Dead Space remake

Dans Dead Space remake, l’ingénieur Isaac Clarke arrive avec une équipe de secours à bord du vaisseau de forage spatial USG Ishimura. Toute communication a cessé peu de temps après l’entrée du « brise-surface » dans l’orbite de la planète Aegis VII. Ils ne sont pas là depuis cinq minutes que des hordes de monstres hargneux leur sautent dessus pour les étriper. Isaac s’enfuit de son côté. En contact radio avec ses camarades survivants, il va visiter les moindres recoins de l’Ishimura, réparant ce qui peut l’être et démembrant ce qui doit l’être. Il espère également retrouver sa compagne Nicole, en service à bord, et dont il est sans nouvelles. Les révélations vont mettre en lumière ce qui est arrivé à Nicole et à l’équipage. Les horreurs se tramant sur l’Ishimura seraient liées à une découverte inattendue sur Aegis VII, un monolithe d’origine alien…

Quinze ans, ça paraît court pour sortir le remake d’un jeu, surtout un aussi réputé et bien fichu que Dead Space. Pourtant, beaucoup attendaient la résurrection de la franchise depuis Dead Space 3 et les plaisanteries d’Electronic Arts avec le coop, les micro transactions et un gameplay solo déséquilibré. Ces mêmes fans en manque attendaient donc énormément The Callisto Protocol, sorti il y a un mois seulement. Bien qu’issu de l’esprit de Glen Schofield, le créateur même de Dead Space, ce nouveau jeu fut pour beaucoup une douche froide.

Le cas Callisto

Je n’attendais rien de The Callisto Protocol. La déception fut pourtant énorme. Le jeu de Striking Distance ressemblait à Dead Space s’il voulait être The Last of Us II. Il n’avait hélas rien de ces deux références, parce qu’il ne reprenait jamais ce qui faisait leur intérêt.

Techniquement, ça impressionnait, mais ce n’était pas transcendant, surtout sans aucune proposition esthétique marquante. Entre les performances qui chutaient à la première occasion, et des rideaux de douche rigides comme un mur de béton, on ne peut pas dire que l’immersion était top, sinon pour l’ambiance sonore.

On étrillait quatre variétés du même ennemi, des infectés copiés-collés de The Last of Us, avec de trèèèèès grosses repompes à Alien et The Thing. Sauf qu’on le faisait dans des couloirs étroits, pas aidé par un design répétitif. Dans les traces de The Evil Within, The Callisto Protocol voulait surtout faire peur aux hématophobes via un gore excessif, et confondait frissons et frustration. « Réalisme » oblige, votre personnage mettait une éternité à bouger, lever son arme, se soigner… Intentionnel, mais mal calculé. Les reproches des joueurs ont forcé le studio à patcher le jeu pour accélérer maladroitement certaines animations, et même ajouter un mode New Game +.

Rayon castagne, ce n’était justement que ça : des mécaniques de jeu de baston, la stratégie en moins. Le tout handicapé par des couloirs étroits et des chargements déguisés (glisser dans un interstice, ramper dans un conduit, et rebelote ad nauseam). La variété des armes et les possibilités tactiques permises dans Dead Space se faisaient également la malle. Et le « grip », qui remplaçait la stase, permettait moins d’interactivité que cette dernière quinze ans plus tôt.

Enfin, un mot sur l’histoire : néant. The Callisto Protocol ne racontait rien et restait sans surprise. On avait droit aux inévitables clichés, à des incohérences ou raccourcis, à des pistes jamais exploitées, et à une menace biologique plus du tout originale depuis Resident Evil en 1996.

Mauvais timing pour Dead Space remake ?

Cela ne veut pas dire que c’est idiot d’aimer The Callisto Protocol pour ce qu’il est. Mais on peut comprendre ceux qui ne l’ont pas aimé, justement à cause de ce qu’il n’est pas. Il n’est ni Dead Space ni The Last of Us. Seulement une œuvre assez pauvre et simpliste, érigée sur les bases posées par ces deux références. Sans le gampelay, le design et l’ambiance du premier, ni l’attention dans l’écriture du second, comment espérer se démarquer ?

Une impression aggravée quand on savait que le remake de Dead Space allait sortir un petit mois après. Le maître était de retour. Pour ceux qui avaient arpenté les corridors de l’USG Ishimura en 2008, ça émoustillait grandement, malgré des inquiétudes légitimes.

