Dans Shadow of the Tomb Raider, Lara Croft part en Amérique du Sud pour retrouver une boîte en argent (dont on ne saura rien de plus, vraiment). L’artefact est convoité par la sinistre organisation Trinity, parce qu’il aurait dit-on le pouvoir de changer le monde (comment, on ne le saura jamais non plus). Prouvant dans le prologue qu’elle est plus une touriste suicidaire qu’une exploratrice, Lara déclenche l’Apocalypse maya, en piquant un couteau mystique là où il ne fallait pas. Après avoir provoqué quelques milliers de morts, dont elle ne se remet pas si mal que ça, la gourde se rend au Pérou pour trouver la fameuse boîte maudite. Sinon, ce sera vraiment la fin du monde, à moins qu’elle ou Trinity ne mette la main dessus en premier et refaçonne le monde selon sa volonté…
Sa formule rebootée en 2013, puis affinée en 2015, la franchise Tomb Raider revient pour l’ultime épisode de cette nouvelle trilogie. Excitant ? Ça devrait, mais non. Décevant alors ? Pas complètement mais quand même. Comme avec l’épisode Underworld en son temps, cette nouvelle conclusion à la saga s’embourbe dans une histoire simple et confuse à la fois. Quant au gameplay, il n’exploite proprement aucune de ses nouveautés.
Laisse tomb-raid-er…
Shadow of the Tomb Raider nous vient de Eidos Montréal plutôt que l’équipe d’origine. On a donc naturellement tiré à boulet rouge sur les « boulets » de développeurs. C’est vrai, quoi. Ils se sont forcément reposés sur les acquis de la franchise au lieu de chercher à proposer du neuf. C’est vrai et faux en même temps. Ou disons plutôt qu’on sent l’ambition et les talents en présence, mais que le jeu affiche un surprenant manque de finition.
Il ne faut pas s’égarer : techniquement, le jeu est sublime, et le monde proposé est très travaillé. A tel point qu’un carton au début nous avertit que de vrais experts en culture sud-américaine ont travaillé dessus. Quant à l’équipe de développement, elle est « pluriethnique, issue de plusieurs religions, etc. ». Ce n’est pas le nouvel Assassin’s Creed, et pourtant, on nous prévient tout de suite qu’il y a de la recherche et du talent. Et cela se voit dans les multiples notes trouvées sur votre chemin, les langues locales parlées par les autochtones ou encore la beauté et le réalisme renversant des cités perdues traversées. Deux pouces levés, les gars.
Amer d’alors…
Le souci ne vient pas du côté du moteur ni de l’esthétique du jeu. Et ce même si, honnêtement, les animations de Lara ne sont parfois pas aussi bien décomposées que celle de Nathan Drake dans Uncharted. J’ai pu aussi remarquer avoir été confronté une seule fois de tout le jeu au même temps de chargement étrange, ceci toujours en arrivant via un « couloir » en pleine jungle, en l’empruntant uniquement dans un sens et pas dans l’autre ! Boarf, pas de quoi suer, le reste est parfaitement maîtrisé.
Non. Ce qui rend amer, ce sont deux choses. D’une part, un scénario qui recycle toutes les ficelles et rebondissements de Rise…, déjà lui-même complètement calqué sur le premier volet de 2013. A l’époque (test ici), Rise of the Tomb Raider donnait l’impression de faire la même mais en mieux (plus équilibré, plus beau, plus grand et plus varié). Aujourd’hui, Shadow… nous refait strictement la même, mais cette fois, ça le fait moins bien.
Histoire (pas) drôle
Rayon scénario, c’est traité par dessus la jambe. On comprend que dans un jeu vidéo, l’histoire est très souvent sujette à raccourcis ou incohérences, tant qu’elles profitent au gameplay. Mais dans Shadow of the Tomb Raider, tout sent le monté vite fait façon Ikea. Déjà le fait qu’on se retrouve en Amérique du Sud, le plus routinier de tous les décors, ce qui nous donne un sentiment de régression depuis les très surprenants royaumes de Yamatai et Kitej.
