The Evil Within 2The Evil Within 2 débute trois ans après le cauchemar de l’hôpital Beacon. Sebastian Castellanos est devenu un cliché ambulant. Ex-flic poivrot et névrosé, il est obsédé par la mort de sa fille et la disparition de sa femme. C’est alors que l’organisation secrète Möbius le kidnappe et le branche à une nouvelle version du STEM, leur machine à rêves foireuse. Contrairement à jadis, ce nouveau système plus stable abrite un univers cohérent et ordonné du nom de « Union », version idéalisée de la banlieue U.S. typique. 

Sauf qu’Union est partie en sucette sans raison et qu’aucune communication ni équipe de secours n’ont pu en revenir depuis. Pourquoi compter sur Sebastian ? A cause de son affection pour celle dont le cerveau est utilisé comme serveur central : sa fille Lily, en réalité bien vivante dans un caisson d’isolation sensorielle. Faisant sa vie à Union, elle a subitement disparu et restera prisonnière de ce cauchemar jusqu’à ce que son père la retrouve et la réveille. A condition de survivre dans les rues de plus en plus mal famées de cette ville de rêve…

Bienvenue à Union…

Pour connaître mon avis sur The Evil Within, je renvoie au très énervé article d’il y a trois ans. Plus torture test que chef d’œuvre, il n’était sauvé de l’anonymat que par des fulgurances esthétiques et deux-trois boss marquants (le Gardien, Laura). Et pour y avoir rejoué le mois dernier avec ses DLC cette fois, je confirme, surtout que les fameux DLC s’avèrent bien plus satisfaisants et prenants que le jeu principal ! The Evil Within 2 n’était donc pas attendu par votre serviteur, puisqu’il allait logiquement nous refaire la même en pire.

Jeu va au ciné

Le cinéma d’horreur actuel emploie deux écoles extrêmes : l’approche démonstrative, avec sang et sévices en pagaille, et l’approche psychologique, où on ne voit rien mais on s’imagine tout. Dans l’esprit à défaut de qualité, ça donne Saw d’un côté et Paranormal Activity de l’autre. L’un écœure via un malsain sans tabou, l’autre fait peur en nous interdisant de voir. Dans les jeux vidéo, on distingue maintenant « jeux d’horreur » et « expériences horrifiques ». Les exemples sont multiples, mais on pourrait opposer The Evil Within 1 (jeu d’action gore et violent à la troisième personne) à Outlast 1 (exploration à la première personne sans armes, certes sanglant mais visuellement beaucoup moins recherché et excessif).

The Evil Within 2

Leur problème commun, c’est que s’ils empruntent des attributs et procédés de cinéma (grain et bandes noires pour The Evil Within, plan subjectif et hors-champ pour Outlast), ces jeux doivent faire effet sur une douzaine d’heures, contre deux maximum pour un film, et on finit par s’habituer malgré nous. Si je recommande Outlast pour sa première moitié à se ch*** dessus, on finit par ne plus sursauter. Avec The Evil Within, l’expérience revenait à mater les sept épisodes de Saw d’affilée.

Comme son homologue ciné, le jeu multipliait les pièges à cons mortels et non-sensiques, recyclait ponctuellement ses personnages marquants (en l’occurrence, des boss vicelards), et mettait constamment à mal la continuité entre les chapitres par l’abus du même gimmick narratif (flashbacks dans Saw, évanouissements dans le jeu). Description réductrice, mais il faut reconnaître qu’à force d’abuser, le joueur finissait fatalement par être fatigué.

En faire moins beaucoup trop

The Evil Within 1 ne faisait pas plus peur que sa suite. Il misait juste sur un rythme de train fantôme et du gore à l’excès pour faire « son effet ». Comme une franchise exsangue au box-office, son public gavé n’avait pas à en demander plus. Ses créateurs ont dû faire eux-mêmes l’analogie, en faisant preuve de plus de jugeote que des producteurs ciné. The Evil Within 2 change de musique, mais également de rythme, au risque de décevoir les fans du premier.

Cette fois, un fil narratif est clairement établi (trouver votre fille), le gameplay évolue en monde plus ou moins ouvert (quêtes annexes à l’appui), un léger coup de frein a été mis sur le gore au profit d’un rythme plus étiré, et la multiplication d’armes et de compétences permet d’évoluer en fonction de votre manière de jouer (cela ne tient qu’à vous de développer des aptitudes de ninja ou de brute).

A travers cela, la franchise confirme qu’elle demeure un jeu d’action et d’horreur et non une expérience, et que le plaisir de jouer reste son objectif. Là où The Evil Within me mettait constamment au défi de le finir, sa suite m’en a donné enviecela grâce à des ingrédients qui n’ont toujours rien d’original mais fonctionnent mieux ensemble.

The Evil Within 2Population : très diversifiée…

Ce n’est qu’un jeu…

The Evil Within 2 est avant tout un jeu d’action, visuellement inventif et ponctué de jump scares diablement efficaces (surtout ceux jouant sur les effets sonores) mais il n’est pas plus gore ni flippant que son prédécesseur. Certains peuvent le trouver moins trépidant mais il y gagne un scénario plus ambitieux, qui étoffe son héros principal et explore beaucoup plus la mythologie introduite auparavant.

