Vous connaissez ces jeux sur lesquels vous avez bavé petit et n’aviez pas pu jouer ? Il n’est jamais trop tard pour se rattraper. Doom Eternal arrivant bientôt, je fais aujourd’hui connaissance avec Doom 3, dans sa « BFG Edition » sur Xbox 360. Vous avez peur du noir, de l’au-delà et des jump scares aussi abondants qu’efficaces ? Bienvenue sur Mars, mais surtout, bienvenue en Enfer !
Après avoir suscité une sacrée attente, Doom 3 sortit sur PC en 2004, puis l’année suivante sur la première console Xbox. Dans la numérologie, il fait suite à Doom II sorti en 1994, mais il constitue plus une réinvention qu’une continuation. En dix ans, le développeur Id Software était déjà revenu au « first person shooter » avec notamment Final Doom en 1996 (sorte d’extension de Doom II), Quake en 1996 (premier FPS en vraie 3D) et Return to Castle Wolfenstein en 2001 (suite/reboot du Wolfenstein 3D de 1992). Bref, des gens qui ont de l’expérience dans le genre, mais aussi pour prendre leur temps à pondre une suite.
Tu te casses sur Mars
Doom 3 a plus d’ambition narrative que ses aînés. On sent que Half Life et sa narration révolutionnaire sont passés par là. On commence donc sur Mars dans la peau de « Marine », qui n’a pas la chance d’avoir de nom. Mais il a au moins le mérite d’avoir une gueule, que vous aurez le droit de voir au cours des rares cinématiques du jeu. Fraîchement débarqué d’une navette en compagnie d’un scientifique et de son garde du corps, vous passez les quinze premières minutes de l’aventure à faire votre vie de votre côté, visitant les coursives de la station.
De leur côté, le savant et la brute sont venus intimider le responsable de la division R&D des lieux, le Dr Betruger. Le bonhomme est responsable d’un peu trop de dérapages au cours des expériences secrètes qu’il est censé mener ici. Il est donc temps de le recadrer. Mais avec sa tronche de génie du Mal et ses propos méprisants, on sent qu’il va très vite poser problème. Alors que de notre côté, on n’y croyait plus, lassé de nos parties de Super Turbo Turkey Puncher 3 (véridique), le chaos arrive enfin. La station tremble, les lumières vacillent, et des têtes volantes en feu traversent les murs sous vos yeux. Ah oui, et le type près de vous se transforme en zombie.
Voilà, le train fantôme est parti. Parce que tout le monde est nul dans l’armée sauf vous, le reste des troufions sont maintenant tous morts ou possédés. Et en plus, des monstres vérolés commencent à se manifester. Il va falloir pacifier la station, arrêter Betruger, et ainsi empêcher l’Enfer de continuer à jeter ses ordures dans notre dimension.
Mars a la classe
Doom 3 a vieilli. Quelques modifications ont été apportées dans cette « BFG Edition », mais on sent que quinze années ont passé. Surtout quand on s’attarde sur les modèles et visages des humains peuplant la station. Hormis les personnages principaux, tous les techniciens et scientifiques sont sortis des trois mêmes moules (mêmes têtes et démarche raide). Mais reprocher ce genre de chose, ce serait comme reprocher au premier Super Mario Bros. son esthétique « pixel art ».
Le relatif problème de cette édition, c’est qu’elle est apparue en 2012, huit ans après la sortie initiale. C’est vraiment dommage que le hit d’Id Software n’ait pas bénéficié d’un meilleur traitement « remaster ». Après enquête, il paraît que certains effets de la version d’origine ont même disparu. On pense notamment aux effets dynamiques provoqués par les tirs de vos armes. Vos roquettes et autres boules de plasma illuminaient jadis les corridors de flashs jaunes et bleus en temps réels, mais plus dans cette version console. Pourquoi ? On ne sait pas.
Ne faisons pas la fine bouche, car niveau ambiance, Doom 3 a toujours la classe. Le design tant visuel que sonore, n’a pas pris une ride. Malgré la répétitivité des coursives, la tension est permanente. On a le doit à un son véritablement enveloppant, et à une obscurité prononcée nécessitant l’usage de la torche pour avancer. Les éclairages sont également soignés, vous baignant toujours de rouge ou de vert quand vous passez à proximité. Vous aurez la chance de voir parfois la surface de la planète rouge à travers une fenêtre, ou en empruntant une brève section en extérieur (avec un oxygène très réduit). Limitations techniques obligent, son rendu est un peu moins convaincant. Mais même avec des textures à peine mieux rendues, on oublie que Doom 3 a quinze ans une fois lancé dedans.
Dans Doom 3, Mars te casse
Rayon gameplay, Doom 3 n’est pas un survival horror, à moins de faire le jeu dans son pire mode de difficulté. Linéaire, on s’y balade de pièce en corridor, à blaster le premier truc qui passe à portée. Mais le level design est pensé pour vous en faire baver, et il sait rendre hommage à ses aînés tout en proposant sa propre formule. Dans Doom I et II, vous aviez affaire à des hordes déchaînées dans des environnements souvent larges permettant la mobilité. Ici, vous devrez affronter quelques grappes de monstres dans des mini arènes tarabiscotées et claustrophobiques. Ces contraintes étaient le prix à payer pour avoir un beau jeu à l’époque. Mais elles ont le mérite de renforcer le sentiment d’isolement et de vulnérabilité.
