A Plague Tale : Innocence se déroule en 1348. Toute la Gaulle France est occupée. Toute ? Il faut croire que oui, puisque lorsque Amicia De Rune rentre chez elle avec son père, elle se retrouve nez à nez avec des inquisiteurs Anglais, prêts à mettre le feu au domaine familial. Ils sont là pour Hugo, le petit frère de cinq ans de notre héroïne. Hugo est un bout de chou chétif qui a rarement vu sa sœur, car il a vécu dans sa chambre quasiment toute sa vie. Il est victime d’un mal étrange que sa mère a toujours combattu. Mais après que le redoutable Nicholas a tué Papa et empalé Maman, Amicia et Hugo n’ont d’autre choix que de s’enfuir ensemble. Ils vont devoir nouer des liens fissa s’ils veulent s’entraider et survivre dans ce pays ravagé par la peste et la guerre. Mais surtout, il y a des rats, des nuées de rats voraces mus par une force surnaturelle et destructrice. Bref, « viv’ le Fronce ! » comme on dit chez l’Oncle Sam…
A Plague Tale : Innocence, c’est un peu la bonne surprise sortie de nulle part. Mon premier contact direct avec ce jeu (hormis des publicités Youtube que je m’étais empressé de zapper) a été le jour de mon anniversaire, lorsqu’on me l’a offert. « Tu vas voir, c’est trop bien ! » m’a-t-on assuré. Et j’ai été agréablement surpris et positivement emballé.
Le jeu est d’une beauté plutôt renversante.
The Last of France
Car vu son pitch, je croyais au début que ce jeu était une espèce de point n’ click (ça existe encore, au fait ?) ou un autre RPG, genres auxquels je ne joue que très (trop) peu. Franchement, qui va sortir un jeu d’action-infiltration narratif situé dans la vieille France ? Quand je repense au jeu tiré des Visiteurs sur PS One, j’ai encore envie de vomir… Sauf que j’aurais dû m’y intéresser d’un peu plus près. Car s’il n’invente rien ou alors pas vraiment, A Plague Tale : Innocence fait très bien son truc. Il parvient à exister par lui-même, dans un genre où les incontournables sont pourtant nombreux (Uncharted, Tomb Raider, etc.).
Fatalement, quand on pense à un binôme traversant furtivement des décors bucoliques ravagés par un mal redoutable, et au périple ponctué de rencontres hargneuses, le déclic est évident. Remplacez le cordyceps par la peste, les infectés par des rats, et les pillards par les Anglais, et dans l’esprit, vous avez un The Last of Us bis. Mais si l’inspiration du hit de Naughty Dog saute aux yeux, A Plague Tale : Innocence dispose d’atouts de charme et d’idées qui lui font mériter ses propres louanges.
L’Alchimie joue un rôle important dans l’histoire d’Amicia et Hugo.
Vive la France, donc
La première idée de charme de A Plague Tale : Innocence est son contexte et sa représentation. La vieille France, avec ses forêts, ses aqueducs, ses clairières ou encore ses demeures en pierre, est si joliment retranscrite qu’on a vraiment l’impression d’avoir remonté les temps. Et puis, l’environnement a bénéficié d’un soin manifeste à le rendre aussi vivant que possible (les oies et les cochons font leur petite vie). Quant à la technique, le jeu impressionne par sa direction artistique, et son moteur 3D est plus que convaincant. Sans parler de l’environnement sonore impeccable, de la bande son emplie de mélancolie et d’un doublage français très bon.
Les costumes des personnages sont au diapason. Ils s’inscrivent bien dans l’époque moyenâgeuse, avec ses chevaliers, ses gueux, et des montagnes de cadavres pestiférés. Mais les développeurs n’oublient pas pour autant de donner l’air cool à votre héroïne. Si Amicia porte des bas craignos typiques en début d’aventure, elle ne tarde pas à se « customiser » un peu pour notre plus grand plaisir (rappelant au passage l’héroïne de Horizon : Zero Dawn).
Le jeu devient toujours plus sombre et tragique à mesure que progresse votre quête.
Un jeu frondeur
Mais attention : vous jouez avant tout une ado inexpérimentée accompagnée d’un gnome qui découvre le monde. Le but de cette aventure est donc avant tout de vous faufiler pour éviter les ennuis. L’un des petits plus du jeu, c’est votre fronde, une arme assez atypique. Et elle est plutôt dure à manier au début, surtout dans l’urgence. Mais elle va vous servir pour tout ou presque, comme arme ou comme outil de diversion. Elle permet aussi bien d’assommer des types que de briser des lanternes. Bien sûr, vous pouvez en customiser la portée, la force, ou la capacité, en passant fréquemment devant un atelier comme dans The Last of Us.
