Dans Rise of the Tomb Raider, Lara « Craft » is back, en quête cette fois du royaume légendaire de Kitej, perdu quelque part en Sibérie. Une légende à laquelle son défunt père a sacrifié sa vie et ses recherches avant d’en avoir marre d’être la risée de la profession. Ce que Croft fille recherche réellement, c’est le secret de la vie éternelle. Malheureusement, cette immortalité est également convoitée par les Trinitaires, une armée de cathos fêlés, qui ont toutefois eu la bonne idée de débarquer en hélicoptères plutôt que de grimper à la dure comme notre riche héritière (elle pourrait allonger la monnaie de temps en temps). Lara doit maintenant bander son arc et chauffer son piolet si elle veut doubler ses adversaires, surtout que les habitants du coin ne vont pas se laisser emmerder comme ça…
Un an après l’exclusivité X-Box, voici la ressortie sur PS4 de la suite du reboot de Tomb Raider, cette fois dans une édition complète et probablement définitive. Arrivé à l’origine AVANT Uncharted 4 (il est important de le rappeler), on réalise aujourd’hui davantage la différence qui marque les deux franchises phares de l’action-aventure à la troisième personne, sans doute similaires dans leur forme mais différentes dans leur approche du jeu vidéo.
Rise of the Tomb Raider : NO-rigin story
Après le tintamarre orgiaque du premier, on s’attendait avec Rise of the Tomb Raider à de la surenchère dans tous les coins, à l’image de la série concurrente de Naughty Dog et de ses Uncharted 2 puis 3 toujours plus spectaculaires. Et spectaculaire, Tomb Raider 2013 l’était assurément. Action packed à l’excès avec moult passages bourrins (le saut en parachute, les avions qui s’écrasent, les plateformes en métal qui s’effondrent…), il était en plus gore à outrance dès son introduction « à la Resident Evil » histoire de dire que non, au contraire d’un Nathan Drake goguenard, Lara ne va pas rigoler. Tomb Raider était volontairement un chemin de croix pour son héroïne, une origin story trash permettant au passage une révision de gameplay.
Sauf que voilà, comme tout était dit dans le premier, Rise of the Tomb Raider n’a plus rien à raconter, sinon pour meubler. Lara a donc cette fois des comptes à régler avec son passé familial. Déterminée non plus à prouver sa valeur mais celle de son défunt père, il ne s’agit plus pour elle de se forger un caractère mais une réputation. En tout cas, ça, c’est pour le scénario. Pour ce qui est de son enfance et de son rapport père-fille, l’aventure principale se montre plus chiche en détails que le DLC Les Liens du Sang.
S’il n’est franchement pas avare en notes et autres magnétophones, Rise of the Tomb Raider ne propose pas une histoire recherchée ni des méchants mémorables. Les Trinitaires sont juste là pour se faire massacrer, et si on jubilera au détour d’un mémo qu’ils soient (peut-être) financés par la Vatican, la piste idéologique ou une quelconque motivation profonde seront tout bonnement ignorés (au profit d’un triangle personnel liant Lara et ses deux antagonistes principaux). Après un autre royaume perdu et un autre mythe d’immortalité, voici donc une nouvelle secte d’allumés… Ce n’est que le début des similarités.
Moins = bien
Ce Tomb Raider 2 « 2 » est en gros Tomb Raider 2013 en moins. Pas en moins BIEN, juste en moins. Il y a moins d’excès dans ce jeu, et ce n’est pas forcément pour son malheur, car il devient ainsi mieux dosé et rythmé. Il donne la part belle à la découverte poussée de maps encore plus vastes et de tombeaux plus nombreux, les moments gorasses se comptent sur les doigts d’une main tout comme les scènes de destruction massive.
Rise of the Tomb Raider donne l’impression d’une pierre dont les coins anguleux auraient été polis après nous avoir été montrée une première fois. C’est la même avec moins de matière, mais elle est plus belle à voir et plus agréable à prendre en main. C’est bien la première fois que je vois une suite plus sage que son prédécesseur. Certes, Uncharted le fit plus tôt cette année, mais après son quatrième volet tout de même.
Les créateurs de Rise of the Tomb Raider semblent avoir pris au pied de la lettre l’expression usuelle des suites : « c’est le premier en mieux ». En plus des points narratifs cités plus haut, l’impression de se retaper Tomb Raider 2013 est ponctuelle : Lara se mange des beignes douloureuses, démastique des méchants interchangeables à coup de finish dégueulasses, explore des cryptes, se sert d’un arc bien pratique dans 90% des cas, affronte dans le dernier quart des hordes d’immortels teigneux en armure et à la grosse voix, et même – nan mais sans blague ! – traverse un climax intégralement copié-collé sur le précédent opus.
Bref, comme sequel, Rise of the Tomb Raider est clairement moins « bien » que son grand frère. Mais comme « polissage » de ses angles, eh bien malgré la triste absence d’innovations, il est parfaitement réussi. Votre serviteur peut vous jurer qu’il a pris beaucoup plus de plaisir à explorer les ruines de Kitej et sa banlieue qu’à survivre dans celles du Japon de film d’horreur qu’était l’archipel de Yamatai (le moteur amélioré et un level design de toute beauté y ont beaucoup contribué).
