Au fin fond de la fosse des Mariannes, en plein océan Pacifique, la compagnie Tian a installé sur des kilomètres un réseau de stations sous-marines. Mission : extraire du pétrole là où nul homme n’est jamais allé. Évidemment, c’est aussi là qu’on trouve des ennuis comme on n’en a jamais vus. Après un tremblement de terre titanesque qui a bousillé un tiers de sa station, Norah (Kristen Stewart) va se retrouver coincée avec une demi-douzaine de survivants, sans espoir de secours. Le groupe va alors tenter l’inédit : marcher jusqu’aux complexes voisins pour trouver, peut-être, des capsules de sauvetage. Mais en plus de la pression risquant de les broyer comme des canettes vides, il y a autre chose, là-dehors. La cause de la tragédie est toujours aux aguets, prête à leur tomber sur le pif à la première occasion…
Si j’ai bien compris, Underwater était terminé depuis deux ans maintenant, coincé dans les starting-blocks. Une situation qu’on n’imagine pas arrangée par la transition du rachat de la Fox par Disney. Comme tout ce qui fait peur à un studio (Bad Boys 3…), il sort donc en plein mois de janvier, parce qu’on ne sait jamais. Peu importe si le film est bon ou pas. « S’il se ramasse, personne ne le remarquera, et s’il marche, on y gagnera. » Mais maintenant, on sait : Underwater est une bonne petite série B anxiogène et noire, et puis c’est tout. Mais c’est déjà bien.
Dans l’eau, personne ne verra que dalle
Vous vous rappelez certainement, si vous êtes aussi vieux que Bibi, de ces trop rares films de monstre sous-marin qui ont fait notre enfance (Mutant aquatique en liberté, aka Deep Star Six en VO, ou encore Leviathan). Des machins d’exploitation qui ont cherché à mixer Alien à Abyss, mais en ayant surtout l’ambition artistique d’un bon nanar du samedi soir. Dans le paysage cinématographique actuel, blindé de blockbusters m’as-tu-vu, Underwater est leur équivalent. Projet de S-F d’horreur aquatique, ce qui est en soi une anomalie, il a été monté sur un budget de « seulement » quatre-vingt millions de pépètes. Une espèce d’expérimentation industrielle dont le résultat, pour un budget si modeste, impose le respect.
Contrairement à ses ancêtres historiques cités plus haut, Underwater est techniquement sans reproche. On se doute bien que 97 % des scènes sont en images de synthèses. Mais elles sont aidées par la physique des éléments, le travail sonore, le design général… Mais surtout, par le fait que l’eau, c’est trouble, et à cette profondeur, on a du mal à voir quoi que ce soit. Cela aide à faire passer beaucoup de choses, mais aussi à jouer sur le hors-champ et l’obscurité.
L’environnement est propice à une atmosphère véritablement oppressante, anxiogène, désespérante, à mesure que les marcheurs de moins en moins nombreux s’enfoncent vers l’épicentre de la catastrophe et sa tétanisante nature. Ajoutez à cela quelques explosions de violence brutales et gores, et vous ressentez combien le fond de l’océan ne veut pas de nous.
Underwater n’est pas sans écueils
Qui dit « série B » dit « By the book » (« à la lettre »), et Underwater ne se foule pas. Sa mise en scène parvient à embarquer le spectateur dans ce trip sous-marin claustro tiré au cordeau. Par contre, le scénario ne s’épargne aucun cliché, mais alors AUCUN (spoiler : le black y passe en premier). Il s’autorise même le coup du comique de service avec T.J. Miller, qui dessert plus qu’autre chose. L’acteur rejoue le meilleur pote de Deadpool en mode « open bar », prêt à désamorcer chaque seconde de film par des répliques à l’impact comique proche de zéro (il a même son doudou ! C’est trop mignon…). Par pitié, meurs vite !
Le plus gros reproche, et le dernier, que l’on puisse faire à Underwater, c’est sa durée. En seulement quatre-vingt-dix minutes, le film perd en fascination. Le complexe de Tian Industries est constitué d’une dizaine de stations et pipelines qu’on ne fait que traverser, sans avoir l’occasion de connaître la structure ou la topographie de lieux pourtant fascinants sur le papier. Les personnages sont plongés dans le bain illico, juste après un générique d’intro ultra cut relatant l’histoire de la station et les mystères l’entourant (conditions de travail pénibles, disparitions mystérieuses, etc.).
Nos héros n’ont droit à aucune exposition digne de ce nom pour nous permettre de nous y attacher ou de les comprendre, et ce que nous apprenons ne tient que de l’information. Enfin, la menace, si elle est (entre-)aperçue, n’est jamais étudiée ni comprise, pour notre plus grand malheur. Le fan de film de monstre se fait teaser puis renvoyer chez lui, après avoir payé d’avance pour une simple tape sur les fesses, ce qui est bien dommage.
On ne vit pas que d’amour et d’eau fraîche, mais on peut s’en contenter
Quelque chose de terrible s’est passé au fond des eaux. Mais même si on aurait aimé en découvrir plus sur Tian, sur les personnages, ou encore sur l’horreur surgie des profondeurs, il y a certaines choses que l’homme n’a pas le droit d’approcher. C’est le sentiment qu’on retient d’Underwater en sortant de la projection. Ça et le souvenir d’avoir passé malgré tout un bon moment sur un grand huit, focalisé purement sur les sensations et le rythme. Le premier film de monstre de l’année se parcourt et s’apprécie en toute simplicité, comme un mix en eaux salées de Life : Origine inconnue avec Gravity. Il y a pire comparaison.
LES + :
- Techniquement irréprochable.
- Vraiment claustro, vraiment gore et vraiment noir.
- Un thriller horrifique sous-marin efficace ? C’est trop rare pour bouder son plaisir.
LES – :
- Trop court. Le monde et ses personnages ont tous un potentiel que le film n’exploite jamais.
- Trop cliché. La minorité afro-américaine a toujours une espérance de vie TRÈS limitée, le comique de service mérite de mourir, et certains dialogues n’échappent pas à l’éternel sentence du type “l’homme ne devrait pas être là”. Tout ça n’est pas un crime. C’est juste usé jusqu’à la corde.