Anna (Sasha Luss) est agent du KGB. Trois ans plus tôt, des informateurs de la CIA se sont fait dézinguer par le méchant chef du KGB. Deux ans après cet incident, Anna était devenue mannequin à Paris, après avoir été repérée par un dénicheur de talent sur un marché en Russie. Mais cinq ans avant tout ça, Anna, c’était une jeune femme sans avenir qui s’est vue offrir de devenir assassine pour la Mère Patrie. Sauf qu’un an plus tard, Anna veut partir, mais elle ne peut pas. Bref, Anna, elle se cherche. Et sa vie a beau être compliquée, elle est la seule à ne pas savoir ce qui l’attend. Nous, on connaît déjà la musique…
Anna joue encore plein de fois la carte du retour en arrière assez inutilement. Le film essaie de nous faire croire à la complexité de son histoire, au risque de perdre les spectateurs les plus attentifs. Pour faire la blague, il se produit un peu l’inverse du Memento de Christopher Nolan. Remonté dans le bon ordre, le thriller du réalisateur britanno-américain était moins original. Mais il restait un excellent film à suspense (preuve à l’appui, puisque ce « remontage » existait déjà sur le DVD d’époque). Le problème, c’est que privé de son gimmick, Anna est aussi balisé que la piste d’atterrissage d’un méga transporteur.
Anna va comme j’te pousse
Anna, c’est le film que vous avez vu cent fois au cours des trente dernières années. Du coup, le métrage pense qu’il n’a pas le droit d’exister sans avoir « son truc » (le fameux découpage façon puzzle). Il choisit de se donner des airs intelligents, croyant qu’il gagnera en intérêt. Pourtant, si on le prend comme il est, ce film n’est pas plus con ni moins divertissant que ses modèles.
Anna, c’est quoi ? C’est comme si cinq films d’espionnage des trois dernières décennies s’entrechoquaient en même temps. En vrac, Nikita, Red Sparrow, Salt, Atomic Blonde et un peu de Jason Bourne se sont retrouvés dans le shaker de Luc Besson. Après le pétard mouillé Valerian entre autres choses, il lui fallait sûrement un plan « zéro risque ». Heureusement que le réalisateur ne reprend que le meilleur selon lui.
La structure est celle de son Nikita (1990, déjà !) jusque dans ses scènes clés. Besson suit les traces d’Anna, identiques à celles de Red Sparrow. Le contexte de Guerre froide est le même que dans Atomic Blonde. L’espionne badass finit par se retourner contre ses recruteurs comme Salt, l’héroïne du film éponyme. On termine sur une fin au goût doux amer, y compris pour les spectateurs. C’est comme ça qu’on finit un thriller d’action-espionnage aujourd’hui : dans un soupir plutôt qu’un gros bang.
Dire qu’il a fallu deux ans à Anna pour être distribué. Honnêtement, DTV ou film ciné, je ne vais pas être méchant. J’avoue que je n’ai pas vu le temps passer. Mais, et c’est rare, j’ai peut-être l’impression d’avoir vraiment perdu du temps sur mon espérance de vie. Après tout, Anna, ça fait cent fois que je l’ai vu déjà.
LES + :
- Le film a beau être prévisible, il demeure maîtrisé. Sa tenue artistique est indéniable.
- Il faut reconnaître que, si on se prend au jeu, on ne s’ennuie pas réellement.
LES – :
- Pas mal d’anachronismes, entre le rigolo et l’embarrassant.
- C’est Nikita 30 ans plus tard. Un film tourné pas cher et passé à la moulinette opportuniste de Besson. Il a sans doute peur de se mouiller après ses derniers échecs (hem, Valerian).
- S’il n’avait pas bousculé toute sa chronologie, Anna aurait peut-être été meilleur. En usant du flashback à seulement un ou deux moments clés dans sa narration, le procédé aurait peut-être eu plus d’impact.
- On ne va pas critiquer plus que de raison Sasha Luss dans le rôle titre. Elle fait de son mieux et ça se voit, surtout dans la baston. Mais le reste du casting cachetonne, et ça aussi ça se voit (Cyllian Murphy, Helen Mirren, Luke Evans).