Cécilia (Elisabeth Moss) est mariée à Adrian, un riche scientifique, mais aussi un maniaque du contrôle. N’en pouvant plus de sa vie étouffante, elle décide de s’enfuir au beau milieu de la nuit. Cette scène tendue nous fait d’ailleurs vite comprendre combien Adrian est potentiellement dangereux (même le chien veut se sauver pendant que son maître roupille, c’est dire !). Malheureusement, son mari l’a très mal pris. Mais plutôt que d’organiser sa défense publique sur Twitter, comme toutes les personnes intelligentes aujourd’hui (hem), il préfère se donner la mort. D’abord soulagée, Cécilia va rapidement devenir parano, sentant inexplicablement la présence de son ex rôder autour d’elle. Et pour cause, le film s’appelant sans ambiguïté « Invisible Man » ! Honnêtement, vous vous attendiez à quoi ?
Invisible Man est le troisième effort à la réalisation de Leigh Whannell, après Insidious 3 et Upgrade. C’est aussi le ixième effort de Blumhouse Productions pour maximiser les profits, en combinant « micro budget » et « high concept ». Ici, le high concept est double. Non seulement on modernise le mythe de l’Homme invisible, mais on l’actualise le plus possible en cette belle époque de #MeToo et de scandales sexuels à la chaîne. Succès critique et public assuré ! Mais autant être honnête, ici, le succès est plutôt mérité.
L’homme invisible, c’est du vent !
Parce que Invisible Man, pour opportuniste que soit son orientation, fonctionne en tant que film. C’est une série B très bien troussée par un réalisateur qui sait créer la tension à partir de rien. La caméra s’attarde fréquemment sur un coin de pièce vide, ou privilégie des plans trop larges pouvant ressembler à du gâchis dans un autre film. Mais ici, l’espace inoccupé suggère évidemment la présence d’Adrian, pay-off ou non à l’arrivée, en fonction des scènes (tout peut arriver… ou pas).
Les défauts d’Invisible Man n’en sont pas vraiment compte tenu du genre et de son budget. Concentré sur le suspense, il a parfois tendance à trop tirer sur l’élastique (menant à un film de 2h quand même). Certaines décisions des personnages ou leur incapacité à communiquer à des moments clés sont surprenants. Le métrage se repose un peu trop sur la musique pour provoquer des jump scares (certes efficacement). Enfin, on n’élucide jamais des points pourtant importants dans les machinations d’Adrian. À la question très légitime posée par un flic : « Comment a-t-il fait ceci ou cela ? », Cécilia n’a d’autre explication que : « Parce qu’il est brillant et c’est ce qu’il fait le mieux ! » OK. On va dire que ça passe.
Série B d’actualité
Pour le côté « Me Too », Invisible Man s’en sort beaucoup mieux que des étrons propagandistes comme Terminator Dark Fate ou Charlie’s Angels, par exemple. Déjà, par la maîtrise du récit. Rester cohérent et impliquant jusqu’au bout est donc possible. Ensuite, parce que Cécilia est un personnage féminin auquel on s’attache, grâce à la combinaison entre son écriture, son interprétation, et le fait que c’est son film, son point de vue du premier au dernier plan. C’est l’histoire d’une femme qui se bat pour se libérer d’un monstre à forme humaine.
Et Invisible Man devient fascinant quand on creuse. Adrian est l’incarnation extrême du mâle pervers, narcissique, dominant, puissant et retors. Il est plus mauvais que les mauvais condamnés aujourd’hui, une vraie invention de cinéma (dans le bon sens). Dans les films les plus iconiques ou marquants sur le thème, l’Homme invisible a souvent été représenté comme l’homme devenant monstre une fois enivré par ce pouvoir. Il portait en lui des germes de Mal que l’invention allait faire éclore.
Ce n’est pas le cas d’Adrian, qui a toujours été un monstre (cf. sa relation avec son frère). Et à l’époque actuelle, des monstres dans son genre, on aimerait qu’ils disparaissent, et eux aimeraient qu’on les ignore. Adrian a trouvé le moyen d’avoir les deux, grâce à une technologie elle aussi ancrée dans l’actualité. Malheureusement, elle lui permet de faire encore plus de mal. Certes, au final, la justice sociale l’emporte. Mais le film insinue une rengaine très vieille, mais très appropriée : faites gaffe à ce que vous souhaitez.
LES + :
- Série B bien troussée.
- MeToo sans le “too much”.
- Sans surprise, les effets spéciaux sont excellents (quand il y a quelque chose à voir ^^ ).
LES – :
- Les clichés de la série B (décisions bizarres, trous scénaristiques).