Du coup, Doom 3 fait aussi vieillot dans son approche, privilégiant l’effet à la plausibilité. Les monstres sont des farceurs. Comme jadis, ils attendent souvent que vous soyez passé pour surgir brusquement d’un placard. Mais d’autres fois, il s’agit d’un zombie planqué derrière une rangée de serveurs, dans un angle de pièce noyé dans la pénombre, ou carrément dans un renfoncement que vous n’aviez pas vu. Et des fois, juste des fois, il s’agit d’un Imp qui vous attendait bêtement derrière la prochaine porte, prêt à sauter sans espoir de l’éviter. Oui, c’est cheap, mais la perfection n’est pas de ce monde.
Malgré l’improbabilité du procédé, les jump scares sont efficaces, fruits d’un level design brillant. Il est pensé pour multiplier les angles morts et vous rendre vulnérable à votre insu. Moralité : ne passez pas trop vite, et éclairez tous les coins sombres avec votre lampe torche. D’autant que les sales bêtes vous attendant au tournant sont toutes merveilleusement modélisées. Ce serait dommage de les rater.
Des changements qui passent
Le plus gros changement apporté au gameplay de Doom 3 répond à un reproche fait au jeu original : l’usage de la lampe de poche. Vous voyez, Marine était stupide. Il ne pouvait pas porter sa torche en même temps qu’un flingue. Aberrant ? Probablement, mais pas plus que des morts-vivants planqués dans les murs à vous attendre gentiment. Du coup, la « BFG Edition » vous affuble à la place d’une lampe épaulée, qui vous permet d’éclairer en même temps que vous tenez votre pétoire.
Les puristes ont tout à fait le droit de râler. L’usage séparé de la lampe ou d’une arme était une clé du gameplay original. Si vous vouliez voir où vous alliez, il fallait vous démunir de toute protection. Vous aviez peur d’avancer. Surtout dans certaines sections plongées dans un noir ABSOLU, à suivre un robot, un scientifique ou un container tenant littéralement la chandelle à votre place. En tant que joueur ayant découvert cette version modifiée, est-ce que cela a nui à l’expérience dans son ensemble ? J’avoue que je n’ai pas trouvé. L’impact de la plupart des jump scares n’en est pas amoindri. Et vous restez toujours coupable de n’avoir pas allumé votre lampe pour voir si oui ou non un salaud vous attendait dans l’obscurité.
La progression est probablement un peu facilitée par cette nouvelle mécanique. Tout au plus peut-on regretter de ne pas pouvoir choisir de faire le jeu avec la configuration d’origine. Cela permettrait de juger de la pertinence du changement ou non. À part cela, le bruit du fusil à pompe a soi-disant été refait. Mais globalement, on regrette le manque de patate des armes, et même leur inconstance dans certains cas. Il n’est pas rare de one-shoter un Imp au pompeux, mais de devoir le décharger entièrement sur un autre. Encore une étrangeté que cette édition aurait pu corriger.
Si t’en as pas marre de Mars
Cette « BFG Edition » a le bon goût de regrouper les deux packs d’extension sortis entre-temps, à savoir Resurrection of Evil et Lost Mission. Le premier prolonge le plaisir dans une suite et fin du jeu original, un peu plus orientée action. Deux ans après Doom 3, la compagnie retourne sur Mars explorer les restes de la station. On y découvre un artefact qui ouvre une nouvelle fois les portes de l’Enfer, et c’est à un autre « Marine » de réparer les dégâts. Les ajouts sont superficiels, comme un fusil anti-gravité hérité de Half Life, mais la campagne garantit au moins trois heures de carnage réjouissant. Lost Mission est quant à lui plus oubliable, simple succession de couloirs traversés dans la peau d’un troufion lambda. Le challenge est là, mais l’intérêt beaucoup moins. On finit par se lasser de Mars.
Enfin, vous pouvez vous plonger ou replonger dans Doom I et II, ou plus précisément Ultimate Doom et Doom II, le premier étant la réédition de l’original en 1995. Il est important de noter que depuis leur sortie, la censure est passée par là. Les deux jeux souffrent de micro modifications qui n’impactent pas le gameplay, mais demeurent regrettables pour un puriste. À certains endroits, des motifs en forme de croix gammée ont disparu ou ont été redessinés. Et la croix rouge sur les boîtes de soin a été remplacée par une pilule. Un changement dû cette fois à la vraie Croix Rouge, qui n’a pas aimé que son symbole humanitaire soit associé à un jeu d’une telle sauvagerie. Quelque part, on les comprend…
Doom 3 en bref
Il aurait été dommage de passer à côté de Doom 3, même si cette « BFG Edition » dénature quelque peu le jeu d’origine. Le soft demeure une perle d’ambiance et un vrai jeu d’horreur, qui distille davantage le malaise à mesure que l’Enfer et ses flots de sang envahissent les couloirs. Aussi, il prouve que même si les années passent, un bon jeu le restera toujours si technique et design travaillent de concert.
Le challenge est toujours bien présent pour qui aime tracer son chemin à grands coups de shotgun. Et les extensions + les deux premiers jeux en éditions complètes garantissent de longues heures de carnage. Enfin, cet opus « transitoire » dans la franchise permet un peu mieux de cerner comment les développeurs ont abouti au monstrueux Doom 2016, à la fois gore et beau comme Doom 3 mais immense et nerveux comme ses aïeux.