Vos paupières battent lourdement. Votre vue est trouble. Vous réalisez que vous êtes dans une pièce aux murs sales, mal éclairée. Vous êtes attaché à une chaise, face à une caméra sur pieds. Un corps gît à côté de vous. L’homme se réveille… et cherche à vous aider. Non, vous ne rêvez pas. Vous jouez à Resident Evil VII Beginning Hour. Et connaissant le passif de la saga, vous vous attendiez à tout sauf à ça.
Attendu et murmuré depuis un moment déjà, Resident Evil VII s’est enfin montré à l’E3 2016 au cours d’un teaser atmosphérique façon Silent Hill. Ce n’est d’ailleurs pas le seul clin d’œil à la défunte série phare (et concurrente) de chez Konami : le jeu a été pensé pour se jouer en vue subjective, et une démo jouable a été mise en ligne le jour même de sa présentation. Les fans de survival horrors comme de la saga rivale gardent encore en mémoire la flippante démo de Silent Hills, le projet mort-né de Hideo Kojima. Retirée depuis du Playstation Store (salauds !), Capcom a dû se dire qu’il avait le champ libre pour lancer sans risque son propre « playable teaser » (P.T.).
Sauf qu’il y a l’art et la manière, surtout avec juste une poignée de minutes pour convaincre. Si Resident Evil VII Beginning Hour est un émule de Silent Hills P.T., ses mécaniques et son histoire le rendent, en revanche, beaucoup moins excitant et terrifiant. Les raisons ?
WTF… ?
1) En retard
Les jeux en vue subjective, ça ne date pas d’hier, et le procédé a déjà été particulièrement employé dans les survival horrors de ces dernières années. En 2016, on a déjà vécu moult expériences nerveuses (Dead Island, Dying Light), traumatisantes (Alien Isolation, Outlast) ou même expérimentales (Layers of Fear). Vendu comme un renouveau pour la franchise, Resident Evil VII arrive à la bourre et n’a a priori rien de novateur, surtout comparé à Silent Hills P.T. Le jeu final devra donc soigner sa forme pour faire la loi sur le marché.
2) Classique
Amérique rurale, bicoque délabrée aux planches de bois craquant, restes de nourriture putrescente… Rien de franchement « frais » dans la franchise depuis déjà RE 4 en 2005. Si l’expérience est toujours plus immersive techniquement, on se sent en terrain connu dans cette maison digne du tueur en série Ed Gein. Surtout que, démo oblige, la première expérience ne durera pas plus d’une quinzaine de minutes à moins de vraiment faire durer les choses, et ce malgré les quelques “embranchements” disponibles. Et ce premier contact n’a hélas rien d’original ni de franchement déstabilisant, avec ses quelques jump scares scriptés et prévisibles.
Qu’il s ‘agisse de ses références ciné ou JV, la démo cultive le déjà-vu.
3) “P.T. full !”
Cette démo jouable a clairement l’ambition d’être le nouveau Silent Hills P.T. Problème : en aussi peu de temps, ce dernier arrivait à faire chauffer à fond le trouillomètre. La tension était permanente (apparitions silencieuses, portes claquées, chose informe dans l’évier) et l’absence de contexte mettait vraiment mal à l’aise, un même couloir se répétant en permanence n’ayant rien de rationnel.
Notez d’ailleurs que comme chez Konami, vous vous réveillez en huis-clos sans mise en contexte et devez suivre un chemin tout aussi balisé. Originalité ici : la démo est coupée en son milieu par un passage « à la Paranormal Activity », le joueur prenant alors le contrôle du cameraman à l’origine du found footage. Hélas, ce bref tronçon ne fera sursauter personne à la manette, la référence et ses ficelles étant bien assimilées depuis dix ans.
L’emprunt au found footage est fidèle au genre.
Il y a du bon, quand même
Si ces points suggèrent une expérience de jeu décevante, elle n’a pas pour autant été désagréable. Certains aspects de cette démo sont réussis et d’autres intriguent, laissant espérer du bon pour l’avenir. Si l’ambiance et les sursauts ne sont pas efficaces pour les « connoisseurs » en cinéma et jeu vidéo, ces derniers devront reconnaître que l’atmosphère est irréprochable.
On se croirait plus que jamais dans Massacre à la tronçonneuse : les modélisations, animations et effets de caméra sont saisissants, l’obscurité oppressante, le travail sonore est formidable et les ficelles du genre sont parfaitement respectées. Quant au nom de la franchise, si le titre original de Resident Evil, « Bio Hazard » (« risque de contamination »), réduit beaucoup les possibilités (des expérimentations et des virus), une fois la démo terminée, le joueur finit tout de même par se poser des questions.
Quel est le rapport avec le reste ? Qui êtes-vous ? Où êtes-vous ? Pourquoi ce lien avec Umbrella ? A l’instar de P.T. on se demande légitimement si Resident Evil VII Beginning Hour est un préambule à l’aventure, ou juste un court-métrage destiné à nous mettre dans le bain. En attendant d’en savoir plus…
“Est-ce qu’ils nous surveillent de là-haut ?”
L’hélicoptère sur la photo arbore le logo de la funeste entreprise Umbrella. Pourquoi ?
Resident Evil VII Beginning Hour : back flippe arrière ?
Resident Evil VII Beginning Hour n’est pas le jeu de terreur du mois, loin s’en faut. Si votre serviteur avait flippé sa race devant Silent Hills P.T. dans son salon en plein jour les rideaux ouverts, ou sali son pantalon en jouant dans le noir à la première heure de Outlast, les choses furent beaucoup plus modérées ici. Il s’agit d’un teaser raté en cela que j’ai davantage eu “peur d’avoir peur”, sans que mon attente ne soit jamais récompensée. Si cet aperçu est représentatif de la globalité du futur Resident Evil VII, alors le retour de la franchise risque de laisser sceptique. Mais peut-être l’arbre cache-t-il une forêt dense et terrifiante pour qui s’y aventurera…
En revanche, s’il ne sera pas le renouveau du genre, la démo tease efficacement celui de la série de Capcom, obligée de muer pour la troisième fois de sa carrière si elle souhaite perdurer dans les charts autant que dans le cœur des joueurs. On a envie d’en voir plus, surtout qu’il manque à l’expérience un atout crucial : le casque Playstation VR, dont la sortie n’est prévue qu’à la fin de l’année, et avec lequel le jeu sera compatible. En janvier 2017, il ne sera plus possible de détourner le regard de son écran pour feindre l’indifférence. Alors seulement l’expérience révélera-t-elle tout son potentiel. En l’absence d’immersion totale, Resident Evil VII Beginning Hour n’aura été qu’un sympathique amuse-bouche au lieu d’un tour de grand huit. Dommage.
LES + :
- Le renouveau de la franchise.
- On a envie d’en savoir plus.
- Les références bien assimilées.
- La rejouabilité (la démo contient quelques secrets et embranchements).
LES – :
- Pas le renouveau du genre.
- On n’a presque pas peur.
- Les références et leurs ficelles sont trop usées pour marcher.
- Moins d’une demi-heure pour le boucler la première fois… en prenant son temps.