Il y avait trois issues possibles :

  • Dead Space remake allait bêtement refaire l’original au plan près, avec un nouveau moteur et juste 2-3 améliorations de gameplay reprises à ses suites (façon The Last of Us Part I).
  • On allait avoir droit à un remake prenant un peu trop ses libertés avec le design et l’histoire d’origine (à la Resident Evil remake 2 & 3).
  • Les développeurs allaient recréer l’original de leur mieux, mais en étoffant l’environnement, le gameplay et le lore grâce à tout ce que la série avait généré depuis (on pense ici à RE 1 remake, considéré comme le meilleur et plus fidèle du genre).

Surprise ! C’est la dernière option qui vient le plus à l’esprit. En 2023, Dead Space remake est probablement, objectivement, la meilleure refonte d’un classique depuis Resident Evil en 2002.

« Meilleur » = « parfait » ?

Attention, ça ne veut pas dire que Dead Space remake ravira tout le monde. Mais difficile de dire qu’il est mauvais. Il est même génial, nostalgie mise à part. Je serais curieux de voir comment un parfait néophyte s’en sortirait.

Ceux qui ont le plus matière à y redire sont ceux qui ont un souvenir bien particulier de l’aventure, qui l’ont faite à un certain âge et l’ont rejouée dans tous les sens. Ceux qui, on ne peut pas leur en vouloir, préfèrent l’original parce qu’il a tout inventé, et rejettent le remake parce qu’il a « tout » changé de ce qui faisait son charme.

C’est vrai. En modifiant de subtiles petites choses, même intelligemment, Dead Space 1 a muté :

  • Isaac parle.
  • Les zones antigravité permettent un déplacement totalement libre.
  • Le vaisseau peut se parcourir de long en large et sans interruption.
  • Des quêtes annexes font leur apparition (dont l’une mène à une fin alternative).
  • L’Ishimura se déverrouille petit à petit, encourageant le backtracking pour dénicher des upgrades.
  • Vous pouvez utiliser des fusibles pour activer au choix une porte ou un ascenseur, couper la lumière ou l’oxygène, influençant légèrement votre progression.
  • Enfin, certaines zones ont été raccourcies pour un rythme plus soutenu, ou repensées pour l’ère « moderne » (boss et puzzles remaniés, scripts aléatoires, cinématiques in-game).

Tout ça fait jaser les adeptes de la fidélité à tout prix. Mais il faut le prendre avec le recul approprié.

Le goût du sang au goût du jour

Évacuons ce qui n’est pas sujet à débat. Côté ambiance, nos yeux sont aussi gâtés que nos oreilles. Le Frostbyte Engine (FIFA, Battlefield) est utilisé à bon escient. Le métal brille, le soleil nous aveugle, le sang tâche… Tout au plus peut-on regretter que l’obscurité est un peu trop exagérée. Mais cela renforce la peur de voir surgir n’importe quoi dans le faible halo de ma lampe, comme à l’époque de Doom 3.

Le design de l’Ishimura n’a pas changé. Mais la réorganisation de certaines zones et leur interconnexion, ainsi que le souci du détail le rendent encore plus crédible. Les signes d’activité passée, les détritus, les corps et les scènes de carnage témoignent des événements tragiques précédant notre arrivée. Sans parler des journaux holographiques, où la vie à bord se rejoue devant nous. Les membres de l’équipage apparaissent alors tels des fantômes du passé, revenus pour nous hanter ou nous mettre en garde.

Pour un jeu entièrement recréé, les développeurs ont remarquablement copié la physique de leur modèle. La gravité, les ralentis en stase, le pas lourd d’Isaac écrabouillant ses ennemis, quasiment tout est là. Ça fait plaisir à une époque où SEGA a encore du mal à reproduire l’inertie d’un Sonic 2D, et où les remaster sortent complètement buggés (atchoumGTATrilogyhem).

Quant à l’ambiance sonore, heureusement, elle demeure le meilleur point du titre. Dead Space remake est si fidèle qu’un joueur averti peut prévoir la plupart des jumpscares scriptés, repris de l’original. Mais pas tous. J’ai honte d’avouer que j’ai authentiquement sursauté plus d’une fois, et souvent pour rien.

