Tout le monde passera ses défauts à Fast & Furious 7 en invoquant l’hommage à Paul Walker et son esprit régressif bas de plafond, hérité de ses (sympathiques) petits frères numérotés 5 et 6. Parce que ce sont de gentils arguments, je vais me contenter de gentiment me moquer du dernier effort de James Wan. Mais ne cherchez pas midi à quatorze heures : s’il est sorti chez nous un 1er avril, c’est sûrement parce qu’en matière de cinéma, ce film est une très grosse plaisanterie.
La combine à nanar
A commencer par son histoire, qui promettait pourtant depuis la scène post générique du précédent opus. Deckard Shaw (Le Transporteur) est un type capable de dézinguer hors champ une unité d’élite à lui tout seul. Et il sera prêt à tout ici pour venger la mort le séjour à l’hôpital de son petit frère Owen, le baddy du film précédent. Passé une intro du personnage digne de The Equalizer (celui avec Denzel), on retrouve les amis de Dom…
“J’ai pas d’amis. J’ai une famille !”
Euh, OK. La famille de Dom n’aimant pas recevoir des bombes à la maison par recommandé, ils décident donc de partir traquer Big Brother Shaw. Intervient Mr Nobody (Kurt Russel) de la CIA. Ce dernier leur propose un McGuffin histoire de noyer le poisson : récupérer l’Oeil de Dieu, un programme capable en une demi-seconde de retrouver n’importe qui n’importe où dans le monde (coucou, Person of Interest).
Une fois brillamment contournée par nos héros la question de l’intérêt d’un tel plan (quand le but du méchant est justement de venir vous trouver), le festival de bêtise attendu commence : empoignades viriles entre stars de l’action (ROCK BOTTOM !), parachutage de bagnoles tunées, rocket jump impossible au-dessus d’Abu Dabi et chassés-croisés aériens dans les ruelles de Los Angeles constituent l’essentiel du spectacle. Rassurez-vous, je suis vraiment resté très très vague, histoire que vous puissiez encore vous gausser de plaisir, la générosité débordante de l’équipe étant toujours bienvenue. D’autant que le dernier tiers du film (le plus pétaradant) a heureusement été exclu des bandes-annonces.
Fast & Furious 7 est faste et fumeux
Question générosité, la franchise a grandi depuis ses débuts, en moyens comme en prétention (mais pas en neurones). La famille de Dominic Toretto s’est considérablement agrandie et a basculé dans un autre monde comme le dit si bien Nobody. Braquages, anciens SAS et programmes top-secret de la CIA ont su diversifier les enjeux de la série et reconvertir la troupe en équipe alternative d’espions capables de jouer dans la cour de Mission : Impossible et consorts.
Oui, mais voilà : il y a une nouvelle “formule” depuis Fast 5 (et même depuis le final barjo du quatrième). Et tant qu’elle rapporte, une formule ne se change pas. Décès de Paul Walker mis à part, le problème du film est qu’il comporte son lot d’obligations à ce fameux cahier des charges : personnages à foison (nouveaux venus et caméos), pistes prétextes (l’Oeil de Dieu), sous-intrigues bidons (l’amnésie de Letti) et surenchère abusive (faire plus fort que les précédents et que la concurrence). Le pire ennemi du film, septième d’une longue portée inespérée, c’est justement cet héritage et cette grande famille à nourrir, qui font partir l’histoire dans tous les sens alors qu’on nous promettait un enjeu minimaliste (œil pour œil).
Quand c’est trop, c’est trop. C’est d’autant plus grave que le plus pénalisé s’avère la plus-value vendeuse du métrage : Jason Statham. On attendait son implacable et burnée vengeance, on n’aura qu’un émule de Droopy surgissant à chaque fois au beau milieu d’une scène d’action, histoire d’envenimer un bordel déjà monstrueux… et de manquer inlassablement sa cible. Lui, dangereux ? Chuck Norris aurait fait mieux.
“J’ai paumé mon tickeeeeeeeet !”
Wan shot
Si l’argent se voit bien à l’écran au cours de scènes tour à tour blindées et bling-bling, la réalisation de James Wan fait mal tant elle est véritablement insipide. Combats au corps-à-corps filmés par un hystérique, scènes de poursuite confuses, effets de montage et de vitesse dignes de prods au rabais… Même dans les scènes de développement d’une incroyable longueur, on a du mal à y croire tant les répliques sont bateau et le cadrage plat. Certes, on doit à James Wan Saw, Dead Silence ou le méconnu Death Sentence (déjà une histoire de vengeance), il a su nous faire bondir avec des films de terreur aux jump scares faciles mais savants.