On n’oublie pas le fun pour autant, notamment grâce à un très chouette détecteur/talkie-walkie pour explorer les lieux, un craft amélioré et un stand de tir rigolo abritant un Tetris-like incongru. Certaines idées du premier ont été abandonnées (les allumettes pour brûler les corps, la possibilité de se planquer) mais leur manque ne se fait pas sentir.

Le jeu comporte tout de même son lot de défauts qui font grincer des dents. Certains sont hérités de l’opus 1, comme les affichages tardifs de textures. C’est incompréhensible alors que la PS4 (et la Xbox One) a déjà pas mal d’années au compteur. En plus, il n’existe pas de version old gen du soft.

D’autres trucs ont l’air tout aussi daté, comme les interactions avec les personnages secondaires. Ce ne sont que des successions de champs/contrechamps entre personnages raides comme des piquets et aux expressions figées. On est si loin du soin apporté au reste qu’on se croirait dans un vieux Fallout. Un petit mot enfin concernant le nouveau système de couverture. Il est inutile et manque de la souplesse d’un Uncharted pour convaincre. Mais s’il gâche un peu la jouabilité, on peut souvent s’en passer.

La rejouabilité n’est toutefois pas remise en question par ces broutilles. Vous avez :

  • Des costumes et armes déblocables ;
  • La possibilité de pousser à fond vos améliorations;
  • L’opportunité de découvrir des zones potentiellement loupées la fois première ;
  • La chance de pouvoir déverrouiller le mode « cinéma », ces fameuses bandes noires si décriées dans le premier jeu. Elles ajoutent pourtant un sacré cachet à l’ensemble.

The Evil Within 2Les bandes noires “so cinéma” sont déblocables une fois le jeu bouclé.

… mais le jeu vidéo est un art

Mais le plus intéressant avec The Evil Within 2 vient probablement de ce qu’on lui a reproché en grande majorité : son histoire, et plus particulièrement ce qu’elle véhicule. Certes, avec elle vient tout un lot de clichés du genre. Le héros ex-flic torturé parlant comme Max Payne, une implication personnelle doublée d’un triangle familial pratique. On a même la corporation puissante aux expérimentations douteuses. Le tout jouit de dialogues « de service » justement. Sans compter qu’en détaillant le fonctionnement du STEM, les auteurs soulèvent de nouvelles questions gênantes sur le fonctionnement de cette « Matrice » onirique.

En revanche, à travers son histoire, le soft en dit beaucoup sur l’art, la religion et le fanatisme. Il questionne leur évolution et leurs limites moralement acceptables. Des préoccupations en lien avec notre époque, toujours en pleine mutation technologique. De quoi remettre en question l’intérêt porté aux choses suivant leurs représentations. Vu sous cet angle, The Evil Within 2 se pose davantage en oeuvre que son grand frère. C’est un potentiel outil de réflexion quand son prédécesseur n’était qu’un “simple” divertissement masochiste.

C’est tout à fait flagrant via le personnage de Stefano Valentini, l’antagoniste autour duquel s’est articulée la promotion. Ses compositions malsaines égaient la première moitié de l’aventure. Des  meurtres figés dans des espèces de GIF en 3D, faisant office de jalons dans un environnement changeant perpétuellement. Ils prouvent constamment qu’on pourrait trouver une certaine beauté dans l’horreur… si on osait l’ériger en art. Ça, c’est flippant.

D’autres individus moins raffinés mais aussi peu fréquentables viendront plus tard nous donner du fil à retordre. Ils légitiment alors un retour aux délires plus « classiques » du survival horror (du type enfer moyenâgeux). Mais évitons les spoilers.

The Evil Within 2Les auteurs ont redoublé d’imagination pour nous offrir des tableaux “artistiques” à la beauté troublante…

Dream on

Un gameplay rodé, une direction artistique solide, une mythologie intéressante et un fil narratif simple mais efficace font déjà de The Evil Within 2 un très bon jeu. Mais une fois passé son générique de fin, ses clichés et rebondissements discutables ne seraient-ils pas son meilleur twist ?

Car si l’on fait attention aux détails (en trois ans, la petite Lilly ne semble pas avoir grandi), aux failles de raisonnement, aux incohérences (pourquoi votre communicateur marche-t-il si ceux des précédents envoyés déconnent ?), à une résolution épique un peu trop « facile »… Et si tout ceci n’était qu’un rêve ? Et en franchissant les limites diégétiques, si tout n’était bêtement qu’un jeu ?

Ne manquerait plus alors qu’un épisode 3, lequel, pour rester dans le ton, ne s’inspirerait plus d’Inception mais de L’Antre de la Folie. Le créateur du jeu pourrait ainsi se révéler à sa créature dans un message frontal. Il dévoilerait au passage l’existence du joueur, ce marionnettiste complice, certes responsable, mais pas coupable. On peut toujours rêver…

LES + :

  • Une histoire étoffée.
  • Un gameplay mieux dosé.
  • Un plaisir de jeu plus présent.
  • Des questionnements intrinsèques sur la création artistique et la foi aveugle.

LES – :

  • Une histoire pas exempte de clichés.
  • Moins de diversité dans les monstres et d’affrontements marquants.

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