Dead Space remake : un changement dans la continuité

Pourquoi les changements seraient-ils si décriés ? Ils sont dans la continuité de ce qu’est devenu la saga.

Isaac parle, mais pas tant que ça. Surtout que depuis l’opus 2, Clarke n’est plus un réceptacle sans identité. Il est devenu un personnage doté d’un background et d’une personnalité. Des aspects adressés par les nouveaux journaux audio et textuels (le passé familial d’Isaac, sa séparation d’avec Nicole, son dégoût pour l’Unitologie).

Quant au scénario, il n’est pas tronqué, mais étoffé. Le monolithe n’est plus ce mystère total dont il restait à préciser les pouvoirs et l’origine. Depuis, il y a eu moult produits dérivés étendant la mythologie : films, comics ou jeux mobile. Globalement, ce remake trouve un bon équilibre entre le non-dit et le trop-en-dire.

Côté bagarre, les ennemis sont plus résistants et nerveux, mais la stase permet de retourner leurs membres contre eux, comme dans les suites. Et notre armement est mieux équilibré. Même les tirs secondaires ont été repensés dans certains cas, ce qui permet à TOUTES nos armes d’avoir une utilité en attaque ou en défense, à distance ou au corps-à-corps.

Jadis, je délaissais complètement la moitié des guns de l’original, les trouvant peu efficaces. Le remake ouvre beaucoup plus la voie à l’expérimentation. Le trancheur, le Mega-PK, le laser, et surtout, le lance-flammes sont désormais bien utiles et jouissifs. Je ne suis pas de ceux qui râlent sur l’absence d’un demi-tour rapide. Vu les tonnes de ferraille que notre ami a sur le dos, je mets ça sur le compte de ma propre suspension d’incrédulité. Et ce n’est pas comme s’il était démuni face au danger.

Note : dès mon premier run, j’ai parcouru le jeu en mode Difficile, ce que je recommande. Il me paraît équilibré juste ce qu’il faut, entre le danger de la menace et l’efficacité de nos moyens pour l’écarter.

Objectivement, le meilleur remake depuis RE 2002

Ce que fait Dead Space remake n’est pas très différent de ce que faisait déjà Resident Evil remake en 2002. Il était plus beau mais se jouait toujours de la même manière. Il étendait le monde du jeu, ajoutait des notes et des personnages, se référait à la mythologie que les suites avaient bâtie entre-temps. Un nouveau type de zombie plus résistant avait fait son apparition, et notre arsenal comprenait dorénavant des armes d’autodéfense pour compenser. Etc. RE remake n’était sorti « que » 6 ans après l’original, mais l’on continue à le considérer comme le meilleur remake à ce jour.

Malgré une attente de quinze ans, bien qu’avec la même approche, le remake de Dead Space donne l’impression à certains d’être inutile, qu’il arrive trop tôt. À cela, on n’y peut rien. C’est le ralentissement technologique. REmake avait pour lui de passer à une nouvelle génération de console, de la PS One à la Game Cube. C’était une époque où les améliorations étaient encore significatives, surtout graphiquement. Depuis l’avènement de la HD et la génération PS3, chaque saut à la next gen est toujours un peu moins marquant.

Du coup, Dead Space remake semble juste « un peu » plus beau et plus souple que l’original. Mais c’est peut-être aussi parce qu’il retranscrit trop bien le souvenir que nous avait laissé l’Ishimura jadis. Exactement comme la première moitié de RE 2 remake au sein du commissariat, altéré mais si reconnaissable. Mais quand RE 2 puis RE 3 remake empruntent ensuite la voie du changement à 100 %, le titre de Motive reste fidèle à son modèle du début à la fin… comme RE remake, soit le meilleur remake connu.

Une question de character

Reste LE point sur lequel tout le monde ne sera pas d’accord. La réinterprétation propre à un remake. C’est le plus gros écart avec un remaster. En fait de dépoussiérage, les développeurs refont le contenu entier. Nouvelles mocap, nouveaux doublages, certains nouveaux acteurs (mais Isaac/Gunner Wright garde sa place). En ajoutant des personnages, en réécrivant certains traits de caractères, en modifiant certaines choses, l’équipe de Motive prend le risque de dénaturer plus en profondeur l’œuvre originale.

