Dominika Egorova (Jennifer Lawrence) est une jeune étoile russe de la danse, déchue après que son partenaire lui ait « maladroitement » pété la guibolle en pleine représentation. Des mois plus tard, elle est rétablie mais sans avenir, avec une mère malade sur les bras. Son oncle Vanya (Matthias Schoenaerts), chef en second du SVR, le KGB post-Guerre froide, lui offre alors de devenir espionne. Dominika intègre donc l’école des « moineaux » (d’où « Red Sparrow »), où de jeunes hommes et femmes apprennent l’art de la manipulation et de la séduction. Malgré un cursus difficile, Tonton vient rapidement la chercher pour approcher un agent de la CIA (Joel Edgerton). L’enjeu est de découvrir l’identité d’une taupe au sein du gouvernement russe. Mais pour Dominika, la vraie mission sera de trouver comment sortir de l’engrenage dans lequel elle s’est retrouvée…
Nouveau représentant du thriller d’espionnage porté par une femme fatale, Red Sparrow n’a rien d’un film d’action post-Jason Bourne, et ne possède de près ni de loin aucune scène nerveuse digne de ce nom. Le dernier film de Francis Lawrence (Je suis une légende, Hunger Games) est un pur jeu de manipulations/trahisons, réussi par ailleurs. Il s’avère prenant, atmosphérique, esthétique, et son côté glaçant évoque si bien la Guerre dite « froide » que sans l’intégration de smartphones, on croirait que l’intrigue se déroule trente ans en arrière.
Le fantôme de la Guerre froide
Red Sparrow est techniquement irréprochable, la lumière est magnifique et la mise en scène appliquée. Pourtant, malgré son air vintage, il ne se déroule pas dans les années 80 comme le récent Atomic Blonde (autre exemple d’une espionne à l’ancienne qui en bave, mais différemment). Ici, les seuls piégés dans un passé politique jamais mort à leurs yeux, ce sont les protagonistes, un aspect du film qui rappelle aussi Salt de Philip Noyce. Et le casting est à la hauteur du ressenti, vu tous les vieux briscards ayant répondu présent (Jeremy Irons, Ciaran Hinds, Charlotte Rampling, Marie-Louise Parker etc.).
L’actioner avec Charlize Theron offrait morceaux de bravoure et tubes entraînants. Dans Red Sparrow, on ne « s’éclate » pas autant. La violence est presque toujours brève, anecdotique ou figée dans des tableaux glaçants. Mais lorsqu’elle s’exprime, elle marque (au propre comme au figuré), à l’image d’une scène de torture parmi les plus saignantes et douloureuses que j’aie vues dernièrement.
Red Sparrow déglingue les genres
Une seule chose s’avère plus dérangeante encore dans Red Sparrow, mais son interprétation dépendra de votre débat du moment. Le film met en scène une femme intelligence et psychologiquement forte, même si pas particulièrement héroïque. « Hourra » crieront certaines ? Pas forcément. Si Dominika finit par arriver quelque part, elle aura auparavant été violée (sa mission d’essai), abusée (le traitement subi à l’école des moineaux) et violentée (le SVR ne fait pas de cadeaux aux traîtres, même supposés).
Les hommes ? On n’est pas gâtés : entre le patron obsédé, le tortionnaire sadique, le violeur de douche typique, et un baiser incestueux non rejeté, la J-Law est très mal entourée. Alors du coup : héroïne modèle d’un sexe plus fort que les préjugés, ou énième victime du mâle qui la façonne comme il se la représente (un outil et une p*tain) ? Soyez prévenus, messieurs-dames : qu’on le croie féministe ou misogyne, Red Sparrow saura faire honte aux deux sexes.
LES + :
- Pour les nostalgiques, un thriller d’espionnage beau et prenant.
- La Guerre froide est un état d’esprit, et il est bien vivant à l’écran.
- Une scène de torture qui fait frissonner.
LES – :
- Ça va encore jaser quant à savoir si le film est féministe ou misogyne. Mais bon, la belle est une héroïne et les hommes (presque) tous des salauds, alors les deux se tiennent. ^^