Highlander II

Nous sommes presque en 2024. Depuis quinze ans, Marvel et son “Cinematic Universe” ont toujours plus compliqué la vie de ses spectateurs, à grands coups de nœuds temporels et de cross-over inter dimensionnels davantage tordus et contradictoires (en commençant avec Avengers : Endgame). Ils sont surtout prétextes à faire tout et n’importe quoi pour que leur franchise à milliards de dollars survive. Afin de ne pas foncer droit dans le mur, ils auraient dû dès le début prendre des notes à propos du cas Highlander II.

Cette suite d’il y a trente ans mettait directement les pieds dans le plat. Elle partait loin dans le délire en chamboulant tout, quitte à contredire le long métrage original. Ce n’était que le début, puisqu’au fil du temps, le film a été remonté, redoublé, et ses effets spéciaux refaits pour proposer une vision un peu plus cohérente, mais aussi très différente.

Aujourd’hui, on peut dire qu’il y a deux versions de la chose. La première (version a), c’est la version ciné sortie en 1991. Elle transformait Connor McLeod en alien venu d’une autre planète, peu importe les contradictions avec le premier épisode. La dernière (version b) offre un autre regard sur les origines de ce personnage et de ses semblables, ainsi qu’une cure de jouvence artistique et esthétique. Le bond est tellement gigantesque que même Marvel n’y serait pas parvenu. Jugez plutôt.

Highlander 2, “it’s a kind of magic”

Jadis, un peuple d’immortels vivait a/ sur la lointaine planète Zeist, ou b/ à l’aube des Temps. Après avoir mené une révolte contre les armées du cruel général Katana (Michael Ironside), Connor McLeod (Christophe Lambert) fut condamné à l’exil en compagnie de son mentor Ramirez (Sean Connery). Afin de ne pas pourrir a/ leur planète, b/ le présent, leurs semblables ont pris l’habitude d’envoyer leurs rebuts a/ sur Terre, ou b/ dans le futur. Là, les exilés devront s’entretuer jusqu’au dernier, lequel aura ensuite le choix : vivre et mourir de vieillesse sur place ou rentrer enfin chez lui…

Highlander II

En 1999, la Terre est menacée par la disparition de la couche d’ozone. Pour protéger la race humaine des rayons meurtriers du soleil, McLeod, désormais mortel, participe à la création d’un bouclier d’énergie planétaire. Le soulagement fut immédiat mais de courte durée. Privée de soleil, la planète bleue devint un monde d’humidité et de ténèbres perpétuelles…

En 2024, à New York, la belle Karen Johnson (Virginia Madsen) retrouve McLeod à l’automne de sa vie. La jeune femme cherche son aide pour détruire le bouclier, qu’une corporation cupide s’obstine à maintenir. Au même moment a/ sur Zeist, ou b/ dans le passé, le général Katana, inquiet que McLeod puisse encore choisir de rentrer, décide d’envoyer des assassins pour l’achever. Mauvaise idée. Deux têtes tranchées plus tard, Connor retrouve toute sa jeunesse et sa vigueur. Comme on n’est jamais mieux servi que par soi-même, le général débarque et s’allie à la corporation pour contrer les efforts de Karen et McLeod…

La citation qui tue (version ciné)

(Karen : ) Bon, voyons si j’ai tout compris. Tu viens d’une planète très lointaine. Tu es mortel là-bas, mais immortel ici, jusqu’à ce que tu aies tranché la tête de tous les autres comme toi. Alors tu redeviens mortel. A moins que d’autres types débarquent de là-bas, auquel cas tu redeviens immortel. Jusqu’à ce que tu leur coupes à nouveau la tête, alors tu redeviens mortel. C’est ça ?
(McLeod : ) Approximativement.
(Karen : ) Bien sûr, oui. Approximativement.

Highlander II

Quand ton film atteint le fond, tu ne peux que le re-monter

En vérité, nous allons vite faire le tour du cut original. Outre des idées de scénario catastrophiques, une production cauchemardesque en Argentine a fait exploser le budget, n’autorisant pas la grande fresque de SF épique qu’on était en droit d’attendre. Pour ne rien arranger, un couac dans la gestion des effets spéciaux en post prod a rendu le ciel rouge, ce qui contraste avec la photographie sombre et bleutée du film. À cause de tout ça, plus un montage déjà bordélique, Highlander II était pénible à regarder, pour ne pas dire douloureux. Si personne n’y avait rien fait, ce serait resté un gâchis intégral.

