exigeant à la fois. Tout le monde peut s’y essayer, des routards aux jeunes joueurs. Les sprites sont fabuleux, les décors riches, la bande son tonitruante et le roster blindé de monde.
Plus j’ai avancé, plus j’ai aimé. Et maintenant que je suis arrivé au bout, avec autant de personnages débloqués et des niveaux de difficulté bien chargés, plus je joue, plus j’en redemande. Mon seul regret est que, fidèle au genre, il ne propose aucune vraie nouveauté dans ses phases de jeu (marcher, taper, répéter). Et on le parcourt parfois trop rapidement. Soit les niveaux sont trop courts (le niveau 7 l’est assurément), soit c’est nous qui allons trop vite. Vivement de potentiels DLC, ou même Streets of Rage 5. Après 26 ans, on a appris que la patience est vraiment récompensée.
LES + :
- Une magnifique direction artistique.
- Une très grosse rejouabilité. C’est le genre qui veut. Mais l’écran de sélection des personnages est aussi rempli à ras bord.
- Les animations et l’enchaînement des musiques sont archi fluides. Encore heureux !
- Plus technique qu’on ne pourrait le croire.
- Jouer à 4 ? Mouahahaha, ce bordel jubilatoire !
- Blaze n’a jamais été aussi « wouaouh ! » (Elle a été mon premier crush de jeu vidéo, devant Lara Croft.)
LES – :
- La BO « rétro » joue un peu n’importe comment les musiques des Streets of Rage 1 et 2, Megadrive et Master System.
- Les niveaux eux-mêmes ne changent pas des « simples » scrolling horizontaux inhérents au genre. Un peu plus d’innovation aurait été sympa (Streets of Rage Remake en faisait plus, de ce côté-là).