Trente cinq ans après les événements de Beetlejuice, Beetlejuice, le revenant farceur (Michael Keaton) revient perturber la vie de Lydia (Winona Ryder) et de toute la famille Deetz, en proie au deuil suite à la mort tragique de l’homme de la famille. Ajoutez un petit ami profiteur (Justin Theroux) et une ex morte-vivante en vadrouille (Monica Bellucci). Il y a aussi une demi-douzaine de persos secondaires inutiles, un Danny Elfman fatigué, un Tim Burton en pilotage automatique et… Attendez une minute ! J’ai déjà fini de raconter le film ?!
Ah ben oui. Mais peut-être aussi parce que, quelque part, le film s’est perdu en chemin. Certes, ça fait plaisir de retrouver la majeure partie du casting de l’original, et un peu de son univers. Mais le reste n’est pas fou. Beetlejuice, Beetlejuice s’articule autour de quinze sous-intrigues et rebondissements. Ce ne serait pas un crime si ces histoires n’étaient pas oubliées ou résolues d’une façon expédiée et ô combien commode. Pendant ce temps, le public tourne en rond.
What the juice ?!
La mère de Lydia a des problèmes avec la mort de son mari, qui entraîne des problèmes avec sa fille, qui est étouffée par son copain Rory (Justin Theroux) pressé de l’épouser pour sa fortune, alors qu’elle a déjà des emmerdes avec sa propre fille Astrid (Jenna Ortega), qui a un problème avec la mort de son père à elle, alors que Lydia a un problème avec Beetlejuice, qui revient fraîchement la hanter depuis qu’il a des soucis avec son ex, Dolores, qui lui a amené des tracas avec la police de l’au-delà.
La Ghoul Patrol, justement, menée par Wolf Jackson (Willem Dafoe) a un problème avec le fait que la revenante peut tuer les morts (?!), ce qui contrarie Beetlejuice qui ne veut pas mourir-mourir, et qui harcèle donc Lydia pour qu’elle l’épouse, afin de rendre son précédent mariage caduc, tandis qu’Astrid a un problème tout frais avec un jeune qu’elle vient de rencontrer, qui a un lourd secret qui va entraîner tout le monde dans l’au-delà, et ainsi de suite, et caetera. Et ce n’est même pas la première heure du film.
Voir « Beetlejuice, Beetlejuice » n’est pas revoir « Beetlejuice »
On va pas se mentir, les règles du premier épisode étaient complètement foutraques. C’était à tel point qu’aujourd’hui, on ne peut pas s’empêcher de le pointer du doigt. « C’est n’importe quoi, cet au-delà ! » balance Astrid. C’est vrai. Mais au moins, le premier film se servait d’un manuel pour expliquer l’essentiel (ici, il est réduit à un deus ex machina bidon). Ajoutez que le Tim Burton des années 1980, on n’avait jamais vu ça. Ah, cette noirceur et cette esthétique gothique, ces emprunts autant aux cartoons qu’aux cauchemars persos du réalisateur…
Enfin, Beetlejuice avait le mérite d’avoir une pêche et un rythme qui ne retombaient jamais. Beetlejuice, Beetlejuice est à peine plus long, et pourtant, on les sent passer, ses 100 mn. On ne compte plus les scènes embarrassantes qui s’éternisent pour meubler. Le pire : quand Rory essaie péniblement de se justifier ou de monopoliser l’attention pendant 2 MINUTES ENTIERES, PLUSIEURS FOIS !
Ce nouvel opus, resté 20 ans dans l’enfer du développement, est finalement sorti des cartons pour être écrit et tourné afin de surfer sur la vague trop bien connue du « vite, une franchise qu’on a pas encore ramenée ! ». Après avoir tué Star Wars, SOS Fantômes et Indiana Jones, pour ne citer qu’eux, c’est cette fois Tim Burton qui revient en personne pour couler son propre héritage. Ceux qui crieront à l’objection et trouvent qu’il est « revenu » après son déclin des années 2000-2010 (La Planète des Singes, Charlie et la Chocolaterie, Big Fish, Dark Shadows, et surtout Dumbo) ont sûrement des raisons personnelles d’aimer. C’est le principal.
Maison, Maison, MAISON !
