Après avoir vengé la mort de son chien et réglé une dette de sang, John Wick (Keanu Reeves) court pour sauver sa tête mise à prix. Malgré sa réputation de Baba Yaga (croque-mitaine) et les cadavres qu’il a semés tout au long de la semaine, les opportunistes vont quand même faire la queue pour se faire tuer, depuis New York jusqu’à Casablanca.
Je ne suis pas fan fou dingue des deux premiers John Wick, toutefois l’engouement général pour eux me fascine. Il faut reconnaître leur esthétique soignée, leur ambiance « branchée » (quelque part entre Tony Scott et les frères Wachowsky), mais surtout leurs scènes d’action irréprochables. C’est simple : imaginez les bastons de Jason Bourne, et rendez-les lisibles et appréciables pour ce qu’elles sont. John Wick 1 a été un micro événement, un succès surprise perçu comme le nouveau cap formel du cinéma d’action. C’était une assimilation réussie des codes de représentation du genre des vingt dernières années, un excellent élève qui ne prétendait à rien d’autre qu’à nous donner ce qu’on est venu voir. Et heureusement parce que du point de vue de l’histoire, les scénaristes inventent clairement au fur et à mesure. Mais c’est ce décalage permanent entre sérieux et second degré qui m’a fait aimer un petit peu les deux premiers volets.
Chapitre 1 : chienne de vie
Quand on résume John Wick 1, impossible de ne pas se marrer. Ils ont tué son chien, il va se venger, point barre. C’est l’histoire d’un tueur retraité, fraîchement veuf, à qui on a piqué sa caisse et tué son clebs. Ce n’est pas une parodie, mais un pastiche de ces bons vieux rape and revenge movie. Car s’il est constamment surréaliste, tout le monde prend l’affaire au sérieux dans le film de Chad Stahelski. Il faut voir les mafieux blêmir en entendant parler de John Wick…
Dans ces circonstances, non seulement on adhère à l’envie de John de partir en croisade, mais en plus, on découvre le plus sérieusement du monde une « dimension parallèle » du crime qui ne semble pas évoluer en marge de la société mais carrément à la place, avec même son propre système monétaire ! On a beau être à New York, ce n’est qu’un joli décor où les gens normaux n’existent pas. Les forces de l’ordre se résument à un flic en patrouille indifférent aux frasques de John. Un hôtel de luxe à la vue de tous est entièrement réservé aux mafieux et tueurs de tous horizons. Etc. WTF ?!
À côté de ça, l’action de John Wick parvient à faire illusion grâce aux chorés joliment emballées des gunfights (et parfois même un peu de voiture-kung fu). Dommage qu’elles reposent un peu trop sur l’enchaînement de headshots énervés, portés aux nues par les pros de Call of Duty. Tant pis, ce sera peut-être pour le prochain épisode.
Chapitre 2 : John Wicker
Assez logiquement, John Wick 2 en remet une couche. Le monde criminel est davantage développé, et notre société fait de plus en plus office de joli fond d’écran. On découvre le principe de la dette de sang impossible à effacer. Le fameux hôtel mafieux et ses règles sont une franchise internationale. Il existe une hiérarchie et des luttes de pouvoir dans lesquels John va devoir s’incruster au nom d’un vieux compte à solder.
Mais les deux premiers tiers de John Wick 2 pâtissent d’un investissement non personnel du héros, et donc du spectateur, car John n’agit que sous la menace sans possibilité de se rebeller. Ceci bien sûr avant qu’il se retourne enfin contre le salaud qui l’a forcé à remettre sa veste pare-balles… Face à cela, les gunfights sont encore plus nerveux, et Lawrence Fishburne nous régale de sa présence. Mais l’action de John Wick 2 ressemble déjà un peu trop à celle du premier. La faute au héros, tellement efficace qu’il se contente de tirer dans la tête de tous les guignols qui le croisent. Le film ne varie pas vraiment les plaisirs. Mais la fin est porteuse d’une grande promesse : John Wick contre le reste du monde.
Chapitre 3 : baston générale !
