Wolfs débute après qu’une procureure a levé un ado dans un hôtel de luxe, et que ce blaireau claque en slip au pied du lit. « Détournement de mineur » et « mort d’un gamin », ça le ferait pas trop sur son CV. Elle appelle donc « [ ] » (George Clooney), un nettoyeur anonyme, qu’un ami lui avait recommandé d’avoir sur son tel le jour où elle aurait des ennuis. Le monsieur n’est pas là depuis cinq minutes qu’un deuxième « fixeur » (Brad Pitt) arrive sur les lieux. Il a été dépêché par la patronne de l’établissement, désireuse d’éviter un scandale. Pour honorer le contrat de leurs clientes respectives, les deux loups solitaires vont être forcés de travailler ensemble. Mais la situation va se compliquer progressivement…
« Wolfs » est le pluriel de « wolf » (loup) mal orthographié. C’est censé traduire la collaboration maladroite entre les deux nettoyeurs stars, très doués séparément mais absolument pas habitués au travail d’équipe. Ça peut aussi facilement traduire la simplicité d’esprit du projet, digne d’un gamin de seize ans qui a veillé toute la nuit pour l’écrire, dopé aux Smarties et à la Red Bull.
Wolfs, ou l’éternel recommencement
Commençons par clarifier ce qu’est Wolfs. Ce n’est pas un film d’action mettant en avant l’ego de deux stars imbues d’elles-mêmes, cf. Hobbs & Shaw. Ce n’est pas non plus un gloubi-boulga de tous les films d’action des trente dernières années, sans aucune envie ni plus-value, à la The Gray Man. Pourtant, les ingrédients sont là.
Du premier, on retrouve l’association et les chamailleries entre ses deux acteurs vedettes. Certes, ils sont sexagénaires et moins bankables auprès des djeunz, puisqu’ils ne sont pas apparus dans Fast & Furious. Mais Pitt et Clooney sont quand même les têtes d’affiche et crédités comme producteurs. Du second, on retrouve aux manettes un réalisateur ayant bien profité à (et de) l’écurie Marvel, aux commandes d’un de leurs plus gros succès. The Gray Man avait été réalisé par Joe et Anthony Russo, responsables de Captain America 2 & 3, et Avengers 3 & 4. Jon Watts a été derrière la trilogie Spider-Man avec Tom Holland. (Avant ça, on lui devait Clown, film d’horreur sur un type possédé par un costume de clown maudit. Si, si…)
En gros, un faiseur et un technicien ayant connu la gloire dans le sillage d’une entreprise qui n’avait rien de personnel. Son génie s’exprime dans sa capacité à ne jamais prendre de risque et à rester dans les clous. En l’occurrence, ça ne pose pas de problème. Wolfs est une comédie noire terre-à-terre, sans exploits réalisés en CGI dégueu. Elle est réglée comme un métronome, avec sa succession de moments de suspense, de comédie, d’action, d’émotion et rebelote.
La routine habituelle, quoi
Montré initialement à la Mostra 2024, et prévu pour une sortie en salles, Wolfs apparaît finalement sur Apple TV+, après, si j’ai bien compris, une sortie sur les grands écrans US expédiée en une semaine pour la forme. C’est n’importe quoi, mais on ne va pas détailler le processus complexe caché derrière. Les plateformes de streaming continuent à claquer des sommes folles dans des projets casse-gueule, peu importe qui est à la barre. Killers of the Flower Moon de Scorsese (mouais) et Argylle de Matthew Vaugn (pouah) sont bien sortis au ciné chez nous, et ils se sont plus ou moins cassé la figure, pour de bonnes ou de mauvaises raisons.
Wolfs a de la chance d’échapper à la chronologie des médias. Ça m’aurait fait mal de me déplacer et de payer plein pot. Il a tous les attributs d’un film de vidéo club, si ces derniers existaient encore. À voir dans son salon, ça passe crème. Jon Watts emballe une comédie noire divertissante juste ce qu’il faut. Son intrigue sait retenir l’attention en compliquant toujours un peu plus les choses. Ses deux stars sont toujours aussi sympathiques, et savent rester mesurées dans leur jeu, au lieu d’en faire des tonnes à la première occasion. Et quand action il y a, elle n’est pas folle, mais bien réglée et parfois prenante.
Il y a des moments à retenir, comme la poursuite à rallonge après le gamin shooté à l’adrénaline, ou le discours touchant de ce dernier (Austin Abrams) lorsqu’il se confie aux deux « fixeurs ». Il y a quelques plans travaillés et deux-trois mouvements de grue, histoire de dire qu’on a les moyens. J’ai même parfois ri de bon cœur, ce qui ne m’arrive plus très souvent. Cependant, on est loin des réactions en chaîne délirantes que ce type d’histoire est capable de dérouler (comme Hard Day, de Seong Hun Kim , pour citer le premier qui me passe par la tête). Et rayon scénario, si le twist final n’est pas dur à comprendre, Watts (crédité comme seul scénariste) le rend pourtant dur à suivre, puisque tout passe par les déductions à voix haute des deux protagonistes.
À deux, Wolfs, c’est mieux deux fois plus cher
Wolfs ne se moque pas du client, mais ne le régale pas non plus. Et quand on apprend que, pour un tel résultat, Apple a flambé (encore) 200M$, ça fait réfléchir. Le film a l’air d’en avoir coûté 80 maximum. Alors où est passé le reste ? Moi aussi je peux faire des déductions à voix haute. « Blanchiment d’argent ? Détournement de fonds ? Trafic de drogue ? »
Si la fin vous laisse en suspens quant à l’avenir des deux Wolfs, pas d’inquiétude. La suite est déjà prévue pour 2026, avec le même réalisateur. Je trépigne de patience.
LES + :
- Un divertissement moins frustrant que la concurrence dans le genre.
- Deux têtes d’affiche toujours sympas.
- Un film noir indé amusant, c’est toujours ça de pris…
LES – :
- … et puis après, on rit jaune quand on se dit qu’il n’est pas indé et qu’il a coûté 200M$.