On a bien le droit d’être réconforté quand on nous apporte un plat réchauffé sorti du micro-ondes, même quand c’est légèrement cramé et caoutchouteux. Quoique l’analogie qui convient le mieux ici, c’est que le film nous jette des paillettes à la figure pour masquer son manque d’intérêt, d’ambition, de sincérité, pour ne pas parler d’amour. Ce n’est pas forcément mal de changer, d’évoluer, voire de se remettre en question, mais c’est autre chose de se singer et de laisser tomber, et c’est le cas ici.
Burton ne fait plus du cinoche comme avant, et certainement pas comme en 1988. On dit qu’il a fait une vraie dépression bien sévère après Dumbo. Mais visiblement, il a vite retrouvé la joie de vivre et abandonné ses vieilles obsessions. Obsessions qui, certes, le torturaient, mais elles transpiraient à l’écran, et ça, ça nous fascinait et nous faisait l’aimer ou détester bien plus (revoyez Edward aux Mains d’Argent et Batman Returns). A XXIème siècle, le réalisateur fait son travail, mais il n’a plus rien à nous faire réellement partager. Et ça se sent.
Qui se souvient que Lydia était profondément dépressive et attirée par le suicide dans le premier film ? On vous rassure, ce Beetlejuice 2.0 est un divertissement familial ou tout est propre et rien ne dépasse. Oui, Burton filme du Tim Burton, mais il ne fait plus du Tim Burton. Le « Soul train » est un exemple flagrant. Que vous ayez ou pas la référence, c’est drôle, oui, mais … What the f*** ?!
Le même avec un coup de Baygon
C’est l’époque qui veut ça. Vous êtes les bienvenus si vous aimez les citations de répliques de l’original, les mêmes plans, les mêmes personnages, même des transfuges d’une autre burtonerie (Dolores s’inspire autant des Noces Funèbres que de L’Etrange Noël de Monsieur Jack). Tim va même jusqu’à reproduire des effets spéciaux à l’ancienne, dont un ver de sable dégueulasse en pâte à modeler. Je n’ai rien contre, mais soyons honnête : les plus vieux seront à peine émus, et les plus jeunes ne pigeront pas pourquoi il est si « mal fait ».
Et les sous-intrigues ne sont présentes, là encore, que pour meubler. Dolores vagabonde dans l’au-delà et Delia fait des trucs absurdes dans son coin. Wolf s’agite pour rien et les deux petits amis profiteurs sont punis d’un claquement de doigts. Beetlejuice, lui, fait trois petits tours et puis s’en va, même si le dernier acte lui donne enfin la scène pour lui tout seul. Mieux vaut tard que jamais.
Une triste der des der
Beetlejuice, Beetlejuice ressemble à un téléfilm friqué tourné par une équipe fatiguée. Ça inclut la plupart des acteurs. Keaton et Winona Ryder sont à peine plus en éveil, et Catherine O’Hara est, de base, complètement à l’ouest. Mais ça vaut aussi pour Burton. Il n’a clairement plus de jus, seulement des références à citer, même chez Mario Bava. Quant au mythique compositeur Danny Elfman, on sent l’agonie. Toutefois, il est vieux, et il nous a déjà offert une pelletée de thèmes formidables (Batman, Beetlejuice, Pee-Wee, Men In Black, Spider-Man, etc.). On peut comprendre qu’à un moment, il a fait le tour.
Beetlejuice, Beetlejuice ne capitalise vraiment que sur la nostalgie qu’il est censé susciter. La salle où je l’ai vu était pleine d’un public divers, jeunes et vieux (moi, je suis encore au milieu). Pourtant, ils étaient tous constamment silencieux comme à un enterrement, même dans les moments supposés les plus drôles, comme le bébé (dangereusement reminiscent du Braindead de Peter Jackson) ou, encore une fois, le final qui singe celui du premier film.
Rappelons pour finir que, contrairement à sa suite, le Beetlejuice original n’avait pas cinquante sous-intrigues. Il y avait seulement deux histoires principales : celle des Deetz, bien vivants, et des Maitland, bien morts, avec Beetlejuice au milieu. La conclusion était satisfaisante, et on n’avait pas l’impression de faire traîner les choses tant bien que mal. Entre regarder Beetlejuice, Beetlejuice ou regarder Beetlejuice deux fois, je vous laisse deviner ce qui est le mieux…
LES + :
- Revoir cet univers et ces personnages.
LES – :
- C’est long.
- C’est mou.
- Après 35 ans d’attente, c’est triste d’en arriver là.