Saïd (Sami Bouajila) a un cancer en phase terminale, une fille sourde et une scierie qui lui rapporte plus de dettes qu’autre chose. On n’a pas envie d’être à sa place, mais pour un drame facile, sa situation vaut de l’or. Parmi les jeunes en conditionnelle qu’il embauche, l’un d’eux a accepté, sous la contrainte, de planquer plusieurs kilos d’héroïne sur le site. Souci : cette héroïne, Adama (Eriq Ebouaney) veut à tout prix la récupérer. Pas dupe, Saïd sent venir les ennuis. Après avoir renvoyé tout le monde chez lui et appelé la police, il doit dealer avec les dealers, « John McClane style », en attendant que les secours arrivent…
Voici le nouveau long métrage de Julien Leclercq, après Braqueurs et Lukas. Du film de genre carré, pas forcément du goût de tous ni très subtil, mais le parfait moulin à clics pour Netflix, dont La Terre est le Sang est une exclusivité. Et on a très peur au début, tellement ça sent la facilité et l’acting « à la française ». À part un braquage bien tendu pour ouvrir le bal, les dix premières minutes enchaînent des moments qui font franchement grincer des dents.
Comme ce médecin qui annonce à Saïd son cancer, et dont je n’ai aucun mal à croire qu’il s’agit d’un vrai médecin, tant les dix mots qu’il prononce ont l’air totalement récités. Ou l’échange qui s’ensuit entre Saïd et Catherine, où tout ce que vous avez besoin de savoir est dit platement, avec beaucoup de difficulté à nous faire croire au naturel de la conversation. Bref, ça part mal, et ça fait craindre que malgré ses 1h20, générique compris, le film soit une erreur à regarder.
Anachronique et régressif… comme on les aime
Mais après ces dix minutes, on sort enfin de la zone d’inconfort pour entrer, progressivement, dans le divertissement promis. La mise en place est un peu moins laborieuse, et dans sa deuxième moitié, quand tout est prêt, La Terre et le Sang nous donne enfin ce qu’on attendait. C’est un sous-Piège de Cristal à la française (dont certains ressorts dramatiques que je ne spoilerai pas) mais qui n’oublie pas le ludisme de rigueur. Il fait même plus : il subvertit nos attentes. Le traitement s’éloigne volontiers du film de McTiernan pour rappeler davantage le dernier opus de Rambo.
J’ai comparé Saïd à John McClane, mais à dire vrai, il tient plus de John Rambo cuvée 2019. Je sais bien qu’il n’a plus rien à perdre (le cancer, tout ça). Mais la facilité, le sadisme et même la gratuité avec laquelle il flingue, scie et torture des racailles m’ont fait pousser des rires de surprise tout au long du film. Même si, il faut le reconnaître, on rit une fois ou deux d’embarras devant l’incongruité de scènes totalement assumées, comme une course-poursuite impliquant un tracteur (vas-y pour rendre ça nerveux…). Mais c’est toujours livré avec un sérieux et une envie évidente de bien faire malgré les moyens.
La Terre et le Sang est un film humble et franc, qui se moque de justifier ses moments de gloire. Pas besoin de se défouler dessus en le traitant de navet. Ce n’est même pas un nanar. Il est dans la lignée des petits films d’exploitation italiens des 70s, qui pillaient à leur sauce les modèles américains à moindre coût, et offraient exactement ce qu’ils promettaient : de quoi se divertir pendant une heure et demi.
La Terre et le Sang, moralité
Si vous aimez les déclinaisons de Die Hard, les polars d’action français (comme ceux de Fred Cavayé), ou même ces deux magnifiques gueules que sont Sami Bouajila et Eriq Ebouaney, tentez le coup. Ce ne sont que quatre-vingt minutes, après tout. Qu’est-ce que vous risquez, à part quelques éclats de rire ? Vous verrez bien si c’est parce que vous aimez ou si c’est pour vous moquer.
LES + :
- Le face-à-face entre deux bonnes gueules du ciné franchouillard actuel (Sami Bouajila et Eriq Ebouaney).
- Des mises à mort barbares et gratuites qui font sourire.
- Ça sent une vraie envie de cinéma de genre simple et sans prise de tête.
LES – :
- Ça commence avec les pires tares du cinéma français.
- On peut parfois rire aux dépens du film, au lieu de rire avec lui.
- Vous l’oublierez vite, comme presque tous les films d’exploitation, réussis ou non.