Ces ajustements, hélas, sont à l’appréciation de chacun. Concrètement, ils n’enlèvent rien dans Dead Space remake, mais pour certains, ce genre de détail peut tout changer. “Les réactions d’Isaac sont différentes.” “Nicole semble trop âgée et blasée.” Etc. Au mieux, cela n’affecte pas l’histoire, comme par exemple, les états d’âme de Hammond, ou un léger remaniement du twist du dernier chapitre. Au pire, ils ôtent un peu de tension, comme avec la vidéo de Nicole, troquant l’angoisse pour une fatigue évidente, ou la méfiance de Daniels à l’égard de la CEC et Hammond, jadis pleine d’agressivité et désormais plus nuancée. D’autres instants risquent même de perdre inexplicablement leur impact (pourquoi Diable avoir changé la mort de Mercer ?).

C’est peut-être ici que résidera le plus gros point de divergence autour de cette refonte, peut-être inutile, mais certainement pas ratée. Sinon, Dead Space remake reproduit la formule RE remake et s’en tire avec mention « très bien ». C’est forcément un cash grab opportuniste pour EA, mais réellement une lettre d’amour de la part de l’équipe de développement. Elle s’est réapproprié le matériau et l’ensemble de la série, sans les trahir une seconde. Pas au nom d’un but marketing quelconque.

Convergence

À l’image de ce que fait le monolithe dans cette franchise trépassée, Motive a accompli un miracle de recombinaison de chairs mortes. Tout ce qui faisait la force de Dead Space a été rassemblé, ranimé et peaufiné dans ce remake : direction artistique, idées de gameplay et pistes scénaristiques. L’on ne parle pas seulement du jeu original. Dans ce nouvel opus converge tout ce que la série a généré à travers toutes ses formes, dans tous les médias qu’elle s’est appropriée (comme la mise en avant de Harris, tiré des comics, ou les rappels à Downfall et Extraction, pour les plus évidents).

Dead Space remake est bien une œuvre somme, l’épisode ultime de la franchise. Il se réapproprie tout ce qu’elle a fait depuis sa création, et souvent en mieux. À partir de là, quid d’un remake de l’épisode 2 ? Attention à ce que l’on souhaite, car ce serait ouvrir la boîte de Pandore. Dead Space 2 est considéré par beaucoup comme une suite parfaite. Mais après tout, on pensait déjà que le remake de Dead Space ne serait jamais aussi bon que l’original. Si c’est le minimum à attendre de Dead Space 2 remake, je suis prêt à prendre le risque… Quitte à rêver d’une nouvelle version de l’opus 3 lequel, pour le coup, aurait vraiment besoin d’une petite révision.

ADDENDUM :

À l’heure où j’écris ces lignes, Dead Space remake ne réalise pas les chiffres de vente espérés par EA. Entre autres, à cause de The Callisto Protocol, qui a déjà épuisé les porte-monnaie des joueurs avant les fêtes. On risque donc de voir l’histoire se répéter. Sommes-nous déjà au seuil de la nouvelle mort de la franchise, délaissée par son éditeur comme à l’époque de « l’échec » de Dead Space 3 ?

Cela fait une raison de plus pour vraiment apprécier ce titre pour ce qu’il est. Nous faisons peut-être face à un testament, au dernier soubresaut d’une des meilleures séries de jeux d’horreur des vingt-cinq dernières années. Pour le plaisir de la (re)découverte, ce serait dommage de ne pas tenter l’aventure.

LES + :

  • Une mise à niveau graphique et sonore visible.
  • Ambiance et cœur de jeu intacts.
  • Gameplay profitant de toutes les améliorations apportées par la série, en ne reproduisant pas ses erreurs.
  • Lore utilisé à bon escient, ajoutant à l’histoire sans la dénaturer ni la changer en profondeur.

LES – :

  • La réinterprétation des personnages et du jeu de leurs acteurs risque de déplaire aux puristes.
  • Isaac peut sembler un peu rigide par rapport aux derniers jeux d’action-aventure du moment (mais les développeurs ont plutôt bien équilibré la difficulté en fonction).
  • C’est peut-être la dernière fois que Dead Space nous fera trembler (si son succès commercial s’avère trop mitigé).