Quatre ans après Halloween Kills, Michael Myers s’est évaporé dans la nature. Pas de panique, les péquenots ont trouvé une nouvelle tête de turc l’année suivante : Corey (Rohan Campbell), un babysitter dont le sale môme qu’il gardait a mal fini. Depuis, Coco est sorti de l’asile, mais on le regarde de travers. La seule qui soit gentille avec lui est Allyson (Andi Matichak), la petite fille de Laurie Strode (Jamie Lee Curtis). Au début, cela ne déplaît pas à Laurie, qui a tourné la page et commencé à écrire ses mémoires. Mais l’ex-final girl sent petit à petit le mal grandir en Corey. On a envie de dire qu’elle psychote un peu, mais non. Le gosse est clairement instable, il en a marre d’être un punching ball, et il rencontre fortuitement Myers, planqué depuis tout ce temps dans les égouts. Parce que « Tête-de-plâtre » le laisse vivre, Corey développe une affinité avec lui. Le croque-mitaine devient alors muse, mentor et complice du garçon, qui a besoin de déchaîner ses pulsions meurtrières. Cette fois, c’est sûr, « Halloween ends ».

Halloween Ends clôt la trilogie initiée par David Gordon Green avec son opus de 2018. Mais ce n’est pas « vraiment » la fin d’une trilogie. Le présent film se situe à cheval entre suite directe et « legacyquel ». Si trilogie il y a, elle est constituée du film original de John Carpenter, puis Halloween 2018, et enfin, Halloween Kills. Halloween Ends est un autre bestiau. On dirait un épisode +1 faisant office « d’après Halloween », l’équivalent pour les férus de Myers à ce qu’a été, quelque part, Indiana Jones 4 aux fans de l’archéologue. C’est bien une suite, mais la tonalité, les thématiques, ainsi que l’approche détonent par rapport à ce qui a précédé, jusque dans la police de titre du générique d’ouverture.

Halloween back

Les trois films de David Grodon Green manquent de liant et de focus. On dirait que le réalisateur a improvisé et expérimenté au fil des épisodes, au lieu de planifier une succession vraiment cohérente. Certes, la continuité n’a jamais été le point fort de la saga. On en est tout de même à la quatrième ou cinquième timeline, à ce stade, avec Laurie Strode revenant pour la troisième fois dans l’équation ! Mais justement, pour une fois, on aurait pu s’attendre à une vraie continuité et conclusion (temporaire, parce que les remake et les reboot sont éternels).

Au lieu de cela, chaque épisode a fait son propre truc, au risque d’en faire trop. Halloween 2018 se voulait une suite directe à l’œuvre séminale et donc, il refaisait souvent le même film. Mêmes personnages ou types de personnages, mêmes plans, mêmes citations, etc. Le second exploitait le stress post traumatique d’Haddonfield et condamnait l’hystérie collective. Sauf qu’il se focalisait sur des personnages creux et la bêtise scénaristique. On ne compte plus les guignols qui décident de confronter Myers seuls au lieu d’appeler la police ou de l’achever au shotgun. Même si, pour ça, il faudrait savoir viser. D’ailleurs, une victime se flingue carrément elle-même !

Halloween Kills répète sans honte le drame d’Alien Covenant. À savoir, l’abus de ficelles usées du slasher bas de gamme, où la bêtise des protagonistes le dispute à l’incompétence. Sur le seul argument que « sinon, il n’y aurait pas de film » !

Halloween claque

Autre point qui fâche : soi-disant, la confrontation entre Michael et Laurie était le point central de cette nouvelle série de films. Pipeau. Si Laurie a passé 40 ans à se transformer en Sarah Connor, Michael s’en battait volontiers le cocotier dans Halloween 2018. Il a fallu littéralement l’intervention d’un fan pour le conduire chez elle tel un Uber, parce que comme nous, il voulait voir ce qui allait se passer. On ne fait pas plus méta quant à la raison d’être de ce « requel ». Mais on ne fait pas plus creux non plus. Si les figures de proue de la franchise n’ont aucun cheminement ni effort à fournir, où va le monde ?

C’était encore pire dans Halloween Kills. Ce festival de violence à la gloire de Myers a ravi bien des fans (même Bibi, par moment). Mais encore une fois, la proie supposée du tueur tournait en rond à l’hôpital sans qu’il ne cherche à la retrouver (il a cependant droit à un lot de consolation dans les dernières minutes) . Pendant ce temps, Grand-mère soliloquait sur la nature transcendantale du meurtre chez le monstre masqué… sur la base d’une seule rencontre, une nuit, il y a 40 ans ! Ne paraît-il pas un peu incongru de disserter autant sur la force et la résistance surnaturelles du personnage, même son rapport fusionnel au masque, quand Thanos Blumhouse a effacé les dix œuvres précédentes de l’existence ?

