Avec Chappie, le réalisateur du sympathique District 9 et du fourre-tout Elysium nous livre sa conclusion à une trilogie amorcée par les deux suscités. On ne peut pas lui donner tort, car visuellement, ce troisième opus ne se démarque pas de D9 et du film avec Matt Damon. Les bas-fonds de la ville de “Joburg” saturés de ruines et de racailles torse-poil sont l’exact écho de celles déjà vues par le passé. Petite différence toutefois : si Chappie décalque jusque dans son exposition le style de District 9, il n’y a en revanche plus tellement de “vrai message” sur de quelconques clivages sociaux (à la rigueur, sur le fait de naître différent soi-même).
En revanche, Neil Blomkamp a gardé son esprit fanboy transparaissant déjà dans ses deux précédentes œuvres (ah !, les jouissives scènes d’action à base de robots géants ou d’hommes-machines). Dieu merci, Chappie est exactement ce que la bande-annonce nous vendait, à savoir un croisement entre Appelez-moi Johnny 5 et le RoboCop original. Le mélange improbable est donc réussi, et pour cause : le récit emprunte ses figures et ses grandes lignes au must de Verhoeven.
Robo-Chappie
Comme à Détroit en 1987, le crime a explosé dans la ville de Johannesburg en 2016. Dieu merci, une société technologique privée du nom de l’OCP Tetravaal a vendu à la Police un officier robot humanoïde, RoboCop le Scout, efficace et rapidement envoyé en patrouille par paquets de dix dans les rues. Ce qui n’est pas du goût de Dick Jones Wolverine, chef du projet adverse, ED-209 l’Orignal (“Moose” en VO), un tank bipède surarmé et sans cervelle. Quand le chef du projet Scout (un geek, bien sûr) met au point une intelligence artificielle 100% “aware”, il décide par excès de zèle de lui donner le corps d’un Scout et de l’éduquer pour en faire un prix Nobel. Oui mais…
C’est là que Chappie prend son identité et s’écarte de la perfection jouissive de RoboCop. Le robot-titre se fait enlever et élever par un trio de bandits manchots pour en faire un gangsta, et in fine braquer un fourgon. Petit à petit, le film nous raconte l’éveil de Chappie, passant en quelques jours du stade de nouveau-né innocent à un adolescent en crise. Il y a peut-être bien un message dans le film, finalement. Mais cette fois, il faut chercher la dénonciation du côté de l’éducation de ces chères têtes blondes, dans une société toujours de plus en plus pauvre et dure pour certains (le revoilà, le clivage, en fait). Le film devient alors maladroit dans ce portrait d’une famille marginale, constituée du couple Yolandi/Ninja (mère aimante et père difficile), du tonton cool Amerika et du fils différent mais volontaire Chappie.
Ce deuxième acte sur l’éducation du héros mise beaucoup sur l’incompatibilité apparente entre le fils adoptif et sa famille d’accueil, alternant comédie décalée (le robot marche et parle comme un gangsta) et prises de conscience des émotions de chacun. Car oui, l’amour naîtra finalement entre tout le monde et blablabla. Heureusement ensuite, Wolverine pète un câble, lâche son rip-off de l’ED-209 et blaste tout avant de se prendre une méchante tannée. Le final naïf, jusqu’au-boutiste mais pas obligatoire, nous assène ensuite avec la conviction d’un théoricien du chaos que “la Vie trouve toujours un chemin”. FIN
Ma différence à moi
La différence avec le héros de RoboCop tient au fait que Chappie se forge peu à peu une identité tandis que feu Alex Murphy la retrouvait. On connaissait le personnage du policier avant qu’il ne disparaisse sous son armure d’acier, tandis que c’est dans cette carcasse que naît l’Humanité de Chappie. Il y a également une opposition totale des traitements : là où le balourd robo-flic dissimulait un visage humain fendu au final d’un sourire en coin, le “boy Scout” adopte dès sa naissance une gestuelle simiesque et apeurée, et tire son expressivité de tout son corps et de gros yeux carrés tout mignons. Mais bon, dans les deux cas, se découvrir humain est le fil narratif de l’histoire. Rendons hommage au passage à la parfaite combinaison entre les effets spéciaux et le jeu de Sharlto Copley, dissimulé derrière Chappie.
Ce qui compte surtout pour nous, les cinéphiles bourrins, c’est que si Neil Blomkamp sait gérer l’émotion, sa plus grande qualité (et limite) est de mettre tout ce qu’il aime dans un grand chaudron, de touiller, et de servir chaud en espérant que ça tienne. Pourquoi pas, après tout. Tim Burton fonctionne comme ça. Et on sent bien que Neil a voulu ici refaire RoboCop avec une amour pour ce film et un kif bien plus évident que le récent remake/serpillière. La preuve : en plus de tout ce qui est évidemment cité, il a su apporter sa propre touche stylistique et émotionnelle (tout le passage central à base de relation familiale boiteuse et caustique, ainsi que le visuel “à la District 9“). Enfin, avouons-le, c’est marrant de voir Hugh Jackman en short…
Et après, quoi ?
Si le réal arrive maintenant à renouveler son univers visuel, j’attendrai presque impatiemment ce qu’il est susceptible de faire avec la franchise Alien, dont on dit qu’il prépare en ce moment une suite directe à l’opus de James Cameron. Encore dans le giron d’un film canon ? S’il est du genre de Chappie, moi, je ne dis pas non.
LES + :
- Il enterre sans problème le remake ignoble de RoboCop.
LES – :
- C’est quoi ce deuxième acte avec des rocks stars chelous ?