Si John Wick 1 & 2 étaient des films sympathiques pour Bibi, il n’y a pas d’hésitation avec John Wick 3 : Parabellum. C’est juste génial. C’est génial car ce fameux côté “WTF ultra sérieux” est multiplié par dix ici. Et les plus gros défauts des précédents opus ont été corrigés. Fini le manque de variété des scènes d’action, et les enjeux au mieux ridicules, au pire inexistants.
John Wick 3 s’ouvre directement sur la fin de John Wick 2. On suit la course effrénée du personnage à travers la Grosse Pomme, avec une prime de 14 millions de dollars sur sa pomme à lui. Bienvenue dans une accumulation d’adversaires, combats, poursuites et mises à mort inventives. On constate enfin que John peut tuer tout le monde avec n’importe quoi, d’un vieux Colt rouillé à un cheval. Mais il faut voir comment pour le croire !
Et ça ne s’arrête pas là. Ce festival de connerie géniale (je vous jure que c’est un compliment) se poursuit hors New York, étendant toujours plus cette mythologie absurde. Il y a des assassins avides de fric à tous les carrefours. Toutes les gargotes sont tenues par des assassins-ninjas dangereux et hilarants à la fois (Marc Dacascos a la chance de tenir ce rôle en or). La fameuse monnaie en pièces d’or est fondue à l’ancienne à Casablanca. Les habitants de New York ne sont que des PNJ ne bronchant pas le moins du monde quand un gus se fait égorger et abandonner en plein hall de gare bondé. Est-ce que ce monde est sérieux ?!
John Wick 3 pousse tous les curseurs à fond
Même les tirades les plus absurdes, que n’importe qui prendrait pour de la grosse blague dans la vraie vie, sont en réalité des informations précieuses qui mériteraient qu’on vous tue pour les avoir entendues. Un mec dit : « va dans le désert et suis l’étoile polaire. Quand tu n’en peux plus de marcher, marche encore » ? John lui, il y va, dans le désert ! Et je ne vous dis que ça, car il faut voir la suite pour le croire ! Il faut vraiment vivre dans ce monde de cinglés pour penser une seule seconde que ces indications n’étaient pas une plaisanterie.
Et il y a plus qu’un pèlerinage digne de Lawrence d’Arabie (ou de Jesus II : le retour) pour nous donner des yeux ronds. Cette débilité prise au premier degré finit par payer. John Wick 3 est un vrai film d’action décomplexé, franc-du-collier et bien réalisé comme on n’en fait plus. On est agréablement surpris, et on rigole complice face à ces moments de pure stupidité impeccablement exécutés et assumés (comme le délire entre Halle Berry et ses chiens).
C’est simple : il n’y a quasiment aucun moment où on s’ennuie. Il y a presque toujours une idée pour donner de l’intérêt à un dialogue ou à une scène. En particulier, les scènes d’action passent enfin la troisième ! John Wick 3 ressemble ainsi plus que jamais à un jeu vidéo relançant constamment son gameplay par petites touches ici et là. Les gunfights ne se limitent plus à des clés de bras et des tirs à la tête, mais se permettent des invités canins, ou trouvent le moyen de priver John de son finish move favori.
Poing final
Voilà une franchise qui a fini par m’avoir. Après deux opus intéressants mais pas forcément formidables, John Wick 3 : Parabellum pète les plombs et lâche les chiens (littéralement !). Le résultat est un film propre et fun, dont les enjeux et l’intérêt s’élèvent enfin. Inventif, il est incontestablement l’un des meilleurs films d’action de ces dernières années. En revanche, si l’ami des chiens revient pour un quatrième opus, je lui souhaite bien du courage pour nous surprendre à nouveau. La barre est placée haut.
LES + :
- Un délire, une absurdité, une connerie parfaitement assumées et qui renvoient à l’âge d’or du film d’action fendard et décontract’.
- Une implication, un talent technique et une inventivité réjouissants.
LES – :
- Comme Mission : Impossible 6 récemment, certains gunfights de John Wick 3 s’étirent peut-être un peu trop en longueur malgré leurs bonnes idées. Attention à ne pas trop tirer sur l’élastique de peur qu’il ne pète…