Vous connaissez ces jeux sur lesquels vous avez bavé petit et n’aviez pas pu jouer ? Il n’est jamais trop tard pour se rattraper. Aujourd’hui, je fais connaissance avec Alan Wake sur Xbox 360, ainsi que ses aventures annexes. Un jeu par Remedy, les créateurs de Max Payne et Quantum Break, et bientôt Control. Bref, un titre barré et techniquement léché dans lequel, vous vous en doutez, ça va surtout shooter.

alan wakeThriller d’action psychologique à la croisée de Stephen King et Twin peaks, Alan Wake est une exclusivité Xbox 360 sortie en 2010, puis deux ans plus tard sur PC. En 2016, il est devenu rétrocompatible sur la dernière itération de la console de Microsoft, la Xbox One. La rétrocompatibilité, c’est quand même merveilleux (n’est-ce pas, Sony ?). Elle permet à un obstiné comme moi de jouer 10 ou 15 ans plus tard à des jeux mythiques comme Halo, Gears of War, ou encore celui qui nous intéresse aujourd’hui.

La peur de l’auteur

La peur de l’auteur, c’est la page blanche. Ça fait trop longtemps qu’Alan Wake en souffre, lui qui fut l’écrivain a succès de la série policière Alex Casey. Fortement déprimé, il accepte de partir en vacances avec sa femme, Alice. Direction : la petite bourgade de Bright Falls, dans l’État de Washington, où Madame a loué un petit cabanon tranquille en bord de lac. Hélas, sitôt arrivés sur place, c’est le drame. Alice est enlevée puis disparaît au fond des eaux. Alan plonge à son secours, et pouf ! Il se réveille en voiture dans un ravin, avec une vilaine bosse au front. Aucun souvenir de pourquoi ni depuis quand il est là (Dieu merci, il ne s’est pas téléporté à Silent Hill).

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Obligé de traverser la forêt pour trouver du secours, l’auteur va rapidement rencontrer les Possédés (« the Taken », en VO), des gaillards énervés sous l’emprise d’une entité surnaturelle, la Présence Obscure (ou « Dark Presence »). Une fois revenu dans la civilisation, Alan découvre qu’il a disparu une semaine entière, occupé à écrire un nouveau roman dont il n’a aucun souvenir, « Le Départ ». Le départ de qui ? Qui l’y a forcé ? Et pourquoi tout le monde veut à tout prix mettre la main dessus ? Entre un agent du FBI nerveux de la gâchette, un kidnappeur mystérieux ou encore un psy zélé, l’auteur amnésique ne peut compter que sur le soutien d’un sidekick et comic relief, son agent et meilleur ami Barry Wheeler…

Alan Wake ne fait pas peur. Il ne faut pas s’y attendre, ni en faire des tonnes en prétendant qu’on n’était pas prévenu. J’ai rarement entendu parler du jeu comme d’un « survival horror ». C’est Max Payne chez Stephen King, point. Est-ce réducteur pour autant ? Non. Certes l’aventure verse beaucoup dans la référence et l’hommage à ses modèles, et elle boîte même un peu par endroits. Mais le résultat a plutôt fière allure, tant dans le fond que dans la forme.

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L’auteur sans peur

De la peur, il n’y en a donc pas. Mais du stress, oui, grâce à une action plutôt nerveuse et intéressante. Le gameplay est dans la lignée des jeux passés et à venir de Remedy : un héros, un flingue et un univers soigné. Il n’y a plus qu’à tirer. Mais Alan est physiquement normal comparé au super flic Max Payne. La manière de jouer et le déclenchement du slow motion, alors la marque de fabrique du développeur, s’adaptent en conséquence. Cette fois, le temps ralentit en trois instances, souvent dans un cycle récurrent :

  1. Quand le héros esquive à la dernière seconde une attaque au corps-à-corps.
  2. Une fois qu’Alan a abattu le dernier ennemi présent, marquant ainsi le début d’un répit passager jusqu’au prochain assaut.
  3. Et justement, si un Possédé arrive en courant dans votre dos. Auquel cas, la caméra vous indique d’où il va surgir, vous laissant très peu de temps pour riposter.

