Halloween 4 se déroule en 1988. Dix ans après les événements de Halloween et Halloween 2, Micheal Myers est une momie. Comateux perpétuel et brûlé au douzième degré, il gît sur un lit d’hôpital. Le hasard faisant bien les choses, le directeur des lieux organise enfin son retour à l’asile de Smith’s Grove, sous la surveillance de deux infirmiers et par une nuit pluvieuse de 30 octobre. Pendant le trajet, les nigauds trouvent le moyen d’évoquer la famille du tueur. Si sa sœur Laurie est décédée dans un accident de voiture, elle a laissé une toute jeune fille, Jamie (Danielle Harris). Michael revient subitement à lui et s’échappe avec sauvagerie, dans le but de retourner à Haddonfield et tuer sa nièce de six ans. Le docteur Loomis (Donald Pleasance) se lance une nouvelle fois à sa poursuite…
Halloween 2 et Halloween 3 : Le Sang du sorcier étaient sortis en combo bluray+dvd chez le Chat qui fume en début d’année. Les éditions étaient minimalistes (bandes-annonces et un seul documentaire pour chaque film, lesquels se trouvent facilement sur youtube), mais l’emballage était soigné et la copie très bien. Le premier clôturait l’épopée sanglante de Michael Myers, incinéré avec son psychiatre à la fin du film. Le second était une tentative de lancer une franchise de films fantastiques et d’horreur avec pour seul lien la fête d’Halloween. Malheureusement, malgré son charme et ses cojones, cet opus fut un flop. Entre autres raisons, la plus importante est que le public associait dorénavant la franchise à Michael Myers. Et sans le tueur ni une campagne de pub suffisamment claire, on se demandait à quoi rimait cette arnaque. À quoi bon vendre « Halloween 3 » et pas juste « Le Sang du sorcier » ?
Moustapha n’a qu’à !
Le producteur de la série, Moustapha Akkad (aujourd’hui disparu), le sait bien. Le public veut Myers ? Il va l’avoir ! John Carpenter, dépité par l’accueil de glace qu’a reçu Halloween 3 : Le Sang du sorcier, veut s’éloigner pour de bon de la franchise et du tueur. Ça tombe bien, Moumou veut ressusciter le Croque-mitaine, d’autant que ce sera bientôt les dix ans de l’opus séminal (sorti en 1978). Le producteur rachète donc les droits et lance la machine pour un nouveau chapitre, véritable retour aux sources et suite aux deux premiers films. Halloween 4 sera donc le « vrai » Halloween 3. Malgré une grosse explosion au gaz à la fin de Halloween 2, Myers est de retour, Loomis est de retour, et Haddonfield va célébrer ces dix ans dans la peur et le sang.
ESC éditions propose maintenant Halloween 4 et 5, dans un packaging soigné mais différent de ceux du Chat qui fume. Sur le présent film, on retrouve en bonus quelques bandes-annonces et un documentaire rétrospectif, soit rien de bien neuf si vous avez youtube et si vous êtes fan. Mais on a droit en plus à une interview de Christophe Foltzer relatant l’intégralité de l’histoire de la franchise. Ça donne presque une heure d’un type racontant face caméra des anecdotes sur la genèse de chaque film, depuis celui de Carpenter jusqu’à Halloween 2018. Avouons-le, Maître Foltzer distille quand même ici et là des anecdotes et points de vue qui intéressent. Enfin, les fans de goodies seront heureux de trouver en cadeau un petit poster du film.
Mais le gros argument de cette édition, c’est l’occasion de voir enfin en France Halloween 4 dans une copie des plus propres. Que ce soit une découverte ou une redécouverte, on voit mieux les défauts, mais aussi les qualités de cette suite dont, avant de la revoir, l’ado que je fus n’avais pas gardé une très haute opinion. Et pourtant…
Cette fois, c’est la guerre !
L’écriture de Halloween 4 : le Retour de Michael Myers fut confiée à Alan B. McElroy, un petit jeunot à l’époque, mais qui amène son lot d’idées bienvenues. McElroy étant évidemment fan de l’original, il cherche autant à payer son tribut qu’à amener la franchise dans une nouvelle direction. L’heureux résultat, c’est que le bonhomme sait ce qu’il fait au lieu de simplement céder aux sirènes du genre.
Halloween 4 est un brassage de plusieurs influences et obligations qu’il marie plutôt bien entre elles. D’un côté, on a le teen drama avec frotti-frotta occasionnel. De l’autre, la petite bourgade souffrant de stress post-traumatique, avec ses citoyens armés prêts à patrouiller et à faire la loi (quitte à surtout faire les cons). Quant à Michael Myers, il embrasse complètement la dimension mythologique et surnaturelle acquise depuis sa dernière apparition. Sa force et son esprit calculateur sont encore plus mis en avant que précédemment. Sans parler de la fin, excellente, sur laquelle je compte revenir plus bas.
Sur le papier, ce retour de Michael Myers est autant un thriller à suspense qu’un film de monstre et d’action. Toute proportion gardée, il équivaut au Aliens de la saga Halloween. Malheureusement, n’est pas James Cameron qui veut. Halloween 4, bien écrit ou non, est un film de commande devant obéir à un planning de production impossible, et à l’absence d’un réalisateur aussi talentueux que Big Jim.