Mais il s’est depuis lentement vautré dans une répétition fatigante, alternant séquelles et déclinaisons de ses premières œuvres (Insidious 2, The Conjuring). C’est dire si l’on attendait de le voir enfin aux commandes d’un actioner nostalgique motorisé. Las, Fast & Furious 7 est une grosse machine bien huilée, avec ce que cela implique d’effets de style, de facilités d’écriture, mais surtout de redite sans saveur. L’attaque du bus blindé a le même parfum que celui du tank dans le précédent opus, Michelle Rodriguez se démonte cette fois la tête avec Ronda Roussey au lieu de Gina Carano, Tyrese Gibson ressort son numéro usé de black tchatcheur casse-bonbons etc. Un copiage d’autant plus douloureux que cette fois, l’argument de départ ne vaut rien (la vengeance de Shaw brasse constamment de l’air) et la faiblesse technique (à tour de rôle mise en scène ou montage) rabaisse l’ambition avérée de certaines scènes, comme le passage à Abu Dabi rappelant fatalement Mission : Impossible 4 en plus vulgaire et mal filmé.
Finalement, le passage de Wan aux manettes aura eu pour effet de tuer la maîtrise technique, le fun et l’attachement qu’avait su créer le réalisateur précédent, Justin Lin, parti aux dernières nouvelles briller sous les étoiles pour mettre en boîte le prochain Star Trek. Comme par hasard, il était aux manettes depuis F&F 3. On confirme qu’une sérieuse carte vient de tomber du paquet…
Spectre
Un atout au moins aussi précieux que Paul Walker, dont le décès aura davantage agité les réseaux sociaux que celui de Mandela. Ce n’est bien sûr pas sa faute d’être mort, cependant le retard d’un an de la production impliqua des promesses de prouesses digitales, de réécritures, et surtout d’un départ satisfaisant et émouvant pour son personnage. Bidon. Au contraire, on peut ricaner de ce final bouffi d’un sentimentalisme totalement injustifié et inapproprié dans le contexte du film même. On le sait depuis 3 épisodes déjà : l’important, c’est la famille. Lorsqu’un membre s’en va, c’est donc normal de s’émouvoir.
Mais lorsque approchent les dernières minutes de Fast & Furious 7, l’hommage à Paul Walker n’est pas subtilement amené. Il est appuyé de façon pachydermique avec force musique, soliloque du Vin en mode philosophe, montage des opus précédents et carton de remerciements posthumes. Sans doute sincère, mais on est loin des promesses… Plus dérangeant, lorsqu’il ne gigote pas dans des scènes d’action absurdes, Brian O’Conner (son personnage) passe déjà pour un souvenir dans son propre film. Lui, pourtant le héros, le yin du yang de Toretto, est plus fréquemment vu comme une silhouette de dos ou marchant au loin, voire comme un masque morbide incapable de prononcer plus de cinq mots.
La technique est (presque) irréprochable, les cache-misère marchent…. Mais que penser avec du recul de cette scène d’enterrement où la famille réunie pleure la mort de Han tué par Deckard Shaw ? Parmi tous ces humains figés ruminant leur chagrin, le mutisme et la rigidité de Paul Walker (fréquentes dans le reste du film) interpellent, posent le doute, mettent mal à l’aise… Alors qu’en réalité, il était encore bien vivant lors du tournage. Un funeste présage, tant sa disparition a sonné le glas pour la cohérence du film. Ce n’est pas une surprise, mais face au métrage fini, je ne m’attendais pas à une telle tragédie.
Bilan technique
En résumé, Fast & Furious 7 mérite bien d’être qualifié de pétard mouillé, qu’on imputera trop facilement aux problèmes liés à la mort de l’acteur fétiche. Mais tant de belles promesses gâchées ne peuvent pas être dues qu’au hasard. Après une relative innovation du concept (Fast 5) et son exploration poussée (Furious 6), Fast & Furious 7 n’est pas “kiffant” car il s’enlise dans ce que l’on a toujours fait de pire en matière de séquelles et de divertissement : une redite à l’enrobage bâclé (bastons et courses illisibles), amputé d’un de ses membres porteurs, et traitant n’importe comment ses quelques bonnes idées (“Pikaboo” pourrait crier Statham).
Cela dit, si vous aimez “Da Rooooock !”, sachez que pour son temps d’apparition réduit, le bougre en remet une couche dans le registre de la brute épaisse badass aux répliques badass. Il serait peut-être temps de lui offrir un spin-off à lui tout seul ?
“Coooooooontaaaaaaaaaaaact !”
PS : Message au public majoritaire de la séance d’aujourd’hui ! Si tu as entre 8 et 20 ans, portes une casquette à l’envers, aimes poser tes pieds sur le dossier devant toi, textes pendant le film, si enfin tu parles mal, fort et sans considération pour les autres personnes dans la salle… t’es un connard. Eh oui. >_<
LES + :
- Des scènes d’action que même gamin dans ta tête t’as jamais osé rêver, yo !
- Ça fait du bien une générosité et une connerie comme ça…
LES – :
- On se rend compte de la mégalomanie grandissante de Vin Diesel acteur-producteur.
- On sent que la mort de Paul Walker a porté malheur au film (réécriture et hommage à côté de la plaque).
- … mais que ce truc soit l’un des succès financiers les plus importants de l’histoire du cinéma, ça me fait me dire que le monde a un gros problème générationnel.