Child’s play se déroule dans un futur proche alternatif. Google s’appelle en réalité Kaslan, et ils font toutes sortes de trucs connectés. Des taxis sans chauffeur aux climatiseurs, en passant par la télévision, tout fonctionne en Bluetooth. Y compris la dernière innovation douteuse de la boîte : Buddi, la poupée qui parle, marche, et éventuellement fait tourner votre maison. Mais voilà, parmi toutes ces hideuses petites poupées, l’une d’entre elles déconne. Dépourvue de toute restriction en terme d’apprentissage, de language et de moralité, elle va se retrouver entre les mains d’Andy Barclay (Gabriel Bateman), un ado esseulé récemment privé de père. Si au début, l’amitié avec « Chucky » (Mark Hamill) va très bien se passer, l’adorable chose va vite montrer des signes évidents de psychopathie. Même s’il veut bien faire, Chucky va s’avérer toujours plus possessif envers Andy, et agressif envers ceux qui lui veulent « du mal »…
Il y avait tout à craindre d’un remake de Child’s play de Tom Holland (1988). Surtout que les producteurs annonçaient une réactualisation totale. Chucky serait maintenant une poupée connectée détraquée, au lieu d’un serial killer réincarné dans un jouet inoffensif. Or finalement, tout l’intérêt, et la différence bienvenue, se trouve là.
Child’s play : le monde de demain aujourd’hui
Déjà, Child’s play 2019 se montre plus en phase avec notre époque sur-connectée et ses dérives, réelles et potentielles. L’original n’était « que » un slasher de plus. Mais il intronisait pour des décennies à venir une énième figure du Mal aussi délirante que fantastique (après Jason et Freddy, par exemple). Même si elle enfonce un peu des portes ouvertes thématiquement parlant, cette version 2019 injecte quand même du sang neuf à la franchise, à défaut du cinéma en général.
Néanmoins, cette mise en garde fonctionne bien, et encore plus à partir du moment où Chucky gagne en autonomie. Il y acquiert de plus le pouvoir d’accéder au Cloud et de faire dix fois plus de mal à autrui. Mais surtout, cette approche change complètement le caractère et l’évolution du personnage phare. Ce qui nous amène au deuxième point, à savoir la relecture même du rôle que revêt Chucky aux yeux d’Andy dans sa cellule familiale.
Contrôle parental
Dans Child’s play 2019, Chucky n’est plus un adulte coincé dans la poupée d’un petit garçon influençable et en manque de figure paternelle. Cette fois, c’est Chucky qui revêt le rôle de l’enfant, remis entre les mains d’un Andy ado, et donc beaucoup plus mature. Or, devenir parent aussi jeune est une lourde responsabilité à laquelle Andy n’est pas préparé.
Même s’il comprend très tôt que sa poupée est différente, il n’hésite pas à exposer son meilleur ami à des mots, des images et des comportements que la poupée n’est pas « en âge » de comprendre. Chucky apprend donc ce que c’est que s’amuser essentiellement via des jeux d’enfants douteux, des films d’horreur et Internet. La première fois que Chucky saisit un couteau “avec de bonnes intentions”, il y a de quoi frissonner.
Child’s play, slasher artificiel ?
On pourrait croire que le soufflé (et le QI du film) retombe dans la deuxième moitié de Child’s play 2019, quand Chucky devient meurtrier. Surtout que les personnages secondaires sont à peine esquissés. On pense aux amis d’Andy, très peu présents, mais surtout à ce concierge immonde à peine présenté, qui arrive soudain pour relancer l’intrigue de la plus saugrenue des façons. En plus de cela, Chucky obtient l’accès au Cloud. Il possède alors immédiatement des dons de hacker difficilement crédibles. Et il s’en sert à peine dans le face-à-face final, étrangement terne comparé à celui du film d’origine. Dommage.
De son côté, Mark Hamill prête sa voix à Chucky. Dur de succéder à Brad Dourif (le Chucky d’origine), mais aussi de donner une performance différente du Joker de la série animée Batman. Le pari n’est qu’à moitié réussi. Mais malgré son hésitation ou incertitude parfois sensible dans sa voix, rappelons que ce Chucky-ci est comme un enfant cherchant un sens à sa vie. Si suite il y a, l’acteur pourra sûrement se lâcher complètement, pour notre plus grand plaisir.
Bêtise intelligente
Cette relance sur les rails du pur slasher est donc moins inspirée que les trente premières minutes de film, efficaces et parfois touchantes. Mais nous sommes en présence d’un slasher à l’ancienne, inspiré par un des représentants du genre. Child’s play 2019 n’a pas oublié qu’il avait le droit, et limite l’obligation par son concept, d’être idiot et amusant. D’autant que le film justifie habilement le comportement de « tueur de cinéma » de Chucky. Sa tendance aux jump scares provient des jeux auxquels il s’est adonné avec Andy. Son goût pour l’horreur grand-guignolesque lui vient des films de Tobe Hooper. Et ses punchlines sont empruntées aux phénomènes Internet (« This is for Tupac, bitch ! »).
Enfin, certes, le film joue fortement avec notre suspension d’incrédulité, pas toujours pour le meilleur. Par exemple, lorsqu’Andy s’obstine à garder le secret sur Chucky après ses premières frasques sanglantes, ou quand sa mère contrariée refuse avec insistance de voir la preuve de ce qu’il avance. Mais dans d’autres cas, Child’s play 2019 se sert de ça comme ressort comique et vecteur de tension. On pense ici fortement au gag du « cadeau » de Chucky, dont les conséquences sont aussi drôles que tendues.
« Are we having fun yet ? »
Child’s play 2019 n’est pas parfait. Mais il mérite bien plus de crédit qu’on ne voudrait lui en donner de prime abord. Remake habile, il est conscient de ses racines de pur slasher à l’ancienne (défauts inclus), mais il sait en jouer. Il les justifie même via son argument : un jouet qui apprend, et pas forcément sur le meilleur modèle. Le message sur la responsabilité des parents est au moins aussi fort que celui sur les dangers de la sur-connectivité ou de l’influence du cinéma sur nos chers anges.
Pas besoin de lancer un débat là-dessus. Le film emprunte quand même pas mal de raccourcis et évite d’évoquer à voix haute le problème. Ce nouveau Child’s play est bien ce qu’on espérait : un divertissement sans prise de tête. Mais son propos suffit à faire réfléchir à bien plus de choses qu’il n’y paraît. C’est quand même une prouesse que d’autres remakes du genre (Vendredi 13, Les Griffes de la Nuit) n’ont jamais pu accomplir.
LES + :
- Un vrai remake, qui fait son propre truc en mettant le passé de côté, et qui le fait bien.
- La relation entre Andy et Chucky, tantôt touchante, tantôt flippante.
- La psychologie de Chucky, dont l’évolution crescendo fait parfois réellement frissonner.
- Une réelle façon de jouer sur les ficelles du film de slasher.
- Des effets spéciaux, du gore et de l’humour macabre plutôt réussis.
LES – :
- Des facilités dans le scénario. Des personnages sont à peine esquissés et leurs comportements sont parfois durs à avaler. Les déplacements de Chucky en ville sont esquivés, et le Bluetooth fonctionne partout comme par magie.
- On sent Mark Hamill encore un peu hésitant dans les baskets de Chucky.
- Qui fabriquerait une poupée aussi laide ? Et qui l’achèterait ?!