Dans Avengers l’Ere d’Ultron, les Vengeurs ont enfin récupéré le sceptre de Loki des mains des derniers bataillons de l’Hydra. Obsédé par l’idée d’une nouvelle invasion alien, Tony Stark trouve grâce au bâton magique le moyen de développer une nouvelle forme d’intelligence artificielle. Il espère qu’elle aura le pouvoir suffisant pour épauler voire surpasser les super-héros dans leur combat pour la paix mondiale. Tandis qu’Iron Man festoie avec sa troupe (laissant comme d’habitude son assistant J.A.R.V.I.S. bosser pour lui), “Ultron” s’éveille. Il n’a pas besoin de cinq secondes pour tout savoir sur le monde et décide alors d’envoyer un Terminator dans la passé pour tuer Sarah Connor d’éliminer les Vengeurs, seul obstacle à cette fameuse paix selon lui (cherchez pas). Il ne sera pas seul : les jumeaux Maximoff, plus connus sous les noms de Sorcière Rouge et Vif Argent, ne demandent qu’à l’aider pour se venger de Tony Stark, responsable selon eux des maux de leur enfance. Mais ces nouveaux adversaires, s’ils ont un même ennemi, ont-ils pour autant le même but ?
On l’a attendu, on l’a eu ! Avengers l’Ere d’Ultron débarque enfin en salles avec la promesse de faire basculer le Marvel Cinematic Universe dans une Phase 3 plus sombre et étoffée, ainsi que celle de nous offrir LE vilain qui justifie (en attendant Thanos) que les héros s’y mettent à vingt pour s’en sortir. Aux commandes : Joss Whedon, celui qui avait déjà réuni avec succès la team Marvel en 2012. Avec de telles promesses, impossible de se planter. Et pourtant, c’est tout le problème des promesses : n’en faites pas si vous n’êtes pas sûr de pouvoir les tenir.
Avengers l’Ere d’Ultron : la transition de phase
En sortant d’Avengers premier du nom, on avait un sentiment d’entièreté. Malgré ses défauts, l’humour du créateur de Buffy et sa capacité à gérer les dynamiques du groupe avaient fait des merveilles. Même si Tony Stark/Iron Man semblait légèrement mener la barque, Captain America, Hulk, même Thor (incroyable !) et des figurants comme Black Widow et Hawkeye y trouvaient leur compte. Malgré des promesses de surenchère quant à l’avenir du MCU, c’était la conclusion d’une période et un aboutissement dans le spectaculaire (le final généreux restera une référence pour des décennies).
Avec Avengers l’Ere d’Ultron, les ambitions étaient claires dès le départ : préparer une troisième phase over-the-top, avec son arrivée pléthorique de remplaçants potentiels au titre de membre du prochain rassemblement des Vengeurs (Ant-Man, Docteur Strange, Black Panther, Captain Marvel etc). Avengers 1 était un test, Avengers l’Ere d’Ultron est un lest, une ancre jetée par Marvel à partir de laquelle la boîte va pouvoir introduire son planning des cinq (dix ?) années à venir. On ne sera donc pas surpris que malgré un casting presque doublé (entre les têtes d’affiche et les caméos), des limites repoussées et le même réalisateur aux manettes, le goût soit altéré. Avengers l’Ere d’Ultron sent moins comme le film de Whedon que celui de son employeur, une commande que le monsieur avait certes envie de faire mais qu’il a depuis avoué avoir regrettée, tant cette expérience l’avait épuisé.
On le comprend, car cette suite malgré des moyens et efforts évidents s’avère moins divertissante et cohérente que la précédente (le film aurait subi pas mal de coupes malgré ses 2h20). Trop, c’est trop. Mais avant de passer pour un sinistre connard hypocrite, reconnaissons un travail titanesque et remarquable. Oui, Avengers : L’Ere d’Ultron est le film de super-héros le plus énorme qui soit. Malgré son overdose de références au passé et d’easter eggs annonçant l’avenir, votre famille ne se sera pas déplacée pour rien (gaffe à l’ambiance un rien dépressive pour les moins de dix ans, quand même). Alors qu’est-ce qui grippe dans le dernier effort de Joss Whedon, finalement ? Eh bien tout est dans le titre : les Avengers et l’ère d’Ultron.
