Attention : test réalisé sans le Playstation VR… et c’est bien dommage. Et aussi, spoilers (un peu).

Dulvey, Louisiane. Ethan a traversé le pays en voiture pour sonner à la porte de la famille Baker, une ferme perdue en plein cœur du bayou. Ethan est venu jusqu’ici poussé par l’appel au secours qu’il a reçu de sa femme Mia, portée disparue depuis trois ans déjà. Ethan est seul, il ne sait pas quel est cet endroit ni ce qui l’attend à l’intérieur. Et vous ? Parce que figurez-vous qu’Ethan, c’est vous. Pour la première fois, dans Resident Evil VII, vous n’êtes pas un soldat que vous suivez à la troisième personne mais un citoyen lambda sans super pouvoirs contrôlé en vue subjective. Et malgré tout ce que vous croyez savoir, les Baker ne sont pas des zombies. Ce sont des fous furieux vénères increvables et violents, bien décidés à vous adopter vivant… ou mort. Pourquoi sont-ils devenus comme ça ? Qu’ont-ils fait de Mia ? Et surtout comment leur échapper ? « Bienvenue dans la famille, fiston ! »

Perspective d’avenir

Depuis Resident Evil 1 en 1996, le monde de l’horreur vidéoludique a vu défiler nombre d’œuvres emblématiques. Après avoir tenté tous les décors jusqu’à explorer les frontières de la folie avec la série Silent Hill, ce sont ses perspectives que le genre a transformées pour procurer de nouvelles frayeurs. D’abord en 2005, quand Resident Evil 4 colla sa vue troisième personne dans le dos de son héros pour ne plus le lâcher (en plus d’un dynamisme digne d’un film d’action). Depuis, la saga de Capcom aura perdu de sa superbe. Shinji Mikami, le créateur de Résident 1 et 4, quitta le navire pour finir par pondre le très opportuniste et fourre-tout The Evil Within, tandis que la série qu’il avait initiée allait muter en ersatz de Gears of War (Resident Evil 5 et 6). L’horreur, la vraie, prendrait place maintenant dans l’espace (Dead Space). La « révolution » suivante se fit du côté des jeux indépendants, adoptant la vue à la première personne généralement réservée aux shooters, et a priori incompatibles avec la terreur.

C’est oublier que le papy du genre, Doom, était déjà gore, malsain et flippant. Sauf que Outlast, Amnesia ou Soma par exemple, sont des jeux basés sur l’exploration, l’isolation et l’impuissance, ne laissant aucune possibilité à part s’enfuir et se cacher, en priant pour ne pas être débusqué. C’est dire si l’annonce surprise d’un Resident Evil VII en vue subjective n’en était pas vraiment une. Acculé dans les cordes, Capcom n’avait d’autre choix que de changer la donne, cette fois par contre avec un train de retard sur la concurrence. Surtout que Silent Hills P.T. (la tétanisante démo jouable du projet mort-né de Hideo Kojima) était passé par là.

Bienvenue chez les Baker…

Ciné qua non

Pour revoir sa copie, l’éditeur devait aussi revoir ses influences en profondeur. Certes la concurrence avait innové, mais le genre en général (et Resident Evil tout particulièrement) a toujours été nourri par le cinéma. Et depuis RE 1 il y a vingt ans, de nouvelles œuvres ont traumatisé les grands écrans… et à leur tour les jeux vidéo. En 1996, Resident Evil avait beau être le jeu le plus flippant du monde, il sentait bon la série B tendance Z, en témoignaient les accoutrements ringards de ses protagonistes, ses doublages d’amateurs, et surtout cette vidéo d’intro fauchée restée dans les mémoires. Mais bon, on n’avait jamais joué de façon aussi convaincante à La Nuit des Morts-Vivants, The Thing ou encore Alien.