In-NO-vation
Le gameplay est donc étoffé, mais les vraies innovations sont hélas absentes. Pire, là où le dernier né de la saga de Naughty Dog proposait de prendre enfin le volant d’un 4×4, ce nouveau jet de Tomb Raider ne nous permettra pas d’emprunter un quelconque véhicule, alors que Tomb Raider 2 sur Playstation 1 (en 1997, les gars) nous offrait déjà de prendre les commandes d’un jet ski.
Au lieu de cela, la plus grosse nouveauté de Rise of the Tomb Raider tient à pouvoir confectionner dans le feu de l’action des projectiles divers (grenades fumigènes, explosives, empoisonnées). Ce sentiment de manque provient peut-être de la façon de raisonner chacune des deux séries rivales, et des attentes que l’une (Uncharted) a fini par susciter dans l’inconscient des fans du genre.
Le gameplay entier des Uncharted emprunte aux codes cinématographiques, c’est une aventure pensée moins suivant des intentions de jeu que des idées de contextes. Chaque épisode se découpe en chapitres, comme un film sur DVD, auxquels il est ensuite possible de revenir à l’envie. Des chapitres qui en plus privilégient tour à tour un axe plutôt qu’un autre (exploration, réflexion ou action), assurant un renouvellement permanent des lieux et des objectifs. Rise of the Tomb Raider n’emprunte pour sa part qu’aux codes de représentation du cinéma, et non à ses codes narratifs. Il se borne à rester un jeu vidéo doté d’une histoire, au lieu d’être une histoire jouable en jeu vidéo. En tant que tel, il donne donc priorité au jeu plutôt qu’au récit et son découpage, lesquels sortis des cinématiques restent le choix du joueur.
Explorer, looter, crafter, acquérir de l’expérience est le cœur du gameplay, et on peut le faire à son propre rythme et dans l’ordre de son choix (cf. les téléportations via feux de camps et zones déblocables après améliorations). Si vous aimez autre chose que ça, vous vous êtes trompés de crèmerie. On rappelle qu’Uncharted 4 proposait d’ailleurs pour la première fois dans la série deux-trois chapitres en monde semi- ouvert, mais aux possibilités bien plus limitées que son rival.
A l’inverse, c’est vrai qu’il manque à Rise of the Tomb Raider quelques séquences scriptées « bigger than life » de plus, mais ses moments les plus libres sont probablement les plus intéressants et passionnants (hormis une excellente mise en bouche en Syrie servant aussi de tutoriel). En cela, cet opus se rapproche davantage de l’esprit Tomb Raider d’origine, avec en sus quelques motifs absents du remake de 2013 comme des pièges vicieux et des ours vénères, sans compter les pièces archéologiques et autres ruines à déchiffrer.
On y gagne quoi ?
Même si Rise of the Tomb Raider n’a pas changé depuis l’année dernière, tous les DLC et modes disponibles, dont un inédit, rallongent la durée de vie de manière fort appréciable. Après, c’est vrai que Le Cauchemar de Lara n’est qu’un mode zombie hérité de Call of Duty. Quant à Les Liens du Sang, il se résume seulement à explorer le manoir Croft en lisant des notes sur le passé familial. Il permet tout de même à ceux qui en ont deux poils à cirer d’étoffer la nouvelle mythologie du personnage, lui évitant cette fois d’être l’icône pop mais sans substance des débuts de la Playstation.
Et puisqu’on parle de la belle époque, une fois le jeu fini, pourquoi ne pas refaire l’aventure dans la peau de la Lara polygonée de partout des volumes précédents ? Il est à noter que, même s’il ne propose pas de chapitrage à la manière d’Uncharted, Rise of the Tomb Raider possède un mode offrant de le rejouer par étapes, en y ajoutant objectifs, avantages, handicaps ou encore… une grosse tête. On voit mal en quoi cette édition aurait pu être plus complète.
Rise of the Tomb Raider, en bref
Rise of the Tomb Raider n’a pas inventé l’eau tiède, mais il n’est pas le perdant dans un face-à-face supposé avec Uncharted. Au contraire, il assume sa différence : là où la série phare de Naughty Dog propose un récit balisé et survitaminé, monté comme un film avec X moments de bravoure, les nouvelles aventures de Lara Croft se calment par rapport à un premier volet trop calqué sur ce mode. L’obligation narrative maintenant loin derrière (réécrire les origines du personnage), les développeurs utilisent un prétexte fumeux pour littéralement refaire le premier volet mais en revenant au fondement de la série : l’exploration.
Certes les missions secondaires de Rise of the Tomb Raider sont répétitives et rarement surprenantes, les énigmes ne demandent toujours pas beaucoup de réflexion et la difficulté de certains gunfights tient du foutage de gueule. Mais le joueur peut prendre son temps (et du plaisir) à découvrir des territoires immenses et des grottes obscures, à traverser des ruines oubliées, à affronter des animaux sauvages, ou encore à s’émerveiller de mosaïques anciennes révélées à la lumière de sa torche. Et puis il y a Lara, qui n’a jamais été si belle, si forte et si fragile à la fois.
LES – :
- Manque de passages cultes.
- Manque de véhicules.
- Et surtout, manque de nouveautés de gameplay.
LES + :
- Se rapproche plus des origines que son prédécesseur.
- Des DLC, des modes et des skins en rafale.
- « C’est pas un film, c’est une aventure. » ^^