Mais A Plague Tale : Innocence ne révèle tout son potentiel qu’une fois cette fronde combinée au petit truc inattendu : l’alchimie. Grâce aux alliés que vous rencontrerez, vous allez apprendre à fabriquer des munitions sympas aux utilisations variées. Par exemple, vous pourrez aussi bien allumer des torches pour éclairer votre chemin qu’éteindre celles près de vos ennemis pour les rendre plus vulnérables, ou carrément les empuantir afin de lâcher sur eux des nuées de rats voraces.
Restez en hauteur ou dans la lumière pour espérer échapper aux rats.
“Père… Il y avait des rats.”
Car oui, on l’a dit, il y a des rats. Plein de rats. Partout. Et il faudra parfois les dégager de votre chemin en les orientant vers celui de vos ennemis. On salue du coup l’aspect stratégique du titre, bien que linéaire et fréquemment dirigiste (ce qui n’est pas une surprise dans le cadre d’un jeu d’action narratif). Vous vous trouverez souvent dans des arènes assez larges ou alambiquées, où les possibilités pour passer sont variées.
Et les sales bêtes ont des attitudes diverses suivant les circonstances. Tantôt obstacles à écarter à l’aide de puzzles lumineux ou d’appâts, tantôt menace agressive qu’il va falloir repousser par la force ou la ruse. Adressons d’ailleurs une mention spéciale au boss final du jeu, original et singulier. Sans parler qu’à mi-chemin de A Plague Tale : Innocence, vous verrez et utiliserez les rats d’une tout autre façon. Cela renouvelle quelque peu les mécaniques de jeu, et apporte un regard neuf sur cette « menace » aux dents longues.
Plus le jeu avance, plus les rats font des trucs… bizarres.
A Plague Tale : Innocence n’est pas parfait pour autant
Simples et efficaces, ces mécaniques renouvellent nos habitudes mais les déstabilisent aussi. La fronde et ses munitions permettent beaucoup d’approches. Malheureusement, vos possibilités ne sont pas toujours facilitées par la maniabilité de votre arme ou les circonstances stressantes auxquelles vous ferez parfois face.
Le gameplay a fait ses preuves, mais A Plague Tale : Innocence souffle parfois le chaud et le froid. Il y a des passages à la simplicité enfantine (les séquences furtives avec Hugo ne vous feront pas suer). D’autres sont ardus parce qu’abusés (une vigie vous voit à cent mètres sans pouvoir éviter son regard, il faut escorter une carriole sous les assauts de gardes véloces…). Et le placement peu judicieux des checkpoints enrage parfois plus qu’autre chose. Se retaper la même conversation ou animation avant le combat pour la dixième fois, non merci !
Rayon histoire enfin, on va de rencontres en surprises, mais avec un sentiment à la fois de trop peu et d’accomplissement. Quand vient le générique de fin, on a l’impression que le jeu est allé au bout de son histoire et de son concept, et on est un peu déçu de ne pas en avoir plus. A Plague Tale : Innocence est en fait à l’image de son boss final : il est autant une bonne surprise qu’une affaire vite expédiée… et c’est dommage.
La relation avec votre petit frère compte plus que tout.
Bilan avec les dents
Voilà une excellente surprise que A Plague Tale : Innocence, émulation réussie de la formule The Last of Us. Il demeure toutefois un jeu d’action-infiltration narratif, c’est-à-dire archi-scripté. Mais de ce point de vue, il est magnifique et joliment raconté. L’histoire vous tient en haleine de bout en bout par sa plus-value (contexte, direction artistique et idées). Merci donc aux développeurs de chez Asobo Studio pour cette escapade rafraîchissante, et qui vous fait crier : « Cocorico et vive la France ! »
LES + :
- Le contexte atypique de la France moyenâgeuse.
- La direction artistique réussie.
- Le doublage français fort plaisant.
- La fronde et ses munitions aux possibilités sympathiques.
LES – :
- Quelques passages abusés (trop faciles ou très durs).
- Un sentiment de manque arrivé au terme de l’aventure.
- J’ai ouï dire que A Plague Tale : Innocence n’aura pas de suite et c’est bien dommage, surtout avec son titre inutilement ouvert à la déclinaison (A Plague Tale : Resurgence, A Plague Tale : Resurrection, A Plague Tale : Ragnarok, A Plague Tale : Redemption, etc.).