1975. La guerre du Vietnam est terminée. Randa (John Goodman), de l’organisation gouvernementale Monarch, embarque pour une mission sur Skull Island dans l’espoir de prouver l’existence de MUTOs, monstres préhistoriques géants susceptibles d’anéantir la race humaine. Flanqué d’une photographe de guerre (Brie Larson), l’équipe de Monarch débarque en hélico avec l’escadron Fox du colonel Packard (El fucking Jackson) et la protection rapprochée de Nathan Drake Conrad (Tom Hiddelston), un ex-SAS aux talents de pisteur. Le temps de dire « clichés ! », ils tombent direct sur un os : un singe hyper géant qui, en bon ermite, n’aime pas qu’on s’invite chez lui. Rapidement décimés et cloués au sol, les Fox vont découvrir que l’île réserve de plus mauvaises surprises que le grand Kong qui les a accueillis…
Pris pour un Kong
J’aurais tellement voulu détester ce film. Cette énième production d’un ixième studio, vouée encore une fois à démarrer un autre univers étendu. Une nouvelle bande-annonce géante avec que des bonnes idées mais aucune bonne intention. C’est vrai, Kong : Skull Island fait partie de cette grande famille. Sauf que voilà, il a sûrement été pondu soit par des sournois ayant appris de quelques unes des erreurs passées, soit par de grands enfants inconscients de ce qu’est le cinéma à la base, et n’ayant rien à fiche de la routine qu’implique ce qu’il convient d’appeler la « formule Marvel ». Un gros défaut qui devient sa première qualité.
Déjà, on a l’impression que Kong nie carrément le Cinéma en tant qu’art. Si le but de l’Art est de susciter des émotions – à défaut de réflexion – dans le cerveau de sa « cible », alors ce film n’en est pas un, malgré ses efforts appuyés et le talent de son équipe technique. C’est vrai : les plans sont beaux. Ils ont de la gueule. Les ralentis claquent. Mais la sur-esthétisation ne provoque aucune des émotions espérées. L’émerveillement, la peur, le doute, même une certaine euphorie, Kong ne génère rien de tout ça.
En revanche, il fait naître petit à petit, via ses repompages perpétuels, un sentiment coupable d’amusement complice. Avec son absence de finesse comme de réelle intention de cinoche au sens noble (raconter une histoire, développer des personnages), Kong : Skull Island se paie l’allure d’une gentille dénonciation, intentionnelle ou non, de la déconnade couillonne qui a ravagé la cervelle d’Hollywood ces quinze dernières années.
Qu’est-ce Kong rigole !
Et c’est à cause de ça que je n’arrive pas à détester ce sale Kong. Difficile de ne pas trouver son compte à un moment ou un autre, dans ce méga mix de pillages cinématographiques (les précédents King Kong, Apocalypse Now), repompes vidéoludiques (références de style à Uncharted, citations de Metal Gear Solid), et influences comics (Jackson rejoue Nick Fury, et le film suinte une ambiance pulp jusque dans sa police de titres). On a franchement l’impression de voir l’adaptation d’une bédé de la fin des seventies, avec scénar bateau, gratuité du contexte (historique) et caractérisation torchée. Et comme les lecteurs de cette littérature de gare, on veut voir du sang, des zolies images et des monstres dans toute leur splendeur, ce sur quoi Skull Island ne déçoit pas.
Par contre, côté casting et dialogues, les clichés employés ne font plus rire, ni pleurer. Derrière le trio composé par Jackson, Hiddelston et Larson (tous en mode « je ne fais que passer »), les forces spéciales ne sont que de la pâtée pour chien, QI assorti. Seules leurs morts sadiques, ironiques, comiques voire gorasses nous importent, le reste ne nous touchant pas une cacahuète. Du coup, le décalage avec le sérieux du traitement génère de grands moments de dérision dignes de Joss Whedon (réalisateur d’Avengers et Avengers l’Ere d’Ultron). On pense à la dernière réplique de Samuel L. Jackson, ou au sacrifice “tragique” d’un soldat, véritable parodie de celui de Predator. Malin ou foiré ? C’est le résultat qui compte, mais on finit par se le demander.
Sauvé par le Kong (Skull Island)
Skull Island est donc un blockbuster graphique, nostalgique, geek et même un poil gonzo. Mais il devient remarquable dans sa manière de dire « f*** you ! Je fais ce que je veux » à son spectateur, sans pour autant l’insulter comme l’ont fait bien des bides récemment.
A l’inverse d’un Zack Snyder, adulte en proie au pulsions déviantes et irréfléchies d’un gosse de cinq ans (et la mauvaise foi qui va avec), Jordan Vogt-Roberts se pose comme un grand enfant qui fait ce qu’il veut et aime, point barre. Pour le comprendre, il faut attendre cette scène finale pendant les crédits de fin, et s’attardant sur un personnage dont on n’a ABSOLUMENT rien à braire. Après l’absence d’émotions citées plus haut, on nous inflige de voir pendant de longues minutes le pépère faire sa vie, puis s’envoyer une binouze, les pieds en croix sur son sofa.
Mais qu’on se rassure : Skull Island se rattrape avec son obligatoire scène post-générique, vendant le match du siècle entre le grand singe et (spoiler). Pour tout ce qu’il a de bon comme de mauvais, Kong est un blockbuster opportuniste moins décevant que Godzilla 2014, moins déprimant que Batman v Superman et beaucoup, beaucoup plus regardable que Suicide Squad. C’est peu dire, mais dans son genre, il fait déjà beaucoup.
LES + :
- C’est beau.
- C’est con.
- C’est geek, nostalgique, comic et un peu sale.
- Une dérision volontaire ou non plutôt salutaire.
LES – :
- Un gâchis de bons comédiens.
- Le contexte historique sans aucune incidence ni portée.
- Le réalisateur va s’occuper du film Metal Gear Solid et je doute que l’intelligence du matériau lui survive…
- Pitié, arrêtez avec les univers étendus ! Faites des bons films, puis faites des suites. Comme avant, quoi.
“Pour tout ce qu’il a de bon comme de mauvais, Kong est un blockbuster opportuniste moins décevant que Godzilla 2014, […] et beaucoup, beaucoup plus regardable que Suicide Squad. C’est peu dire, mais dans son genre, il fait déjà beaucoup.”
Je suis cent fois d’accord avec cette conclusion, quand bien même j’ai détesté Kong : Skull Island de bout en bout. Godzilla était une catastrophe (pas visuellement, heureusement) dégoulinante de bons sentiments et Suicide Squad, le seul truc auquel j’ai pensé en sortant de la salle, c’était le suicide tout court.
Le plus gênant, ça reste quand même l’inutilité totale de chaque acteur et de son personnage, entre Samuel Lee Jackson, en mode caricature de la caricature de lui même (c’est dire le ridicule de la chose), Tom Hiddleston qu’on a sûrement recruté pour faire genre on peut être musclé et avoir un accent british qui donne l’air intelligent et Brie Larson qui, heu… Heu ? Bonne question.
Quoique non en fait, le plus gênant, ce sont les méchants lézards qu’on a jamais terminé de designer parce que la flemme donc pas de pattes arrières, cépagrav’ personne verra rien.