Mais ce n’est pas tout, sinon, ce serait trop facile. Il faut d’abord percer les défenses des Possédés, enveloppés de ténèbres. Et donc, il vous faut de la lumière. Alan ne peut trouver refuge que sous les éclairages publics (lorsqu’ils ne le lâchent pas de manière scriptée). Sinon, avant de pouvoir blesser un ennemi, il va falloir braquer votre lampe torche jusqu’à ce que sa protection s’évapore. Et là, à vous de faire pisser le plomb. Plus facile à dire qu’à faire lorsqu’ils sont cinq ou six à vous tomber dessus. Dans ce cas, il faut recourir à des flares ou à des grenades aveuglantes… à supposer que vous en ayez sous la main.

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Bis repetita

On imagine déjà le gros défaut d’Alan Wake en terme de gameplay : sa répétitivité, inhérente au genre TPS. Et c’est vrai que des fois, flinguer est la seule chose à laquelle vous raccrocher. Il y a des moments où l’aventure inflige de longues errances, influencées là encore par Silent Hill, mais marchant moins bien. Dans ce dernier, l’attente de quelque chose était justement l’intérêt. « Que va-t-il arriver au cours de ces longues phases de marche en terre inconnue, cerné de bruits inquiétants ? » Chez Remedy, vous savez ce qui vous attend : trop fréquemment, une bande de Possédés va surgir pour vous rosser.

On pense notamment aux chapitres 2 et 6, lesquels n’ont pas grand chose d’autre à raconter que « Alan shoote du monstre jusqu’à atteindre l’objectif », objectif qui est looooooooin. Certes, on ressent une certaine fierté à esquiver avec succès les haches des ennemis. Mais on finit par éprouver de la lassitude dans ces deux portions de l’aventure, puisque l’histoire n’a rien à offrir pour nous tenir en haleine jusqu’à notre arrivée à destination. Fort heureusement, le reste du jeu n’est pas comme ça.

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Alan Wake, auteur à la hauteur ?

Les jeux phares de Remedy ont beau être des shooters linéaires, ils changent constamment de genre et d’orientation. Max Payne était un polar nerveux et violent. Quantum Break serait plus tard un thriller de SF ambitieux, et Control… on n’est pas très sûr, encore. Mais tous mettent à cœur de combiner plus ou moins harmonieusement gameplay et narration. Il y a des réussites incontestables (Max Payne) et des efforts qui laissent sceptique (Quantum Break et ses épisodes live insérés entre deux phases de jeu). Toutefois, pour leurs qualités comme leurs défauts, leurs clichés comme leurs idées géniales, les créations du développeur sont toujours soignées sur le plan de l’histoire et du lore qui les entoure.

Alan Wake perd en intérêt quand la narration est mise de côté (cf. chapitres 2 et 6). Mais le reste du temps, l’histoire est captivante. Le jeu use de tous les artifices pour nous conter une quête au croisement de la littérature et de l’écran, petit ou grand. Narration en voix off (l’histoire constituant un très long flashback), présentation de Bright Falls et ses habitants à la croisée de David Lynch et de L’Antre de la Folie de John Carpenter… Et bien sûr, le héros éponyme, créateur coincé dans une histoire digne d’une fiction.

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Le genre comme la raison de son malheur lui échappent complètement (Alan est un auteur de thrillers). Mais lui comme le joueur détiennent chacun un bout de la solution. Lui par les souvenirs qu’il a perdus, et dont des pages peu à peu retrouvées du « Départ » sont essaimées sur son chemin. Le joueur, pad en main, lui donnant les réflexes et l’initiative nécessaires à sa quête. Alan veut retrouver sa femme. Le joueur veut savoir ce qu’il se passe dans ce fantasme sorti de l’imagination d’un fan de King.

La beauté dans l’horreur

Alan Wake, il claquait à l’époque, et le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est toujours le cas. Le jeu est resté une merveille de direction artistique et d’ambiance, surtout sonore. Il a également adopté, à l’instar de l’oublié Alone in the Dark 5, un format épisodique repris plus tard par plusieurs survival horrors. Mais le titre de Remedy dispose d’un solide sens du cliffhanger, qui donne envie de « binge play-er » tout de suite la suite. Heureusement qu’on n’a pas eu à payer tous les mois pour déverrouiller le chapitre suivant (à l’image de The Walking Dead, Resident Evil Revelations 2 ou Life is Strange 2, par exemple).

