Eddy Brock (Tom Hardy) est un journaliste d’investigation qui se fait infecter par Venom, un symbiote extraterrestre. Les deux vont vivre des aventures extraordinaires, mais pas parce qu’elles sont spectaculaires, inventives, ni même bien écrites. C’est même tout le contraire...
La trilogie Venom est une anomalie fascinante. L’un après l’autre, chaque épisode accumule les pires travers des blockbusters super-héroïques, quand ils n’oublient pas carrément de faire du cinéma. Après chaque film (Venom, puis Venom : Let there be Carnage), on se dit qu’il est impossile de faire pire. Venom : The Last Dance est le dernier film avec Tom Hardy en vrac, euh, en Brock, et il boucle de façon cohérente une trilogie accidentelle laissée en totale roue libre. À présent que l’aventure est finie, rien n’est résolu, mais tout est dit.
Venom, c’est bien parce que c’est pas bien ?
C’est dingue, mais Venom a presque raflé un milliard au box office en 2018, et sa suite, sortie en fin de la période Covid, a quand même atteint les 500M$. Venom : The Last Dance est mal parti pour ça, mais nous sommes apparemment dans une période d’essoufflement du public. En tenant compte de cela, selon les derniers chiffres, son score reste décent.
On ne peut pas recommander de voir ces films. Les épisodes manquent de liant, et il y a une absence d’intérêt évidente de la part des personnes aux commandes. Même Tom Hardy, porteur de tout le projet, semble de moins en moins y croire au fil des épisodes. Mais c’est finalement ce désordre qui donne sa valeur ajoutée, le « truc » qu’on ne voit pas dans le MCU, et dans une moindre mesure, chez DC (qui a quand même commis Black Adam, Aquaman 2 et Shazam 2).
Au mieux, la saga est tellement mauvaise qu’elle en devient drôle. Au pire, il y a des leçons à en tirer pour ne pas les répéter. Maintenant que Venom : The Last Dance est là, et que la page est soi-disant tournée, il est intéressant de regarder en arrière et de voir ce que fait Venom que Marvel don’t.
Venom (2018) : le film qui a quinze ans de retard
Eddy Brock se fait virer de son boulot de journaliste et jeter par sa copine. Subitement infecté par Venom, un symbiote extraterrestre, il est mêlé aux plans du billionnaire Drake (Riz Ahmed) et du symbiote Riot, qui veulent détruire la Terre. Alors que c’était aussi la mission de Venom, celui-ci préfère sauver ce monde rempli de jolies lumières, de chocolat et de cerveaux à becqueter.
Le réalisateur de Venom est Ruben Fleischer, la pire serpillère d’Hollywood actuellement (Uncharted). Tu lui demandes, il le fait, sans passion ni envie particulière. Venom est ainsi un film qui fait le café, mais pas des miracles. S’il avait dû y en avoir, ce devait être du côté du scénario. Après le Punisher et avant Deadpool, Venom est l’anti-héros violent le plus populaire de Marvel. Il y avait de quoi vraiment se distinguer des Avengers.
Malheureusement, Sony voulait son propre univers étendu. Venom est ainsi une production tout public. Le bad guy éponyme devient un méchant de façade qui cache un cœur en mousse, et le récit est balisé avec tous les clichés possibles. (Il souffre en plus de gros soucis de temporalités dans ses trente premières minutes.) Saupoudrez de répliques bateaux, parsemez d’un ou deux maigres morceaux de bravoure usant des pouvoirs du symbiote, et surtout, comptez sur l’implication d’un Tom Hardy qui donne tout ce qu’il a, incarnant Brock déboussolé avec l’énergie d’une fouine sous crack (et l’élégance de Jacquouille la Fripouille, quand on le voit manger dans les poubelles et pousser des borborygmes hilarants).
Le plus gros défaut du film, c’est d’être anachronique. Il aurait dû sortir 15 ans plus tôt, en même temps que Daredevil (2003) et Punisher (2004) avec lesquels il partage la même bêtise. À cette époque, les adaptations de comic books continuaient à se chercher. Il ne se serait pas distingué, mais il aurait paru plus à sa place.
Venom : Let there be Carnage (2021) : l’épisode expert-y-mental
Cletus Kasady (Woody Harrelson) est un tueur en série condamné à mort, qui obtient une entrevue exclusive avec Eddy avant son exécution. En entrant en contact direct avec le journaliste, Kasady est infecté par un bout de Venom, lequel devient Carnage, un symbiote rouge très méchant. Cletus s’enfuit et sème le chaos…
Let there be Carnage est l’un de mes souvenirs ciné les plus vivaces de 2021. Une séance digne d’un bad trip après une ingestion de champis les soirs de chicha blindée à la vodka. Tour à tour, je me suis gaussé, j’ai écarquillé les yeux, j’ai pris ma tête dans mes mains, incapable de croire ce que je voyais. Chaque scène rivalise avec la précédente en absurdité, en n’importequisme et en jem’enfoutisme.