Rassurez-vous : si vous avez payé pour ça, ça va le valoir.
Sombre film ou film qui sombre ?
Commençons par les Vengeurs, justement. Entre les stars de premier plan et les seconds rôles, restait-il vraiment de la place pour caser de nouveaux venus ? Malgré son talent avéré, Whedon a dû en baver pour essayer et malheureusement, 140 mn n’y suffisaient pas. Il y a certes le baron Von Machin (aussi vite évacué au début qu’il était introduit à la fin de Captain America : The Winter Soldier) mais aussi Vision, au look extrêmement kitsch, dont l’introduction est justifiée par un interminable et soporifique débat (c’est officiel : son interprète Paul Bettany est un abonné au foirage). Si ses origines sont intéressantes et son existence un sacré enjeu pour le futur troisième volet, on a vu meilleure entrée en matière. Sans parler de Scarlet Witch et son frangin QuickSilver, une valeur ajoutée somme toute relative à l’écran malgré leurs antécédents sur papier. On sent bien qu’il fallait faire plaisir aux fans et gonfler les rangs pour préparer la guerre d’infinité promise dans trois ans.
Avec tout ce petit monde, Joss Whedon pouvait s’en donner à cœur joie, lui qui avait si souvent su provoquer, gérer et résoudre les crises parmi ses précédentes bandes d’anti-héros (Buffy, Angel etc). Après la réussite du premier volet, il a désormais l’occasion de développer la vie privée, les rivalités voire complicités entre les Vengeurs (Civil War arrive, après tout). Hélas, certains loupent le coche inexplicablement : « Je vais voir un truc » balance Thor déjà sous exploité avant de se sauver pendant un tiers du film. Avec en plus l’arrivée d’Ultron, l’un des antagonistes les plus puissants et obstinés de l’écurie Marvel, il y avait matière à bousculer l’ordre des choses. Oui, mais…
“On n’était pas mari et femme dans Godzilla ? – Punaise, ça craint !”
Redite, pour voir ?
Tout ça, on l’a déjà fait ! Si Avengers l’Ere d’Ultron donne l’impression d’un Avengers 1.2 plus sombre, plus riche et finalement plus lourd que le précédent… c’est parce que c’est bel et bien le cas ! Et Ultron lui-même alourdit d’autant plus le problème. Whedon n’avait pas arrêté de nous bassiner en prétendant que le robot titre, une intelligence artificielle redoutablement retorse, devait être le méchant de cette suite. Malgré le potentiel énorme du personnage et un historique blindé ras-la-gueule de moments forts, Joss prend pourtant nos attentes à contre-pied tout en s’enlisant dans ses propres obsessions.
Petit récapitulatif : Ultron a tout du méchant whedonien ultime. Il s’agit d’une entité à l’origine et aux pouvoirs la dépassant largement, froide et pragmatique, mais paradoxalement fraîchement venue au monde. Il cherche ainsi, en tant qu’individu intelligent, à cacher qu’il est perdu dans ses considérations existentielles et submergé par ses émotions, surtout la peur de n’avoir aucun contrôle sur sa propre existence (« I got no strings on me » chante-t-il). Comme si cela ne suffisait pas, le personnage est évolutif, et depuis sa création dans la bédé, il n’a cessé de changer d’une forme à une autre plus aboutie. On a donc un ennemi capable d’apprendre de ses erreurs, abonné illimité à internet et déterminé à accomplir sa mission première : sauver le monde (l’Humanité est un autre problème). A priori, il y avait du potentiel pour le réalisateur-scénariste, une limite morale floue à exploiter et du boulot pour les Vengeurs…
“Et mon poing ? Tu l’as vu mon poing ?”
