Le hacker en titre, c’est Nick Hathaway (Chris Hemsworth). Il est à la fois une baraque à lui tout seul et un pirate informatique de talent, purgeant une peine de treize ans au pénitencier pour fraude bancaire. Une nuit, un pirate mystérieux provoque une explosion dans une centrale nucléaire chinoise. On découvre que le criminel a utilisé un code écrit par Hathaway pendant ses années de fac. Le FBI et le gouvernement chinois décident alors d’unir leurs forces, comprendre : suivre sans broncher les conseils et théories de Hathaway, fraîchement briefé et sorti de prison pour l’occasion. Une mesure désespérée pour une situation désespérée, car le terroriste n’a émis aucune revendication. Sans parti ni mobile, de quoi peut bien être capable un ennemi pouvant frapper n’importe où, n’importe quand ?
Michael Mann a toujours aimé mettre en scène des héros marginaux évoluant dans des eaux troubles, où s’affrontent une conception du Bien et du Mal sans cesse renouvelée à chaque opus. Le côté obscur s’étend majoritairement au monde criminel (cartels et braqueurs), même si, à ses débuts, le réalisateur de Miami Vice avait confronté deux aspects du Mal avec un grand M (Nazis contre Satan) dans son très conceptuel La Forteresse Noire, en 1983. Il avait ensuite approché le temps d’autres tentatives les aspects juridique, idéologique et médiatique.
The Inside Job version hacker
Aujourd’hui, c’est le monde du crime informatique qu’il aborde avec une certaine virtuosité de style. Hacker (Blackhat en VO) débute par ce qui ressemble à la Lune, claire, isolée et désertée, pour révéler ensuite qu’il s’agit de notre Terre en réalité “augmentée”, avec ses flux de données puis sa réalité physique visibles par satellite. Jusqu’à se rapprocher plus près, toujours plus près, au-delà des attentes, pénétrant le microcosme d’un circuit imprimé soudain animé de flux électriques menaçants. Un travelling vertigineux jusque l’infiniment petit, une démarche simple et spectaculaire révélant le cœur du problème : la menace est invisible, insignifiante, à l’échelle d’une étincelle de vie.
Une seule once de lumière dans les tréfonds d’un espace clos oublié et toute la société pourrait s’effondrer. En l’occurrence, et pour commencer, un réacteur nucléaire mal protégé (moins en tout cas qu’aux Etats-Unis). Mann a toutefois la sagesse de ne se répéter qu’une fois et assez vite, le temps d’un passage en Bourse, avant que cela ne devienne un gimmick facile tendance Ennemi d’Etat de feu Tony Scott.
“- Vous êtes sûr que ça parle de TOR, pas de THOR ?
– En tout cas, c’est sans H.
– C’est un MARTEAU, pas une hache.”
Ctr + C / Ctrl + V
Pour le reste, il faut avouer que Hacker commence à sentir la redite pour Michael Mann, même si on apprécie toujours autant (ou pas ?) le style de Miami Vice et Collateral. Caméra portée, grain poussé, longs plans urbains nocturnes… Même une explosion retardée ou des fusillades au parfum de guerilla, si elles sont parfaitement exécutées, ne surprendront pas les habitués. Soulignons également que le scénario simplifie son jargon et ses manipulations high-tech (c’est bien) mais qu’il sacrifie au passage ses personnages (c’est moins bien). Lorsqu’ils ne sont pas taillés au burin (Hathaway et Chen Lien), on leur passe carrément un gros coup de Tippex, cf. le personnage de Viola Davis, évoquant vite-fait un événement pilier de son passé le temps de griller un feu rouge en pleine poursuite.
Mais bon, il faut l’avouer, la caractérisation ne fait pas le divertissement, et sur ce point-là, le film se débrouille, heureusement. L’enquête est passionnante, les décors exotiques, et le casting quand même plus relevé et charismatique qu’un plateau d’huîtres. On croirait toutefois qu’après Public Enemies, le réalisateur a voulu se relâcher un peu avec Hacker, nous offrant ce qu’on connaissait déjà de lui sans prendre la peine de creuser son sujet. Mais franchement, peut-on se permettre de le lui reprocher ?
“You’re no match for the mighty… Oh, right.”
Hacker vs Mann vs Wild
Le sujet a donc bien motivé Michael Mann plus que la perspective de mettre à jour sa vision des choses, hormis ces travellings au microscope de la technologie en cause. Il préfère exploiter encore une fois la nature ambivalente du Bien et du Mal s’affrontant ici. En l’occurrence, Hathaway contre “le Joueur”, tous deux criminels et doués au clavier, mais aux motivations et idéologies différentes. Pourtant, tous deux usent de coups bas et de duperie pour arriver à leurs fins. Ils usent même de violence purement physique, que ce soit par voie détournée (le Joueur et ses sbires) ou directe (Hathaway).
Sauf que la capacité du héros (le “moindre mal” donc) à se salir lui-même les mains lui donnera l’avantage sur cette entité désincarnée et désabusée, sans attaches ni idéaux, ayant renoncé à assouvir en personne ses pulsions et ses besoins. Pour le Joueur, c’est un jeu qui rapporte. Mais à mesure que Hacker avance, cela coûte cher à Hathaway, qui finira par vouloir payer par le sang les outrages subis.
Bilan piraté
A travers la sauvagerie d’un affrontement final inévitable, c’est encore l’Humain qui gagne à la fin. Un constat qui revalorise Hacker en le remettant en perspective avec les œuvres précédentes du papa de Heat. Autrement, il peut quand même se savourer comme un thriller technologique facile à suivre, bien rythmé, et à l’enrobage plus que séduisant (casting, décors et mise en scène). Suite à d’autres avis moins cléments, j’avoue que je n’en attendais pas tant.
LES + :
- Par rapport à d’autres films d’action sur des pirates informatiques, il est plus intelligent que Die Hard 4 et moins con qu’Operation Espadon.
- De l’action brute de décoffrage.
- Un exotisme et un esthétisme qui apportent leur dose de charme.
LES – :
- Michael Mann se répète beaucoup, après Collateral et Miami Vice.
- Ou alors il s’en fout ?