C’est donc surtout de la Renegade Version dont nous allons parler. Elle n’est pas si récente, puisqu’elle était sortie en 1996 sur support Laser Disc. Le film y était remonté et affublé de scènes supplémentaires changeant la donne. En 2009, grâce aux joies du numérique, cette version ressortit en DVD avec de nouveaux effets spéciaux. Le ciel troquait ainsi son rouge agressif et ses textures dégueulasses contre un bleu glacial, plus esthétique et propre, en accord avec la lumière d’origine. Grâce à ces ajustements, le nanar vieillot ressemblait dorénavant à un DTV prestigieux, et le visionnage s’avérait bien plus confortable.

Highlander II
AVANT / APRES

La chronique immortelle

L’histoire s’avère tout de même intrigante. Highlander II avait un caractère fichtrement prémonitoire. En plus de se dérouler demain, en 2024, tous les germes d’un grand succès populaire d’aujourd’hui s’y concentraient en un maelström d’idées folles. Le souci, c’est qu’elles étaient difficiles à concrétiser à l’époque.

Sur le papier, on a une fresque épique mâtinée de SF à la fois fantaisiste et d’anticipation (façon New York 1997 de John Carpenter). Le héros solitaire et torturé est venu d’un monde lointain et opprimé, et entrevoit une possible rédemption pour sauver à la fois son peuple et le nôtre. De vieilles amitiés renaissent, et un vieil ennemi ultra méchant réapparaît pour tout foutre en l’air. Combats à l’épée, poursuite aérienne, explosions, etc. Une formule qui préfigure 90% des blockbusters actuels.

L’univers urbain pourrissant et le cynisme sont bien plus présents que dans la version ciné, et rappellent beaucoup la filmographie de Paul Verhoeven (Robocop, Starship Troopers). Et il faut compter avec un message écolo qui s’avère toujours plus d’actualité aujourd’hui. Tout ça dans une ambiance gothique, sous une photographie contrastée et au milieu de décors baroques, empruntant à la fois au steam punk, à l’expressionnisme allemand, au film noir et aux comic books ! New York en 2024 rappelle Gotham City, emprunte une partie de son design futuriste à Blade Runner, et préfigure même la future « Dark City » du film culte d’Alex Proyas. Bref, niveau comparaisons, que du bon ! Sauf que…

Et là, c’est le drame

Dépassé par ses ambitions et/ou trop en avance sur son temps, Highlander II souffrit d’une production cauchemardesque. Suite à une crise économique en Argentine, lieu du tournage, les coûts se sont envolés, et avec eux, les capacités de l’équipe à bosser proprement. Les monteurs ont ensuite fait au mieux avec ce qu’ils avaient, pour un résultat violant la continuité géographique ou les lois de la physique (cf. cette fin alternative, franchement “magique”).

Le film ne fut pas gâté non plus par son scénario, transformant notre Totof des hautes terres d’Ecosse en Lawrence d’Arabie interstellaire. Pourquoi pas, si les faits ne contredisaient pas complètement ceux du film précédent. Il s’appelle déjà McLeod avant de dégager de sa planète ? Et que reste-t-il du rapport aux Highlands écossais ? Est-ce que ce monde est sérieux ?!

Highlander II

Une sacrée différence !

Après presque vingt ans de remontage, reshoot, redoublage et lifting numérique, la Renegade Version offre la vision la plus positive du film. L’histoire et ses enjeux s’en retrouvent subtilement modifiés, et même si Russell Mulcahy ne veut plus en entendre parler, ce Highlander 2.1 contient en lui des parcelles de majesté.

Il faut voir l’introduction à l’opéra, où McLeod se remémore son passé guerrier parallèlement au spectacle sur scène. Tandis que se joue « Le Crépuscule des Dieux », un long plan de grue survole la salle pour finir sur notre héros vieux et affaibli. On sent tout de suite l’ambition d’une authentique épopée, confirmée à intervalles réguliers par des scènes épiques et/ou artistiquement travaillées.

Par rapport au montage ciné, les flashbacks sur le passé de McLeod sont adroitement réorganisés, et la planète Zeist a donc été troquée contre des voyages temporels. Cela permet de combler certaines incohérences (mais pas toutes). Les immortels ne sont plus des extraterrestres, mais des espèces d’Atlantes issus d’un lointain passé, qui préfèrent ne pas polluer leur présent en envoyant leurs criminels dans le futur. Pour renforcer cette proposition, le doublage a été refait, et quelques bidouillages digitaux ont servi à masquer les preuves d’un monde trop alien, comme l’épave d’un vaisseau spatial devenue une cité du désert, faisant fortement penser à Dune/Arakis.