Depuis le temps, les jeux d’horreur se prennent beaucoup plus au sérieux, et ce sont The Ring, Saw ou Le Projet Blair Witch qui ont marqué durablement les esprits. Malheureusement, le titre original de RE (Bio Hazard, soit « risque biologique ») ne laissant aucune place au fantastique surnaturel, la saga se noya peu à peu dans une géopolitique confuse à base de complots, organisations et bioterrorisme à échelle mondiale. Sans pour autant générer de mauvais jeux, elle avait muté tels les monstres de son lore, abandonnant l’enfermement, l’horreur graphique et la peur de mourir, ainsi que ses références classiques. A chaque itération de la série, le plaisir nostalgique de revivre nos films de chevet comme nos premières frayeurs de joueur s’envolait un peu plus. Mais ça, c’était avant.

Une séquence qui rappelle des souvenirs autres que la franchise Resident Evil.  “Sois des nôtres, Ash… euh, Ethan !”

Resident Evil VII en un mot : « Groovy ! »

Si l’on se rend compte d’une chose passée la première heure de Resident Evil VII, c’est que finalement, Massacre à la tronçonneuse plante seulement le décor. Cette aventure ne fait que lui emprunter sa baraque moisie jonchée de bric-à-brac et de morceaux de bidoche, ainsi que sa famille de rednecks ravagés et férocement territoriaux. Mais plutôt que la terreur malsaine instaurée par un quotidien sorti de ses gonds (via la famille Baker), ce nouveau millésime cherche son inspiration et surtout sa voie du côté de l’horreur fun. L’introduction est un hommage flagrant au Evil Dead de Sam Raimi, de l’arrivée du héros en voiture vintage couleur crème jusqu’au tronçonnage occasionnel de membres, en passant par la bicoque isolée en pleine nature ou encore ces gens « possédés » à la gueule et la voix déformées. Même les réflexions de votre avatar sans visage ne manqueront pas d’une pointe d’ironie, pas forcément malvenue pour décompresser avant/après un combat de boss non moins “raimiesque” (aaaah, Marguerite).

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Quand on voit les ennemis rencontrés, la place est plus au grotesque qu’à l’horreur pure, mais on ne peut pas nier au jeu son efficacité de train fantôme. Resident Evil VII n’est pas innovant ni traumatisant (sauf en VR, mais chacun son budget), en revanche il est sacrément fun à traverser. Le vrai stress ressenti durant la partie de cache-cache avec les increvables Baker ne dure d’ailleurs que le temps de trouver un bon fusil à pompe des familles.

Après cela, Resident Evil VII redevient RE, certes, mais avec des jump scares et influences parfaitement exploitées, voire sublimées par le procédé tout cinématographique de la vue subjective. Un procédé de jeux « fauchés » diront les mauvaises langues, puisque exploité depuis des années par les jeux d’horreur et d’angoisse indépendants (si l’on excepte le très stressant Alien Isolation). Mais grâce à des références aux puzzles et environnements du jeu de 1996, Resident Evil VII donne la forte impression aux fans de le revive à la première personne, fantasme malsain de longue date.

RESIDENT EVIL 7 biohazard_20170130205030La famille Baker est aussi flippante qu’increvable. Que les fans se rassurent, quelques monstres du cru sont aussi de la fête…

Zéro défaut ?

Malgré un kiff évident, on compte quand même pas mal de défauts dans Resident Evil VII. A commencer par une technique très satisfaisante mais pas bluffante, la taille du jeu parlant pour elle (moins de trente gigas). Pour pouvoir être compatible VR, paraît-il qu’il a fallu limiter les capacités d’affichage et le moteur de la bête. Dommage, car au cours de mes parties il m’est arrivé de voir de près certaines textures n’ayant pas eu le temps de finir de charger (oooh, les beaux pixels du cadran de l’horlooooge). Fort heureusement, il suffit de détourner les yeux un instant pour laisser finir le travail. En matière de gestion de l’éclairage et d’ambiance sonore en revanche, éteignez la lumière et faites péter le son, on s’y croit totalement. Des points négatifs comme positifs qu’avait déjà confirmé la démo sortie quelques mois plus tôt.