L’air d’Ultron
« Ultron » semble être la contraction « d’Ultra-con » pour Whedon. A sa décharge, Avengers l’Ere d’Ultron est un divertissement familial, une machine à pognon titanesque que le plus grand nombre devrait pouvoir aller voir sans se gratter la tête. Ainsi, après une naissance puis une crise d’adolescence expédiées, le bad guy prend vite fait forme humanoïde avec visage expressif (on dirait un personnage Pixar) et se met en tête de détruire les Avengers en les piégeant puis les montant les uns contre les autres.
Ça vous rappelle quelqu’un ? Loki n’est pas loin. Malheureusement, Whedon traite son méchant cyborg comme il avait écrit le dieu nordique dans le film précédent, à une différence de taille : Loki était déjà (grâce au Thor de Branagh) un ado turbulent et perturbé, et jouer sur cette nature lui donnait davantage d’épaisseur. Ici, ce comportement rabaisse carrément l’antagoniste, qui a seulement l’air d’Ultron, puisqu’il se comporte exactement de la même manière que son prédécesseur, humour infantile en option, et est sujet à de terribles sautes d’humeur. Un peu plus gênant, pour un type omnipotent aux ressources, aux connaissances et à la main d’oeuvre illimités, il ira jusqu’à kidnapper une scientifique pour bosser à sa place. La palme revient sans doute à sa question posée à ladite scientifique en plein travail : « ça va durer longtemps ? » Ben calcule, Monsieur l’ordinateur ! (Punaise ! Voilà que j’attends Terminator 5, maintenant !).
Finalement Ultron ne vaut pas mieux qu’un Malekith ou un Mandarin, les méchants Marvel les plus foirés jusqu’à présent. « I got no strings » se vante Dudul, or le film de Whedon n’arrive pas à se dépêtrer de ses propres ficelles. Le MCU entrera bien après cela dans une phase artistiquement plus sombre. Si elle sera plus mature en revanche, c’est un autre débat (par pitié, ne foirez pas Thanos, les enfants).
“C’est la fin pour toi, Harry Potter !”
Le début de la fin
On ne sort pas d’Avengers l’Ere d’Ultron comme du premier, c’est certain. Même si des déceptions étaient décelées dans les opus solo de la Phase 2, cet entre-deux suscite encore plus le doute voire la lassitude. On connaît maintenant la formule de l’humour whedonien (un type n’a pas le temps de finir sa phrase qu’il s’en prend une) et les épreuves habituelles auxquelles il confronte ses personnages. Que le papa de Firefly ait choisi de ne pas réitérer l’exploit une troisième fois est un soulagement mais aussi une inquiétude légitime. Il était sans doute aucun le meilleur choix au monde pour une telle entreprise.
Son ultime opus marque le début de la fin. Littéralement. Avec un calendrier de production Marvel surchargé jusqu’à la Saint Glinglin et en final le troisième opus axé sur la très attendue Infinity War (teasée gentiment à la fin d’Avengers l’Ere d’Ultron), le succès sera toujours là. Mais la question qu’on peut se poser en sortant de la nouvelle aventure des Vengeurs est : sera-t-on toujours excité par leurs exploits avant qu’arrive la conclusion de leur épique odyssée ?
Arrête de rigoler ! Le temps que tu lèves enfin ton gros cul, le public se sera déjà lassé !
LES + :
- Le spectacle est là. Il déborde même un peu trop.
LES – :
- C’est EXACTEMENT le même film que le premier, la surprise et l’intelligence (relative) en moins…
- Le film met en place beaucoup trop de personnages et d’intrigues à la fois.
Le premier volet des Avengers m’avait beaucoup plu, c’était rafraîchissant, j’avais eu l’impression de voir un blockbuster un peu différent des autres, avec des personnages attachants et pas trop bêtes (et pas encore atrocement puérils, comme me l’a prouvé par la suite Civil War)(coucou Tony, coucou Steve). Avec “The Winter Soldier”, cela reste mon favori de l’univers Marvel au cinéma (je n’y connais absolument rien en matière de comics).
Ce deuxième volet a entamé mon enthousiasme (et Civil War l’a définitivement achevé, mais c’est une autre question) : trop long, trop brouillon, trop bavard… Je saurais pas vraiment expliquer le pourquoi du comment, mais effectivement, on sent le temps passer. Un peu trop.