Ce correctif tardif s’avère plus intéressant et à propos. Après tout, la saga parle de gens qui traversent les âges. Et ces déplacements dans le temps répondent indirectement à d’autres questions fâcheuses, comme pourquoi le général Katana attendrait 500 ans avant de venir faire la peau à McLeod. Par contre, la VF, pourtant elle aussi flambant neuve, n’a supprimé aucun rapport à Zeist… Il vaut donc mieux l’ignorer.

Highlander II

Du progrès, mais pas de miracle

Malgré tous ces heureux changements, Highlander II reste un coup manqué. En cause : trop d’incohérences scénaristiques, un personnage féminin “facile” (malgré sa fabuleuse interprète, Virginia Madsen), des costumes dignes de la série télé Stargate SG-1, la coupe de cheveux de Christophe Lambert, Michael Ironside singeant le Kurgan du film précédent, l’absence du thème mythique par Queen… 

Globalement, certaines scènes restent mémorables et gardent un impact certain. Mais d’autres sont plombées par une mise en scène plate et peu inspirée, souvent due aux conditions de tournage. On pense notamment à un pitoyable combat à mains nues sur une jeep, tourné des années plus tard pour cette version, ou au retour saugrenu de Ramirez, aka Sean Connery, au beau milieu d’une représentation de Hamlet !

Que reste-t-il à voir dans Highlander II ?

On ne peut franchement pas critiquer les intentions. Highlander II était un pari gonflé, la refonte de toute sa mythologie pour la rendre encore plus épique et grandiose, avec une atmosphère et des enjeux dignes d’un formidable manga japonais. Hélas, le résultat ignore presque complètement le film précédent. Certaines scènes sensibles versent dans le comique involontaire, et la mise en image figée des scènes d’action ne peut sortir le métrage du carcan réducteur des années 1980 et de leurs clichés esthétiques. Un problème duquel se serait bien mieux sorti James Cameron, mais on ne mélange pas visionneurs et visionnaires.

Par rapport au film original, on ne peut que recommander la Renegade version de Highlander II, même si ça reste entre guillemets. Par la magie du bidouillage, la série Z nanardeuse est certes devenue un petit B sympathique, mais on est loin du blockbuster épique qu’il aurait dû être. Ce recut rend au moins justice à une épopée tombée en disgrâce aux yeux des fans, à cause de suites insipides comme l’inutile Highlander III, le honteux Endgame, le minable The Source et la passable série télé avec Adrian Paul en vedette. Seul le film animé réalisé par Yoshiaki Kawajiri en 2007 redressa un tantinet le niveau, en attendant que des producteurs courageux relancent la série sur de nouvelles bases.

Pourquoi ne pas justement s’inspirer de ce director’s cut, et ainsi exhumer les restes d’une grande saga de SF trop rapidement tuée dans l’œuf ?

Highlander II

La scène immortelle

On se souvient toujours du tout premier quickening du film, et le premier pour McLeod depuis 25 ans. Après avoir été attaqué par deux tueurs envoyés par le général Katana, la momie de Christophe Lambert mène un duel mollasson qui le conduit à arpenter les passerelles surplombant les rues. Au passage d’un train de marchandises (au milieu de la rue, oui oui), les deux adversaires tombent sur la chaussée. Le méchant se fait décapiter sous les roues du véhicule, effet saisissant à l’appui.

McLeod recule d’un air effrayé. Il anticipe ce qui va se passer. Nous aussi. Un arc électrique s’extirpe lentement par le cou tranché du défunt, puis se met à ramper telle une araignée en quête de proie. Elle saisit le vieillard affaibli et le pénètre entièrement, provoquant un long et déchirant cri de douleur. Des chœurs s’intensifient peu à peu… Puis l’Apocalypse se déchaîne.

Quand McLeod surgit des flammes, rajeuni, il échange un regard avec son prochain adversaire, lui coupant l’envie de rire. Ça va barder !

Une envolée spectaculaire et presque lyrique, comme il y en a d’autres dans le film, immédiatement gâchée par un moment de pure zéderie, comme les autres. Cricri bondit tel Marty McFly sur le hoverboard de sa première victime, pour se lancer dans un duel aérien avec l’autre lascar qui, pour l’occasion, s’est fait pousser des ailes dans le dos. Sans commentaire…

Highlander II

En résumé pour l’éternité

Voilà comment décrire le mieux Highlander II, tous montages confondus : poissard dans sa confection, généreux dans ses intentions, mais perpétuellement sur le fil à l’écran. On y trouve au moins cent raisons de le détester, mais tout autant de prendre plaisir à le redécouvrir. Surtout, pour peu qu’on ait l’imagination fertile, on peut entrevoir le film formidable qu’il aurait pu être, et la saga spectaculaire et populaire qu’il aurait pu engendrer. À la place, on a a eu le MCU…