jason bourneJason Bourne (Matt Damon) vit en marge de la société, dix ans après avoir rendu public le programme d’assassins surentraînés auquel il avait appartenu. Pas encore trop en paix dans sa tête, il tente d’oublier ses souvenirs douloureux en participant à des combats clandestins. Mais ses tourments vont s’amplifier quand une vieille connaissance, Nicky Parsons (Julia Stiles), lui apporte des fichiers cryptés volés à la CIA. La jeune femme veut que Jason l’aide à les dévoiler au monde entier, prétendant pour le convaincre avoir découvert sur son passé beaucoup plus de choses que lui ne se rappelle. C’est vrai, Bourne se souvient de son passé. Mais si ce dernier reposait sur un mensonge ?

Il n’était sans doute pas nécessaire de tirer l’ex-espion amnésique de sa retraite des écrans de cinéma. A l’instar de John Rambo à la fin du film éponyme, le héros de Robert Ludlum revisité par Matt Damon et Paul Greengrass avait su boucler sa boucle d’une manière assez juste et avec un impact non négligeable sur le genre action tout entier. Pourtant certaines zones d’ombres demeuraient autour de Jason Bourne, ou plutôt de David Webb : si l’on apprenait comment, on ignorait encore (dans sa version cinéma en tout cas) pourquoi cet homme avait renoncé à son passé pour devenir cette redoutable machine à tuer.

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Des origines décevantes pour Jason Bourne

Jason Bourne le film nous éclaire aujourd’hui avec une certaine maladresse, si ce n’est pas carrément du désintérêt de la part des auteurs pour leur héros. Car si le duo Damon-Greengrass avait résisté aux sirènes des studios, prétendant ne pas avoir envie de livrer une suite à moins d’avoir une bonne histoire, ce quatrième opus canonique sonne comme un désaveu malgré ses qualités indéniables, la faute à deux écueils qui, s’ils ne font pas un mauvais film, en font un échec à l’évolution de la franchise après toutes ces années d’attente.

Premier problème : l’intrigue, avec son ambition de porter le héros sur de nouveaux territoires. Actualiser son contexte (émeutes en Grèce, références à Snowden et à la cyber surveillance excessive) ne suffit pas à actualiser Bourne lui-même, même si le film met clairement en avant la confrontation entre anciennes et nouvelles méthodes, vieille et jeune mentalités. Un symbolisme d’ailleurs étonnamment plus présent dans cet opus, et pas seulement dans son casting (Alicia Vikander en jeune louve face au vieux lion Tommy Lee Jones) mais également à travers ces plans sur le Capitole en rénovation et recouvert d’échafaudages.

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De la poudre aux yeux

Sauf que le film abuse de magie technologique, avec son jargon à lui et des applications exagérées, presque parodiques, se retournant parfois contre les incohérences de la franchise (on se demande plus que jamais comment Bourne peut passer à ce point inaperçu dans autant de lieux publics). Si la quête des origines était bien le mince fil rouge reliant les opus précédents, elle n’est ici qu’un enjeu secondaire greffé à cette conspiration cyber politique impliquant les magouilles entre l’Agence et un pseudo-Facebook.

Histoire de rendre ceci plus excitant, Damon et Greengrass cette fois au scénario optent curieusement pour des ficelles de pure série B, quitte à mettre en péril la vraisemblance. Ainsi le héros est-il personnellement lié à la création même du programme Treadstone ! Et quelle chance que l’Atout (Vincent Cassel), aux répliques d’ailleurs très peu inspirées, soit si intimement lié au passé de David Webb/Jason Bourne ! Peut-être faut-il y voir une tentative de palier sur le papier à un autre problème : celui d’être le digne rejeton de ses prédécesseurs, malheureusement sans nouveauté formelle à apporter au genre.

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Un style qui ne surprend plus

En presque une décennie, ce style “documentaire” aura fait les beaux jours de bien des productions, du blockbuster maousse (dont récemment Captain America : Civil War) aux DTV au rabais tournés en Europe de l’Est. Et s’il semble gagner un peu en lisibilité par rapport à La Vengeance dans la peau, Jason Bourne ne renouvelle jamais la formule. Pire : ses morceaux de bravoure, même si parfaitement découpés, sentent le réchauffé. La poursuite en Grèce est à la fois spectaculaire, tendue et lisible, mais s’inspire de et condense pas moins de quatre scènes clés de la tétralogie (oui, y compris The Bourne Legacy, l’opus décrié de Tony Gilroy). Et après une poursuite motorisée en plein Las Vegas, bien menée mais sans surprise, difficile de s’enthousiasmer pour un règlement de compte entre deux lascars dans un tunnel d’égouts, digne d’un opus vidéo de Jean-Claude Van Damme.

Si la saga ne s’est pas encore franchement égarée (contrairement à d’autres), elle fait aujourd’hui du surplace, même si elle corrige le tir après l’opus de travers avec Jeremy Renner. Il serait peut-être temps soit de s’arrêter, soit de se renouveler, mais cela signifierait injecter un grain de folie et d’inventivité dans la vie de cet anti-héros dont la seule originalité, celle d’être amnésique, lui fait aujourd’hui défaut.

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PS

Signe d’une orientation bis prévue de longue date par les producteurs, ajoutons qu’il n’est pas impossible de voir se télescoper la saga et son spin-off. Les fichiers volés par Nicky contiennent en effet les noms des programmes impliqués dans l’aventure Jason Bourne : L’Héritage. A l’heure des cross-over, prequel, reboot et autres versus, la production a probablement déjà sa petite idée quant à comment amener les deux super agents à se rencontrer.

Mais pour une telle entreprise, peut-être qu’il serait temps de passer la barre à un autre metteur en scène. Pour l’anecdote, Justin Lin, réalisateur énergique et inventif des Fast & Furious 3 à 6, avait été approché pour la suite des aventures d’Aaron Cross, jusqu’à finalement partir réaliser le dernier Star Trek – Sans limites. Peut-être un gus de sa trempe insufflerait-il la niaque et le délire manquant cruellement à ce Jason Bourne indéniablement efficace, mais tellement générique…

LES + :

  • Ça n’a pas changé. Les qualités d’origine sont toujours présentes.

LES – :

  • Ça n’a pas changé. Aucune nouveauté n’est à signaler.

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