Ici, tout le monde craint Myers avec la même terreur que s’il avait quarante ans de tueries à son actif, alors qu’elles ne sont plus canoniques. (C’est dommage pour le sous-estimé Halloween 4.) C’est la vraie faiblesse des épisodes réalisés par David Gordon Green. Ce sont des fan fictions, réalisées avec un regard de fan pour parler aux fans. Peu importe si cela contredit la logique. Le fan service “in the nose” court-circuite donc souvent l’intention, aussi opportuniste que géniale, de refaire et conclure la série.

Arrive Halloween Ends, qui surprend enfin. Pas toujours en bien, mais il a quelques bonnes idées. Et il fait un pari unique qui, pour une fois, est tenu.

Attention, une proposition !

Ce n’est plus un spoiler. Dans ce nouvel épisode, le tueur au masque occupe l’arrière-plan. Le vrai anti-héros de l’histoire est Corey, et le film se concentre grandement sur sa transformation d’une victime frustrée à un bourreau inventif. Le jeunot reprend le flambeau d’un Myers amoindri, vieux et faible, une momie que le meurtre revigore l’espace de quelques escapades sanglantes. L’idée que le mal est transmissible, et même « bénéfique » pour le corps, est d’ailleurs suggérée sans être lourdement évoquée comme dans le film précédent.

Ce twist arrive cependant bien trop tard dans les reboot de David Gordon Green. On en ressent d’autant plus le manque de planification de ces suites. Le basculement de Corey aurait eu plus d’impact et de sens si le personnage avait été présent plus tôt dans les films, subissant progressivement l’influence toxique de la ville et du tueur qui l’obsède. Au lieu de cela, il est introduit dans le prologue, certes diablement efficace.

Tant pis. Au moins, Halloween Ends se tient, mieux que ses prédécesseurs, en équilibre sur le fil mince séparant ce qu’il réussit de ce qu’il manque. Ou plutôt, de ce qu’il choisit de ne pas faire. Sur le plan de la réussite, on retient la métamorphose de Corey. Elle est certes simple et jalonnée de clichés (les jeunes cons qui le chahutent, le DJ arrogant, le flic qui le harcèle, etc.). Mais elle est acceptable et facile à comprendre. Plus, en tout cas, que les décisions des trois quarts du casting des films précédents.

Et puis, globalement, le film fleure bon les années 80 (photographie, mise en scène, et même la musique, produite par Carpenter himself). On a l’impression de retourner dans le passé, à l’époque typique de ce genre de productions, où ces poncifs étaient mieux à leur place. Sans parler des mises à mort, où le petit jeune rivalise de sadisme avec les meilleurs tubes de son modèle.

Halloween ends, my only friend

Dommage que ce qu’on retienne vraiment de Halloween Ends, au final, ce soit la déception. On gagne en intérêt pour Corey ce qu’on perd en fascination pour le « tueur au masque ». Il est intéressant de voir un homme devenir monstre (une thématique qui fascine toujours, cf. Joker). Pendant ce temps, Myers, qui a toujours été un monstre à forme humaine, est démasqué. Ce n’est finalement qu’un vieil homme (dixit Laurie), rincé et tabassé. Il est même littéralement saigné, soit vidé symboliquement de sa substance. La fascination s’est envolée.

Au terme de ce bref passage de flambeau, l’aventure se termine bel et bien, mais pas de la manière attendue. Il faut dire qu’on nous avait vendu un « 1 contre 1 » entre Laurie et Myers, et que jusqu’au bout, on y a cru. Mais leur affrontement arrive dans les dernières minutes, comme un cheveu sur la soupe, expédié et nullement mémorable. Halloween s’achève dans un chuchotement plutôt qu’avec un cri.

Il fallait bien que ça arrive un jour. Les légendes meurent. « Halloween Ends », mais qu’on se rassure. Le mal ne disparaît jamais vraiment. Il change juste de forme. Même si, on s’en doute, « The Shape » reviendra en personne dans un nouveau reboot ou remake.

LES + :

  • Une direction différente des précédents.
  • Des clichés de slasher movies moins frappants et plus à leur place.
  • Une ambiance délicieusement nostalgique des années 80.

LES – :

  • Le focus sur un nouveau personnage intéressant, mais qui arrive trop tard dans l’équation.
  • La fin d’une trilogie qui nous a vendu du vent, avec une confrontation Laurie/Myers qui n’en valait pas la peine.
  • On sait très bien que ce n’est pas la fin et que tel James Bond, « Halloween » reviendra…