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Ambiance nocturne oblige, les gestions climatiques et les effets de lumière, appuyés par un pixel shading efficace, émoustillent les yeux. L’arrivée des Possédés est annoncée par un effet de tempête encore probant. Les sources de lumière scintillant à l’horizon sont criantes de vérité. Deux pouces levés pour l’immersion donc, ce qui, en plus d’un mystère surnaturel captivant, pare à la redondance du gameplay. Et que dire de la BO envoûtante, signée Petri Alanko, ainsi que des reprises à chaque fin d’épisode qui donnent envie de monter le son.

Prochainement, dans Alan Wake

La conclusion aurait pu s’accompagner d’un point final. Mais deux DLC + un épisode « bonus » permettent à qui n’en veut de prolonger l’aventure et le mystère. Les DLC Le Signal et L’Écrivain sont des suites directes. Mais elles donnent la part belle à l’action plutôt qu’à la narration. Il s’agit de nouvelles errances jouissant d’une ou deux idées de gameplay (comme éclairer des mots suspendus dans l’air pour faire apparaître ce qu’ils représentent). On remet également une couche de Barry Wheeler, pour qui aimait la touche de dérision que le personnage apportait. Mais ces contenus sont tout à fait dispensables. En fin de compte, on se retrouve au même point qu’à la fin originale du jeu.

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Alan Wake’s American Nightmare est plus réjouissant. Il peut être interprété comme suite et conclusion à Alan Wake si on le veut seulement. Une liberté qui ajoute au mystère et au charme de cet univers, où tout est possible. Deux ans après l’opus original, Alan se réveille à proximité d’une petite ville d’Arizona appelée Night Springs. C’est drôle, car c’est le nom d’un show télé récurrent dans le premier épisode. Ici, notre héros doit pourchasser un jumeau maléfique à l’aide de pages d’un scénario qu’il a écrit.

Plus orienté action, le jeu se finit en quelques heures et ne possède que trois environnements. Mais il surprend habilement par son cadre très différent, une boucle temporelle, et plusieurs nouveaux ennemis. C’est peut-être l’occasion pour Alan de voir le bout du tunnel. Si vous aimez tirer à vue, un mode « Arcade » est également présent. Vous pouvez y affronter des hordes de Possédés dans les divers décors du jeu. Sympa pour de petites parties ici et là.

“…”

Anxiogène ou fun ? Alan Wake cherche plutôt à être fun. Notamment grâce à son gameplay, son intrigue tordue, les jérémiades de Barry, et des scènes de pur WTF, comme lorsque vous visitez « la ferme du Valhalla » (comprenne qui jouera). Sans parler de la valeur ajoutée par ses deux DLC, mais surtout de sa suite/son spin-off American Nightmare, une expérience vraiment rafraîchissante.

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De plus, ce jeu déjà sublime bénéficie d’améliorations cosmétiques, sans doute grâce aux mises à jour pour le faire tourner sur Xbox One. Il a des défauts bien sûr, comme de traîner en longueur certains passages. Ou de donner parfois l’impression de ne pas savoir sur quel pied danser (vous vous demanderez dans certaines scènes si le ton se veut léger ou inquiétant). Mais cela ne change rien à l’atmosphère qu’il dégage ni à la réussite technique qu’il constitue. Il ne reste plus qu’à espérer que Remedy, qui détient à nouveau les droits de la franchise, se lance dans la suite des aventures d’Alan.

Bon à savoir : lorsque j’ai voulu y jouer, il m’a fallu dénicher la version physique du jeu. Sur le store en ligne, Alan Wake était toujours présent, mais impossible à télécharger pour une obscure raison de droit sur sa BO, si j’ai bien compris. Mais si la situation ne change pas et si vous voulez y jouer, achetez-le 3 € chez un revendeur plutôt que 20 € en ligne. Il les vaut largement. 😉

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