Pas besoin d’être un fan (je ne le suis pas) pour voir que Warcraft, Le Commencement fait honneur à son jeu sans faire honte au Cinéma. Pour le premier, il faut tout de même être à fond sur le sujet pour percer les écarts avec le canon de cet univers débuté en 1992. Pour le second, il faut se rappeler les fresques d’heroic fantasy bien plus kitsch et mal torchées vues sur grand écran par le passé. Mais les références sont aujourd’hui plus télé que ciné, et Game of Thrones viendra plus volontiers à l’esprit que Donjons et Dragons.
Une mythologie respectée
On sent dès l’introduction la sincérité du réalisateur Duncan Jones (Moon, Source Code) remplaçant Sam Raimi à la barre et joueur de WOW avéré (aidé par le studio Blizzard, créateur du jeu). Warcraft n’est pas qu’un jeu mais une mythologie qu’il connaît et aime, au contraire d’autres mercenaires n’entendant rien aux codes vidéoludiques ni cinématographiques (cf. Uwe Boll ou John Moore). Les références ne sont pas gratuites, mais intégrées à un univers qui « vit » Warcraft.
Les gimmicks visuels des jeux sont repris avec une vraie intelligence, comme une poignée de plans façon RTS servant à indiquer la progression de l’invasion orque. Le film est en plus pensé comme un complément plutôt qu’un simple produit dérivé, nous contant les origines de la guerre entre hommes et envahisseurs. Le passé et la psychologie de ces derniers sont d’ailleurs plus développés que ceux des humains, ces derniers semblant tous réduits à des fonctions (le roi, le guerrier, le mage… vivent les PNJ !) au lieu de personnages. Du coup, l’attachement pour eux s’étiole à mesure que la trame avance. Un travers commun à plus d’une adaptation de JV, que Warcraft, Le Commencement n’a donc pas su éviter.
Fantasy pas cher
En plus de cela, le film jouit hélas d’un budget modeste (pour un blockbuster d’aujourd’hui), de peu de temps et de beaucoup d’impératifs de studio pour raconter son histoire. Lieux et personnages emblématiques s’enchaînent à grande vitesse sans avoir le temps de construire quelque chose sur la durée. Le rythme régulier fait que que si le spectacle est épique, il ne va jamais crescendo, armées en marche, combats violents et plans aériens saisissants se suivant sans se surpasser. Au final, le film se regarde un peu trop comme le best-of d’une saison de série télé de fantasy (avec lesquelles le casting partage d’ailleurs quelques liens de parentés).
Une impression renforcée par la plus grande qualité du film, qui devient paradoxalement sa plus grande faiblesse : sa fidélité exemplaire au matériau de base. Le design général très « cartoon » est si bien retranscrit que tout paraît trop artificiel, cf. la gueule des elfes, et ce second degré visuel n’est pas aidé par le ton beaucoup trop sérieux de l’ensemble. A l’instar du Hobbit de Peter Jackson (mais dans une proportion moindre), il manque à ce Warcraft une légèreté et un humour pourtant présents dans le média d’origine. Blizzard ou le réalisateur semblent s’être interdits toute forme de recul ou de mise en abîme, sinon au travers de répliques trop plates pour faire mouche. Dommage car cela aurait pu distinguer l’entreprise du Seigneur des Anneaux.
Warcraft, Le Commencement : un bon “petit” film
Pour résumer, le métrage se hisse sans peine dans le haut du panier des adaptations de jeux vidéo réussies. Le résultat satisfera le plus grand nombre, et avant tout les fans, mais il lui manque un peu plus de cachet pour convaincre. Trop ciblé (design et références), trop expédié (ça va vite) et trop condensé (le film ne construit rien lui-même), le spectateur lambda ne verra dans Warcraft, Le Commencemant qu’un succédané coloré des films de Peter Jackson. Dommage, compte tenu de toutes les qualités dont il a su hériter.
LES + :
- C’est un vrai film, pas un simple produit dérivé.
- De la fantasy épique et généreuse.
LES – :
- Un design trop second degré.
- Un récit trop premier degré.