C’est le résultat qui compte
Halloween 4 est réalisé par Dwight H. Little. Il porte bien son nom : ce n’est pas le dernier des manchots, mais quand même un artisan « petit bras » (aujourd’hui, sa carrière contient plus de télé que de cinéma). Et en plus, il a moins d’un an pour emballer Halloween 4, pour une sortie programmée en octobre 1988 ! Difficile de ne pas lui pardonner le résultat. On peut même dire qu’il s’en tire avec les honneurs, malgré les ratés visibles ici et là (dont un plan où Michael porte le mauvais masque, impossible à tourner à nouveau). De plus, esthétiquement, l’atmosphère du film est magnifiquement retranscrite, en particulier la nuit grâce à la photographie. Les bleus et jaunes souvent prononcés contrastent bien avec une obscurité qui m’a souvent parue solide.
Du côté du casting, c’est la toute petite Danielle Harris qui remporte le morceau. Jamie est constamment crédible dans sa fragilité tant physique que psychologique. La voir déambuler, perdue, en plein Haddonfield désertée alors que son oncle rôde, est crédible et réellement touchant. Le trio de vieux adolescents gravitant autour d’elle n’est pas aussi neuneu que ceux qu’on trouve dans les Vendredi 13, et ce sont surtout les adultes (dont le shérif et Loomis) qui prennent part à l’action et en subissent les conséquences.
Le vrai gros souci de Halloween 4, c’est hélas le tueur lui-même. L’interprète a changé, ça se voit à sa corpulence et dans sa gestuelle. Plus coincé que jamais, Michael est paradoxalement capable de se téléporter d’un bout à l’autre de Haddonfield, pour provoquer un blackout et nettoyer tout un commissariat de police. Il a beau avoir un balai entre les fesses et marcher à deux à l’heure, le psychopathe se déplace tel un ninja au point que c’en devient ridicule (haha, le passage de la jeep), et il arrache des gorges et empale des greluches avec une incroyable facilité. On sent que Jason Vorheese et Terminator sont passés par là. Le temps de l’opus fondateur de John Carpenter est révolu, et le public en veut plus. Halloween 4 multiplie le body count et les effets choc. Heureusement, même en HD, ils conservent une maîtrise technique et une efficacité redoutables.
Tri logique ?
Jusqu’à présent, je m’étais toujours borné à voir une seule et unique saga : la trilogie formée par les épisodes un et deux, puis l’opus anniversaire Halloween : 20 ans après sorti en 1998. Il y a deux raisons à cela, la présence de Jamie Lee Curtis et la mort définitive (si si, je vous jure) du Croque-mitaine. J’avais déjà évoqué combien les sagas capables de « boucler la boucle » me fascinaient (cf. cet article). Dans le cas de H20, l’héroïne emblématique affronte ses démons, Michael meurt et le film se conclut sur la respiration lourde de sa sœur, faisant miroir à la sienne sous le masque. Tiens ! « Miroir », voilà un mot intéressant.
Retour à la case départ ou miroir des origines, qu’est-ce qui marche le mieux pour conclure une saga ? Récemment, Rambo : Last Blood a remis ce questionnement en lumière. Le quatrième film, John Rambo, finissait par le vétéran s’éloignant sur une route menant chez lui. Le tout premier plan de l’épisode un était l’inverse : Rambo arrivait au loin, vagabond sur une route n’ayant ni début ni fin. La fin de Rambo 4 est ainsi éloquente, chargée d’émotion et pertinente, mais on ne revenait pas au point de départ. Or, c’est ce qui arrive à la fin de Rambo 5, où le personnage est condamné à repartir sans but sur les routes.
Autres exemples : avant ses suites des années 2000, Une Journée en Enfer finissait sur John McClane au téléphone pour se rabibocher encore avec sa femme, soit la même situation qu’avant Piège de Cristal. Quant à Jason Bourne, la fin de La Vengeance dans la peau le montre s’éloigner à la nage, dans des eaux sombres renvoyant à celles l’ayant vu « naître » au tout début de la série.
Halloween 3.2.2
Comme la plupart de ces franchises et d’autres, Halloween a continué par delà ces conclusions, accumulant les suites et reboot jusqu’à devenir exsangue de toute idée vraiment fraîche, nouvelle ou mémorable. Or, Halloween 4 a de vraies idées et aspirations, mais surtout, il propose la fin la plus définitive et cohérente. Michael Myers y meurt logiquement, et nous découvrons avec un nihilisme déprimant que le Mal est véritablement cyclique, transmissible et ne mourra jamais vraiment. La boucle est bouclée tout en faisant miroir au début de Halloween 1978. On ne peut être plus définitif que cela, et Halloween 4 remplace désormais H20 dans mon cœur comme vraie fin de la saga.
Bien sûr, le médiocre Halloween 5, torché à la va-vite l’année suivante, fichera tout en l’air. Mais je me rends compte avec effarement que, bien avant Halloween : 20 ans après, et 30 ans avant le très vain et opportuniste Halloween 2018, Halloween 4 était une vraie conclusion à l’aventure Myers. Certes, il n’est pas parfait. Mais il demeure hautement divertissant, bien ficelé et surtout très bien pensé, avec davantage de surprises et d’esprit d’initiative que tout le reste de la saga réunie. Exploser les compteurs et conclure en fanfare, n’est-ce pas ce que tout final d’une trilogie devrait faire ?
Halloween 4 : Le Retour de Michael Myers est disponible depuis le 22 juillet 2020 chez ESC éditions, en Bluray et DVD.