Mais en plus, sa trame scénaristique ressemble à un beau bordel assemblé à l’envie, depuis le prologue in medias res, qui nous perd sans raison, jusqu’aux méchants de cet opus. C’était bien la peine d’introduire les Trinitaires, mais à la fin de Shadow of Tomb Raider, on a l’impression qu’on avait pas besoin d’eux : que ce soit leur chef aux origines et intentions contradictoires, ou la tension construite autour du gars qui a tué le père de Lara, tout finit de façon anticlimactique et/ou anonyme (j’avais même pas remarqué que le fameux homme de main avait été tué au cours d’une cinématique!). Faire monter la sauce pour rien, c’est nouveau, je connaissais pas.
Quant au final, il copie-colle celui des précédents jeux, mais il s’expédie encore plus vite qu’avant. D’ailleurs, sorti des innombrables quêtes secondaires et autres tombeaux, l’histoire sera la plus courte à finir de toute la trilogie. Et puis comme pour la Source de l’épisode précédent, hein, attendez-vous à ne jamais savoir d’où vient cette foutue boîte ayant le pouvoir de refaire le monde… Bref, si vous jouez pour l’histoire, vous serez peiné.
Shadow of the Tomb Raider : des sensations pas assez extrêmes
S’il fallait résumer l’impression générale ressortant des deux opus précédents, ce serait ça : Tomb Raider 2013 en faisait trop (trop d’action over-the-top, trop de gore, trop de kills etc.), et Rise of the Tomb Raider arrondissait les angles (le même mais en mieux équilibré). Le problème de Shadow of the Tomb Raider, c’est qu’il n’en fait JAMAIS trop. Or, il n’offre déjà pas grand chose de plus.
Shadow… était annoncé comme un épisode noir et un peu plus porté sur la furtivité et l’action. Lara y gagnait clairement des compétences de Rambo et de Predator, capable de s’enduire de boue et de suspendre ses adversaires aux arbres. Mais le côté grisant d’un Splinter Cell ou de la série Batman Arkham ne se retrouve jamais ici. La faute en incombe à des affrontements finalement trop peu fréquents pour pouvoir vraiment s’éclater avec ces nouvelles possibilités, et des ennemis qui vous feront rapidement saigner des gencives dans les modes les plus difficiles.
Ça dé-méninge
Concluons au moins sur une note positive : l’exploration et les énigmes. Le cœur de la franchise depuis sa création est heureusement plus travaillé que jamais. J’ai personnellement pris beaucoup de plaisir à arpenter la jungle à la recherche de tous les trésors et tombeaux possibles. Ils vous feront encore plus tourner en rond en mode difficile.
Quant aux énigmes, un mode de difficulté leur est soi-disant dédié. Mais globalement, leur complexité ne vous fera pas trop-trop gamberger. Si vous aimez looter et soulever des leviers, tuer des jaguars (hem) et creuser dans la boue, etc. Shadow of the Tomb Raider est probablement le jeu pour vous.
For shadowing only
Shadow of the Tomb Raider n’est pas un mauvais jeu, vous vous en doutez. J’ai même l’impression de tirer dans le dos d’un homme à terre en en parlant de façon aussi négative. Mais la vérité est ce qu’elle est : le jeu a fait des promesses. Et il avait les ingrédients pour être une sombre et flamboyante conclusion à la nouvelle trilogie centrée sur Lara Croft. Malheureusement, il a trop mis l’accent sur son monde et son contexte (magnifiques et travaillés). En conséquence, il n’approfondit pas le contenu et la jouabilité déjà existants.
La saga Tomb Raider est vieille de plus de vingt ans. Or, ce dernier épisode se contente de singer les reboots sans vraies nouvelles idées. Il y avait pourtant de quoi piocher dans les jeux sortis depuis 1996 (j’hallucine : toujours pas de véhicules !? O_o). Comme on dit : « trompe-moi une fois, c’est ma faute, mais trompe-moi deux fois… »
LES + :
- Les nouvelles compétences de Lara…
- Une impression de retour aux origines…
- C’est super beau.
- Le jeu pousse l’exploration à fond.
LES – :
- … mais des compétences que le jeu n’exploite pas assez.
- … mais aussi l’impression de manquer d’imagination.
- Des méchants en carton.
- L’histoire tourne en rond.