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Au rang des regrets également, les apparitions des Baker sont aussi scriptées que celles du Némésis il y a vingt ans, rendant prévisibles leurs déplacements une fois passés les « surprises » de rigueur. Des procédés absents de la deuxième partie du jeu, et surtout de son final bourrin, précipité et accumulant les poncifs de la série (même si on sera content pour une fois d’échapper à l’éternel compte à rebours). Comme dit plus haut, après la perte de repères des premières heures, cela redevient du RE et nous empêtre dans ses ficelles les plus routinières. Malgré la présence du scénariste de FEAR au générique, ce dernier n’a donc pu changer radicalement la donne, malgré l’ajout de son thème fétiche (et lui aussi récurrent) de la petite fille malveillante.

RESIDENT EVIL 7 biohazard_20170128230232Une gamine maléfique, quelque part entre FEAR et The Ring. Quel rapport avec Resident Evil… ?

Plus, problématique est l’idée de trouver de ci de là des VHS enregistrées par des malheureux passés par là avant vous. Toute géniale qu’elle soit, permettant tour à tour de résoudre des puzzles, découvrir des environnements ou dévoiler des pans de l’intrigue, cette idée se heurte aux mêmes écueils que les trois quarts des représentants du genre (le found footage) au cinéma : plus vous trouverez de K7, plus les circonstances dans lesquelles elles auront été enregistrées paraîtront douteuses, voire carrément impossibles. Heureusement qu’on est dans un jeu vidéo, la suspension d’incrédulité y est toujours plus forte…

Enfin, rayon gameplay, les aficionados sont en terrain conquis, puisque les trouvailles des premiers opus ont été réintégrées (salles des coffres, munitions améliorées, récompenses à débloquer). On regrette en revanche que le bestiaire soit le plus pauvre de toute la franchise, en plus d’être dénué d’originalité comparé à la concurrence. Un peu plus d’inventivité aurait sûrement garanti quelques heures et frayeurs en plus. Fort heureusement, pour les courageux, le mode Survie relève le niveau. Il s’avère même plus stressant une fois le mode Normal bouclé, puisqu’en plus de la difficulté sérieusement relevée, les emplacements des items (plus rares) comme des ennemis (plus rapides et résistants) ont été modifiés. Cela complique bien la vie du joueur qui se croyait pourtant rodé.

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Bilan sanguin

C’est la nostalgie qui domine dans Resident Evil VII, autant celle du cinéphile (nourri à Massacre à la tronçonneuse, Evil Dead, Saw, ou encore Rec) que celle des premières heures de la franchise. Des défauts ou oublis volontaires entachent peut-être un peu le plaisir de jeu (bestiaire fauché, compromis technique, incohérences et raccourcis scénaristiques) mais on connaît Capcom et l’industrie en général : il ne faut jamais griller toutes ses cartouches tout de suite.

Après tout, Resident Evil VII ne fait que tâter le terrain pour une nouvelle orientation de la série. Après un résultat plus que convaincant, nul doute que les concepteurs reverront leur copie pour offrir aux joueurs une expérience encore plus immersive et jouissive. On patientera avec les inévitables DLC délivrés au compte-goutte dans le courant de l’année… « Give me some sugar, baby ! »

LES + :

  • RESIDENT EVIL : LE RE-RE-RETOUR !
  • Une ambiance soignée.
  • Des influences parfaitement digérées.
  • Une durée de vie et une rejouabilité très convenables.
  • C’est fun !

LES – :

  • RESIDENT EVIL : LE RE-RE-REFAISAGE !
  • Plus de variétés de monstres auraient été les bienvenues.
  • Un scénario à la fois convenu et confus.
  • Une suspension d’incrédulité sérieusement malmenée.

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