Le réalisateur Andy Serkis a avoué vouloir livrer un pur divertissement rythmé et décérébré, sans le ralentir avec trop d’exposition. Pari réussi. Au fil d’un scénario qui s’en ballec de justifier quoi que ce soit, Serkis s’amuse comme un gosse, utilisant tous les ressorts et procédés qu’il veut. Venom 2 est peut-être le premier vrai comic book movie expérimental. Tout est possible : une scène de ménage musclée entre Eddy et Venom, un passage animé digne d’un film de Tim Burton, Venom investissant une rave party en disant « je sors du placard ». Etc. Quant au casting, tout le monde s’amuse comme en colonie de vacances. Mention spéciale à Woody Harrelson, rivalisant en cabotinage avec Tom Hardy. C’est pas un compliment, mais dans un film aussi taré, c’est un exploit !
Venom : Let there be Carnage est une contradiction. Ce devrait être un film pour adultes, mais son plot et son humour débilitants ne parlent qu’aux moins de 10 ans. Le constat est triste, le résultat spécial, et son souvenir durable.
Venom : The Last Dance (2024) : la fin de la fin
Eddy est recherché – à tort – pour le meurtre de l’inspecteur Mulligan. Il se met en route pour New York, ou réside un juge susceptible de le blanchir. Mais Venom est suivi par un xénophage, une sale bête à la solde de Knull, dieu des symbiotes, banni depuis la nuit des temps. S’il met la main sur Venom, il obtiendra la clé de sa prison. Une fois libre, il pourra détruire l’univers…
Venom : The Last Dance joue les funambules entre la médiocrité du un et les délires j’menfoutistes du deux. Il s’agit des débuts derrière la caméra de Kelly Marcel, productrice et scénariste déjà à l’œuvre sur les premiers volets. Au moins, ça explique le minimum de cohérence dans l’incohérence générale. Ça et Tom Hardy, qui ressemble plus que jamais à un sans-abri et à un poivrot. On pourrait se demander quelque part s’il joue encore la comédie, ou s’il ne peut plus cacher son état d’esprit, à ce stade.
The Last Dance cumule donc les défauts de scénario de Carnage avec la réalisation sans saveur de Venom. Il alterne des scènes d’action ternes et brouillonnes avec des moments toujours aussi nawak (les hippies, des animaux venomisés, un passage musical avec Mme Chen). Venom achève sa transition d’ado rebelle à gros nounours au grand cœur. Et le scénario schizophrène explique tout platement par le dialogue, mais ne justifie jamais rien.
Pire, il retcon carrément les événements des films précédents, de la façon la plus naze qui soit. Les symbiotes ne sont ainsi plus des envahisseurs voraces mais des transfuges bien intentionnés. La symbiose se fait les doigts dans le nez. Surtout, vous vous rappelez la fin de Venom 2 qui téléportait Eddy dans le MCU ? Le début de Vénom 3 le ramène tout de suite a casa. Le gars est tellement murgé qu’il s’en fout totalement après ça. Le film aussi, concentré sur la menace de Knull, Thanos version Leader Price. Il est rarement présent autrement qu’en voix-off, introduite dès le pré-générique parce qu’on n’a vraiment pas le temps.
Au revoir et bon vent
Venom : The Last Dance est la conclusion d’une saga au succès accidentel, au sein d’un univers qui n’a jamais décollé, alors qu’il s’échinait, et continue, à copier le succès de Marvel. La création de Sony a réussi à faire mieux que son modèle sur un point : elle est morte plus vite.
Le MCU va mal ? Le « spiderverse » de Sony est mort, après les bides de Madame Web et Morbius. Deadpool & Wolverine larguait ses héros en plein dépotoir des franchises Marvel ? Venom 3 recycle des acteurs comme Chiwetel Ejiofor (vu dans Doctor Strange) et Rhys Ifans (le Lézard dans The Amazing Spider-Man). Dans l’espoir d’en finir de manière satisfaisante, le climax se donne des airs d’Avengers Endgame. On a droit à l’habituelle bagarre générale en CGI brouillonne, ainsi que le sacrifice de (mystère) façon Tony Stark, dans l’espoir vain de nous tirer une larme. Et bien sûr, comptez sur un petit teasing post-credits dans lequel Knull jure au public qu’il arrive. T’as raison, Coco. On y croit.
Pour résumer, la trilogie Venom est le parangon de la bêtise pour tous. La bêtise d’un studio qui a voulu faire du pognon en dépit du bon sens, en ne confiant jamais la tâche aux bonnes personnes. La bêtise des films en eux-mêmes, que Sony a revue progressivement à la hausse d’épisode en épisode. Finalement, hélas, la bêtise du public (moi compris), qui ne va pas s’arranger sous l’influence de ce qu’on lui donne à manger. Ça vaut le coup qu’on s’en souvienne, histoire de ne plus jamais le revivre.
LES + :
- Tom Hardy est drôle (volontairement ou non).
- Il y a des leçons à tirer d’une telle catastrophe.
Les – :
- Personne ne les suit !